Local Gestures
because the personal is cultural
Formée en danse à l’Université du Québec à Montréal, Karine Denault fonde sa compagnie, L’aune, en 2001. Cherchant à déstabiliser le corps dansant, elle développe une esthétique de la physicalité, et une singularité corporelle qui advient dans les gestes, les attitudes, les états de corps et les actions. Ses pièces, exemptes de théâtralité classique, intègrent diverses disciplines artistiques et questionnent les codes figés de la danse ainsi que ses modes de production de signes et de sens. Parallèlement à ses activités de création, elle a été codirectrice de la maison d’édition Le Quartanier et conseillère artistique pour le Festival TransAmériques. Pourquoi bouges-tu? Pour me sentir vivante. Cette réponse peut paraître un peu clichée, mais c’est la plus sincère. Quelle est ta plus grande source d’inspiration en période de création? La littérature et les arts visuels m’accompagnent toujours. J’aime avoir la tête pleine de références, d’images, de liens de toutes sortes avant d’entrer en studio. Dans le quotidien, j’aime aussi observer les gens bouger, que ce soit les gens que je croise au restaurant ou dans la rue, pour essayer de comprendre des postures et des démarches qui me sont étrangères, ou encore les interprètes avec qui je travaille afin d’exacerber certaines attitudes corporelles. Pour L’échappée, le solo que je prépare en ce moment, il y a eu des recherches et des lectures préalables, mais pendant la création proprement dite je me suis laissée imprégnée de plein d’autres images et sensations. Je me suis par exemple beaucoup inspirée des musiques que j’ai choisies, des textures et des ambiances qu’elles évoquent, des images et des sensations qu’elles provoquent en moi. Pour mes précédentes pièces, j’invitais des musiciens à composer une musique originale et à la jouer live sur scène : danse et musique étaient créées en même temps. Cette fois-ci, j’ai plutôt choisi des musiques préenregistrées de groupes locaux et je les ai écoutées en boucle pendant la création. En fait, j’ai approché l’ensemble du projet de façon très sensorielle en m’inspirant de mon état du jour, de la force ou de la fatigue de mon corps, du sentiment de plénitude ressenti un soir en regardant les étoiles, de l’immensité d’un lac sur lequel j’ai fait du kayak pendant quatre heures, de la puissance émotive de ma voix... C’était important pour moi dans ce processus de laisser mon intuition guider mes choix, de cultiver qu’il n’est pas nécessaire de tout comprendre ni tout justifier. Que l’insaisissable – ce qui nous échappe – possède une force, une puissance que l’on ne peut pas expliquer rationnellement. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel est resté avec toi? Un commentaire me suit depuis presque quinze ans. Une journaliste avait écrit à l’époque que j’avais une présence féline; d’autres l’ont repris par la suite, s’en servant pour m’introduire ou tout simplement pour faire image rapidement. C’est relativement stéréotypé comme commentaire mais il me plaît bien quand même. Encore aujourd’hui, je crois qu’il caractérise bien ma façon sinueuse de bouger parfois. De quoi es-tu le plus fière? Je suis fière d’être si bien entourée, de travailler depuis des années avec des artistes que j’admire et qui m’inspire. Leur confiance, leur implication, leur soutien sont hyper précieux. Sans eux, je ne serais pas où je suis et mes pièces ne seraient pas ce qu’elles sont. Quel a été ton premier amour en danse? Probablement ma professeure de ballet-jazz quand j’avais six ans. J’étais en admiration devant elle, je la trouvais si belle et si gentille. Je voulais lui ressembler, devenir danseuse moi aussi quand je serais grande. Elle m’a enseigné jusqu’à l’âge de dix ans environ. Elle nous faisait danser sur du Marvin Gaye, tout en déhanchés, en grands chassés et en catch step. Un vocabulaire pas toujours adapté à notre âge mais ouf… Des heures de plaisir que je prolongeais à la maison, seule ou avec mes amies à qui je montrais les mouvements que j’avais appris. Je ne crois pas qu’on soit très sérieux à cet âge quand on se projette dans l’avenir, mais à 13 ans j’avais encore en tête cette idée de devenir danseuse. J’imaginais aussi devenir joaillière : une joaillière qui danse. Quel est ton rapport à la critique? Mon rapport aux critiques publiées dans les journaux? Hum… Pas facile. Comme c’est le cas pour la plupart des artistes, je crois. Une critique négative peut me démolir, et en période de shows il n’est pas recommandé de s’effondrer. Sans blague, de façon générale je trouve qu’on accorde beaucoup trop d’importance à la critique. Elles nous donnent une visibilité, certes, mais le point de vue d’un journaliste n’est qu’une impression parmi plusieurs autres. Les commentaires de mes collègues, de mes amis, de gens que je ne connais pas qui osent m’aborder dans la rue pour me parler d’un de mes spectacles, sont beaucoup plus précieux. Quant aux commentaires critiques constructifs formulés lors d’une discussion, j’en ai besoin et je m’assure qu’ils fassent partie du processus de création. Ils peuvent m’aider à aller ailleurs, à chercher autrement, ou, au contraire, à réaffirmer une position ou un choix. Avec quel artiste aimerais-tu collaborer? Spontanément, ce sont des artistes en arts visuels qui me viennent en tête. Je suis totalement fascinée par le travail des artistes canadiens Shary Boyle (surtout ses figurines enchantées) et David Altmejd (sa pièce Le spectre et la main, avec les zèbres qui galopent, est totalement hallucinante!). Aucune idée comment une collaboration pourrait être possible ni quelle forme elle pourrait prendre, je me permets tout simplement de rêver. Plus près de moi, parce qu’elles vivent à Montréal et que je les connais, j’aimerais bien un jour collaborer avec les artistes Olivia Boudreau et Julie Favreau, qui travaillent toutes deux la vidéo. La façon dont elles abordent le corps et la présence me parle et m’intrigue. Je serais curieuse aussi de collaborer avec Yannick Desranleau et Chloë Lum (le duo Série Pop), qui ont commencé cette année une série de performances lentes et étranges avec leurs objets et installations. Avec mon amie Nadège Grebmeier Forget aussi, qui remet en question l’image de la femme dans ses performances. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Je continue parce que j’y crois encore. Je crois à l’importance de l’art dans l’absolu, et à l’importance de l’art dans ma propre vie. Il est essentiel aussi pour moi que les propositions artistiques que l’on met dans le monde ne soient pas uniquement des spectacles à grand déploiement et/ou du divertissement. Des expériences plus intimes, plus confrontantes aussi sont nécessaires. Un spectacle qui amuse mais qu’on oublie dans l’heure qui suit n’a pas une bien grande portée. Un spectacle qui dérange, qui fascine, qui fait réfléchir ou qu’on n’est pas certain d’avoir aimé, voire même qu’on a détesté, nous habitera plus longtemps. Je ne sais pas si les pièces que je crée fascinent ou dérangent, ni si elles font réfléchir, mais j’espère qu’elles ne laissent pas les gens indifférents. Quand je ne remets pas tout en question et ne me sens pas trop découragée par les obstacles (les subventions qui ne suivent pas toujours, les blessures qui adviennent ou refont surface, la compétition qui ronge notre milieu, etc.), je sais que je suis privilégiée de faire de la danse et de la création. L’échappée
21-23 octobre à 20h www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 22$ À propos de la photographe : Meryem Yildiz est née à Montréal. En plus de prendre des photos, elle écrit et elle traduit. www.meryemyildiz.com
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Quelle est ta plus grande source d’inspiration en période de création?
Mes idées peuvent provenir autant de la culture populaire, du cinéma, des arts visuels, de la photographie que des multiples lectures que je fais. Pour ma pièce BLEACH, j’ai regardé des films (Vol au-dessus d’un nid de coucou, Girl, Interrupted, etc.) et lu quelques livres sur la santé mentale. Ensuite, je crée un canevas de travail à partir des informations et d’idées afin de guider les improvisations en studio. Au final, le travail que font les interprètes me nourrit artistiquement et teinte la proposition finale tout en conservant la forte trace de mon énergie et de ma signature. Les interprètes sont en avant-plan durant le processus et, sans dire que ce sont des muses, il reste que leur façon de bouger est la plus importante source d’inspiration dans mon travail. Qu’est-ce qui caractérise ton travail?
Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel est resté avec toi? Ce qui ressort, c’est le mot « assumé ». Je crois que ce commentaire est le plus important d’entre tous et c’est celui qui reste avec moi. Pour moi, c’est ce qui différencie le vrai du fake. Je peux recevoir des commentaires négatifs, mais si on mentionne le verbe « assumer », je crois que mon travail a été accompli et que je suis resté fidèle à moi-même. De quoi es-tu le plus fier? Je ne sais pas si on peut davantage parler de satisfaction que de fierté, mais je suis particulièrement heureux d’être entouré d’une gang d’interprètes talentueux avec qui j’ai travaillé à l’université et qui me suivent encore dans ma folie à travers mes multiples projets. Je suis transparent avec mes interprètes et je crois que cette sincérité apporte une certaine sécurité pour eux en ce qui a trait aux choix chorégraphiques que je prends. Je retire de la fierté de cette relation de complicité et de collaboration que j’ai su développer avec les gens qui travaillent avec moi. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? Je rêve d’une communauté de la danse sans hiérarchie, où l’on respecte et considère l’apport, l’histoire et la richesse de nos prédécesseurs, qui ont chacun à leur façon changé le visage de la danse et agit pour améliorer nos conditions de travail. D’un autre côté, il serait important que la nouvelle génération obtienne le même respect de la part de cette communauté en ce qui a trait à sa voix et sa pertinence dans le paysage chorégraphique québécois. Il serait faux de croire que l’aspect de compétition n’est pas présent lorsque vient le moment d’obtenir du financement dans un monde aussi contingenté que la danse contemporaine mais, entretemps, est-il possible de cohabiter avec une réelle convivialité? Quel est ton rapport à la critique? J’ai un côté très réactif à ce que je reçois comme critique et ma première impulsion est de toujours faire le contraire de ce qui a été dit afin de faire acte de rébellion. Par exemple, si on me dit que ma pièce est trash (je déteste ce mot, beaucoup trop galvaudé), je me dis que je vais faire encore plus trash. En plus, quand on débute dans le métier, les critiques ont tendance à comparer notre travail avec des chorégraphes aguerris même si on peut être à mille lieux l’un de l’autre dans nos préoccupations. Quand je reçois ce type de commentaires, j’ai juste le goût de faire un pied de nez à la critique en copiant sur scène tout ce qui pourrait être reproduit. Bref, j’ai ma première frustration et je vis ma première impulsion, mais ensuite j’agis passivement et je me dis que je n’en ai rien à foutre, que c’est seulement l’opinion d’une seule personne et que celle-ci ne détient pas la vérité. En conclusion, je continue à créer comme j’ai toujours fait, en me souciant de ma propre satisfaction avant de penser au regard extérieur. Avec quel artiste aimerais-tu collaborer? Dans mon projet le plus fou, j’aimerais collaborer avec le photographe David LaChapelle, que ce soit pour réaliser une chorégraphie pour un vidéoclip, un spot commercial ou un film. Plus près de chez nous, j’aimerais collaborer avec une chorégraphe qui m’anime mais qui est diamétralement opposée à mon type de gestuelle. Je suis interpellé par les défis et je crois qu’une collaboration avec Catherine Gaudet me permettrait de sortir de ma zone de confort tout en élargissant ma vision artistique. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? C’est ma curiosité, ma soif d’aller au bout des choses, de me questionner sur ce qui m’entoure et de vouloir transmettre quelque chose; non pas un message, mais laisser une trace. C’est la volonté de vouloir me retrouver à travers ce que je mets en scène, performe, et chorégraphie. C’est de penser que l’art n’a pas de limites, de barrières, de tabous, et que tout se doit d’être abordé, même ce qui trouble notre confort. Je crois que de faire ma propre thérapie à travers l’art peut engendrer en partie une catharsis collective et c’est pourquoi je continue de faire ce que je fais. L’humain a un besoin viscéral de se libérer de certaines pulsions et quoi de mieux que de canaliser ces instincts à travers la création? BLEACH (Danses Buissonnières) 1-3 octobre à 19h30 & 4 octobre à 16h www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Billets : 23$ / Étudiants : 19$ À propos de la photographe : Meryem Yildiz est née à Montréal. En plus de prendre des photos, elle écrit et elle traduit. www.meryemyildiz.com Nicolas Cantin crée des environnements chorégraphiques dans lesquels il sonde les multiples possibilités dramatiques du mouvement. Son univers penche entre intimité et sauvagerie. À ses débuts, il crée trois spectacles : Grand singe, Belle manière, et Mygale, qui forment une trilogie sous le titre Trois romances. Il bricole ensuite « deux pièces anglaises », CHEESE et Klumzy, qui traitent de la mémoire. Il flirte avec le cirque en cosignant pour les 7 doigts de la main la mise en scène de Patinoire, un solo pour Patrick Léonard, et se commet à intervalles réguliers dans différents projets collectifs qui ont tous en commun de naviguer aux frontières des genres.
Pourquoi bouges-tu? Je ne bouge pas à priori. Je suis assis sur une chaise dans un studio de répétition à regarder des personnes bouger à ma place. La question que tu devrais me poser est donc : pourquoi ne bouges-tu pas? La réponse que je peux te donner est qu’il est plus facile pour moi de regarder l’autre bouger. J’ai besoin de mettre mon corps à distance à travers le corps de l’autre pour pouvoir travailler. D’une certaine façon, je cherche ce qui caractérise ma relation à mon propre corps à travers le corps de l'autre. Mon travail est de regarder l’autre dans sa relation à ce qui le constitue intimement. Je travaille à creuser dans l’autre la question de l’intime pour toucher et questionner ma propre intimité. Cette relation qui agit comme un effet de balancier entre le bougeur et le spectateur est la pierre angulaire de mon travail. Quelle est ta plus grande source d’inspiration en période de création? Chaque projet est différent. Je cherche obstinément la grande inspiration, comme tout bon noyé. Je travaille à chercher l’endroit où ÇA veut respirer. Je me souviens d’une promenade au bord de l'océan avec ma mère il y a quelques années. Je la regardais marcher sur la plage et, l’espace d’un instant, je me suis demandé avec émotion qui était cette femme. Ce qui me fascine, c’est le mystère que nous sommes à nous-même et pour les autres. Ce sont les mots d’Antonioni : Nous savons que sous l’image révélée, il en existe une autre plus fidèle à la réalité et sous cette autre encore et ainsi de suite, jusqu’à l’image de la réalité absolue, mystérieuse que personne ne verra jamais. Qu’est-ce qui caractérise ton travail? Je ne sais pas. J’espère retrouver dans mon travail quelque chose de l’ordre de l’enfance qui a trait à mon obsession de l’intime. Il y a dans l’intime quelque chose qui me bouleverse, peut-être parce cela renvoie au début de la vie, à quelque chose d’insondable et mystérieux. Il y a une phrase magnifique que j’aime bien et qui dit tout : L’intimité est mondiale. Ce matin, justement, j’ai vu deux personnes faire l’amour dans une voiture. C’était beau comme une promesse faite à la vie, d’exister coûte que coûte. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel t’a le plus marqué? Je me souviens d’un long et bel email d’une personne, après un spectacle qui avait été mal reçu. Cet email m’avait fait l'effet d’un chat qui s’installe sur ton thorax lorsque tu as le cœur ouvert en deux. De quoi es-tu le plus fier? Il y a pas de quoi être fier, comme dirait l’autre. Je fais ce que je peux. La plupart du temps, c’est la honte qui domine, parce qu’un spectacle, c’est comme un château de sable, ni plus ni moins. C’est rarement satisfaisant. Il n’y a pas de réelle fierté ou peut-être par moment la fierté, grâce à l’art, de sentir dans mon corps quelque chose de l’enfance retrouvée. La victoire de Samothrace au Louvre, par exemple, est une œuvre magnifique. Ce n’est plus du marbre, même si, oui, c’est du marbre. Ma fierté, peut-être, par instant, viens de là, de trouver une forme de complicité joyeuse (si ce n’est amoureuse) avec une statue qui date du début de la civilisation. Que serais-tu content de ne plus jamais voir dans un spectacle de danse? Ne jamais dire plus jamais. J’aimerais au contraire voir un spectacle de danse qui me ferait l’effet d’un camion renversé. Voir un spectacle devrait être ÇA, assister à un accident. Quelque chose au plus près de la vie renversée. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? On devrait, avec la plus grande douceur, tout brûler et tout recommencer. Nous vivons tous dans la peur. Nous devrions apprendre à avoir moins peur. Brûlons les théâtres et dansons dans leurs ruines. Quel est ton rapport à la critique? Je ne sais pas. Comme tout le monde j’imagine. Être dans le journal, la première fois, est un sentiment particulier. Tu lis l’article et le relis jusqu’à l’abstraction, jusqu’à ce que les mots ne veulent plus rien dire. C’est comme de lire une lettre d’amour ou de rupture : pur affect. La critique, c’est ÇA, en gros, une affaire d’affect et d’intellect. Avec quel artiste aimerais-tu collaborer? J’aimerais collaborer avec des amateurs, peut-être du côté de la chanson folk, de l'art visuel ou du cinéma. Des personnes qui fabriquent des choses dans leur garage, comme mon grand-père qui jouait de l’accordéon et composait en secret dans son grenier. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Ce qui me pousse à continuer à faire de l’art est simple, c’est la nature du dialogue qui me lie au travail. Avec le temps, ma relation au travail évolue. Récemment, je suis allé dans un musée et je me surprenais à être plus intéressé par les visiteurs que par les œuvres et c’était un sentiment merveilleux. La vie m’intéresse de plus en plus. Bien sûr, il n’y a pas d'opposition à faire entre l’art et la vie, mais peut-être qu’il y a quelques années j’avais une tendance à considérer l’art comme un abri atomique et la vie comme une menace nucléaire, ce qui n’est plus le cas aujourd'hui. CHEESE (Pluton) 16-18 septembre à 19h & 19 septembre à 15h Agora de la danse www.agoradanse.com / www.danse-cite.org 514.525.1500 / 514.844.2172 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$ À propos de la photographe : Meryem Yildiz est née à Montréal. En plus de prendre des photos, elle écrit et elle traduit. www.meryemyildiz.com Andréane Leclerc obtient son diplôme de l’École nationale de cirque en 2001. Concevant la contorsion comme une technique corporelle malléable capable de générer un monde de sensations et d’imageries mentales au-delà du spectaculaire, elle crée aujourd’hui des pièces expérimentales circassiennes ainsi que des performances conceptuelles (Di(x)parue, Cherepaka, Insuccube, Mange-moi, Corps sculptural). Elle continue son travail d’interprète auprès de chorégraphes et metteurs en scène tels que Dave St-Pierre, Angela Konrad et Peter James. En 2013, elle termine une maîtrise sur la dramaturgie de la prouesse au département de théâtre de l’Université du Québec à Montréal. La même année, elle met sur pied la compagnie Nadère arts vivants, dont elle assure la direction artistique. Question Chanti Wadge : Pourquoi bouges-tu? Parce que c’est la vie, parce que « pourquoi pas? » C’est une pulsion de vie. Parce que tout le monde bouge, puis c’est une valse avec l’atmosphère et l’univers. On fait partie de l’univers. Il n’y a rien qui ne bouge pas dans l’univers. Quelle est ta plus grande source d’inspiration en période de création? C’est tout, sauf ce que je suis en train de faire. Le vide. L’espace, l’entre-deux, la relation. C’est l’observation, donc tout ce qui se passe autour, ce que tu rencontres, ce qui te fait bouger. C’est la relation et comment tu te positionnes face à tout ce qui t’entoure et comment tu interagis avec ça ou comment les choses interagissent entre elles. Il n’y a pas une chose en particulier, c’est tout, ça peut être une roche à terre. Si elle te parle, tant mieux. Sinon, ça peut être quelqu’un, une conversation que tu as eue, ton rêve, une lecture, la façon dont tu vois ton foulard en te levant… Ça peut être tout ce qui t’entoure. Parce que, de toute façon, une création n’a pas un début et une fin. Qu’est-ce qui caractérise ton travail? C’est sûr que je viens du cirque, je travaille avec des gens de cirque beaucoup, mais je déteste particulièrement le spectaculaire et l’égo, donc j’essaie d’aller au-delà de ça. Aller au-delà de ça, ce n’est pas tant essayer de l’abolir… J’essaie de déconstruire la prouesse, le spectaculaire, l’égo, mais je suis plus dans une écriture scénique pour essayer de laisser parler une relation à l’espace et aux objets entre eux. Après ça, je pense que l’interprétation vient de l’intérieur, le feeling de l’interprète, ce qu’il peut vivre ou a envie de vivre à ce moment-là. Je pense qu’il va toujours y avoir une certaine logique là-dedans qui en ressort. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel est resté avec toi? Pour La Putain de Babylone, j’ai eu des commentaires comme quoi que c’était vraiment dégradant pour la femme de voir encore des femmes nues, jolies. C’est drôle, je pense que j’ai tellement une démarche féministe et j’ai tellement été proche du Studio 303. Il y a Nathalie Claude avec qui j’ai travaillé… La scène féministe m’appelle vraiment beaucoup. C’est là que j’ai fait mes premiers pas de création. Pour moi, la femme, c’est une femme forte. Ce n’est pas tant son enveloppe, mais plus comment une femme habite son corps. Après ça, que les interprètes aient des beaux corps, je me dis, « Tant mieux, câlisse! Sommes-nous toujours obligés d’avoir des corps pas beaux? » Non, au contraire, un corps beau, c’est le fun aussi de pouvoir le manipuler, de le sortir de ses zones et de ne pas juste l’utiliser. Comme je travaille beaucoup l’écriture scénique, les corps deviennent à quelque part des objets, mais l’objet de la représentation, un objet au soutien d’une œuvre, au sein d’un propos. D’être capable de le manipuler, d’utiliser ton corps pour pouvoir soutenir quelque chose qui est au-delà de toi… Il y a quelque chose qui doit juste te transpercer de l’imagerie mentale que tu supportes pour pouvoir le donner au spectateur. Le spectateur prend ça et il se recrée quelque chose. Ton corps est un véhicule. Donc, si je vois le corps comme véhicule, c’est sûr qu’à quelque part, c’est un corps objet, mais ce n’est pas un corps objet soumis ou dégradé. Je ne le place pas dans une zone comme ça. En fait, s’il-vous-plaît, dites-moi le si je suis là-dedans, mais je ne pense pas. Au contraire, je pense que j’essaie d’être empowered. Dans Mange-moi, on parle d’empowerment à travers la sexualisation des corps en scène. J’ai été dans le burlesque, dans la performance, j’ai essayé de mettre le corps de contorsion à nu, justement pour sortir la contorsion de moi, pour me réapproprier mon corps, pour sortir de cet objet sexuel que le spectateur a le goût de voir, de renverser la relation avec le spectateur, puis d’être en pleine possession de ce que moi j’ai envie de dire et que j’essaie d’offrir au public. Je fais, « Oui, je suis nue, et qu’est-ce que je peux suggérer là-dedans? Toi, tu t’attends à quoi? » Souvent, la première fois, les gens trouvent la monstruosité hallucinante, de voir les os et les côtes sortir… Dans le fond, j’espère juste que je donne le bon message dans ce que je fais. Ça a été un commentaire qui m’a bien marqué. J’ai trouvé que ça a été un jugement un peu trop facile, un peu trop vite, avant d’aller voir plus loin. En même temps, les gens peuvent bien penser ce qu’ils veulent… Ça va juste m’aider à être un peu plus convaincue de comment j’aborde les corps. Après ça, on a le corps qu’on a… Ça a été un de mes plus grands complexes d’avoir des seins, en cirque, depuis que je suis petite. Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse? S’il y a une chose que j’ai bien comprise, c’est que dans une contorsion hyper traditionnelle, c’était dans la façon que tu donnes tout en cirque, que tu n’as aucune conscience de ce que tu es en train de mettre en scène. Tu fais juste suivre un peu la tradition et tout donner ce que tu es capable de faire. Non… Gardes-en un peu pour toi et donnes-en un peu moins et essaie d’emmener le spectateur ailleurs que ce que lui pense ou ce que lui a hâte de voir justement, contourne ça… « C’est à ça que tu t’attendais? Bien, moi, je t’emmène ailleurs. » De quoi es-tu le plus fière? C’est quelque chose que j’essaie de garder enfoui en moi. Je suis fière, je suis bien avec ce que je fais, mais j’aime et je déteste toutes mes pièces. C’est une relation amour-haine. De quoi suis-je le plus fière? Je pense d’avoir réussi ma maîtrise, d’avoir passé à travers. Que serais-tu contente de ne plus jamais voir dans un spectacle de danse? De la censure. J’espère juste que les gens ne se censurent pas et qu’ils vont juste aller au bout de ce qu’ils ont le besoin et le goût de faire. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? De plus de soutien et de reconnaissance, d’un public plus large. Je trouve ça plate que des fois ça reste trop entre nous. Ou les gens ont une idée que la danse, c’est juste pour les initiés, tandis que c’est tellement pas ça, surtout au Québec. Quel est ton rapport à la critique? En cirque, au Québec, j’aimerais ça que les critiques aient plus de chien, qu’ils disent ce qu’ils pensent vraiment, qu’ils aient plus de sens critique justement, qu’ils aillent voir un peu au-delà de ce qui est toujours présenté. En cirque, je trouve la critique trop gentille. Le cirque est tellement spectaculaire, tellement « grand public »… Le cirque est assez large à Montréal. C’est correct, sauf qu’ils restent beaucoup dans une zone très sécure, qu’ils ont peur de s’aventurer et je trouve que la critique reste aussi beaucoup là-dedans. Je pense qu’on a peur d’aller plus en profondeur, autant au niveau des spectacles que des critiques. C’est dommage parce que je trouve que la critique est là pour faire réfléchir, pour amener un autre point de vue. Je suis écœurée aussi des critiques qui font juste relater ce que les artistes disent dans leur dossier de presse. Ce n’est pas tout le monde, on s’entend, mais j’aime les critiques aussi qui n’ont pas peur, qui ont vraiment une voix et un goût personnels, qu’on ait une certaine relation… Il y en a beaucoup qu’ils l’ont, mais pas tous. Encore une fois, j’aimerais mieux qu’il y en ait des plus fortes par rapport au cirque et qu’ils amènent une réflexion, d’autres points de vue. C’est ça un peu leur rôle aussi, non? Ce n’est pas encore de dire, « c’est bon/ce n’est pas bon » et de juger. Une critique, ça va plus loin; ça va mettre en lumière, ça va questionner des choses, ça vient relater. C’est quand même un œil pour le spectateur, mais c’est vraiment une source de réflexion aussi et de débat, puis je pense qu’encore une fois, au Québec, on a peur de débattre des idées. Le rôle du critique est extrêmement important. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Parce que j’y crois. La Putain de Babylone
8-12 septembre à 20h Mange-moi 15-17 septembre à 20h Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 29$ / 30 ans et moins : 25$ À propos de la photographe : Meryem Yildiz est née à Montréal. En plus de prendre des photos, elle écrit et elle traduit. www.meryemyildiz.com
Once they have completed their task, Gayer takes his position behind the console and Lourdais molds the wires left in the corner with his feet. There, he gathers himself, first resting his hands on his ribs, then on his pelvis. When he is ready, he walks backwards to the opposite corner, so slowly that I have time to notice an insect also walking on the stage in the distance. From my perspective, Lourdais is facing me and moving away; to the other half of the audience across the room, he has his back to them and he is getting closer. When the sound becomes so loud that it begins to be painful, Lourdais shakes while I use the ear plugs that were given to us upon entrance. We come to expect the same sluggish pace as in Milieu de nulle part, Lourdais’s last show.
But no. Once Lourdais has crossed the stage, he switches gears, goes back to the regular speed of a task-based approach as he slides all the wires across the floor with one push – he just laid them down! – and Gayer takes his shirt off before lying down on the ground in their place, a microphone by his face. Lourdais takes the nest of wires and buries Gayer under it. This tableau takes place in relative silence, but I don’t remove my earplugs. I can hear my tinnitus and my breathing, like I’m wearing a diving suit. It seems appropriate for Lourdais’s work. I can also hear Gayer’s amplified breathing. It sounds as loud as mine. Once Gayer has rolled out of his hiding place, Lourdais pulls on one of the wires until it snaps and he falls back with a scream as the lights go out. He taps his shoes against the floor so forcefully it almost looks like flamenco. His arms sway by his side as he walks in a style that’s reminiscent of Broadway. And then there’s something of Flashdance in the way he displays his body as he flies past the audience on both sides of the room. “Want some ‘real’ dance?” Lourdais seems to say. “Well, here it is!” With each section of La chambre anéchoïque, Lourdais metaphorically lays down his wires before yanking them out from under us, requiring the audience to constantly get used to a new register. Whether these breaks strengthen the work or weaken it is a question each audience member can only answer for themselves. June 2-4 at 9pm Usine C www.fta.qc.ca 514.844.3822 Tickets: 34$ / 30 years old and under: 28$ Yes, Gladyszewski does invoke magic by concealing bodies in darkness, like when Martin Bélanger’s arms appear out of nothingness from behind a strip of light and float in the air. The image recalls Brice Leroux’s Quantum-Quintet (FTA, 2007) and Cindy Van Acker’s Obtus (FTA, 2011). Half-seen, the movement becomes inexplicable. Lights in the sky are a familiar sight; it’s only when they move in unexpected ways that we suspect alien life. It’s for this reason that I’m less convinced by the voice work of the performers, decidedly too human.
For the most part, however, Gladyszewski uses technology to reveal what is always there but which usually goes unseen. Such is the case with cameras that reveal the heat patterns of the human body and of the liquids it comes in contact with. Suddenly, it’s like we’ve entered a psychedelic world where the human body is turned inside out, a world of tie-dye souls and auras as moving skins. The body becomes as malleable as playdough, liquefies before our very eyes. We are witness to the com/motion of the dis/embodied internal. Our bodies are haunted by spirits whose life force is muffled by their shells. It’s otherworldly, yet the internal landscape laid before us is so recognizable that I was tempted to scream, “This is the real world! The world where our bodies appear to be solid is obviously a lie!” And I was completely sober. That’s why you should see Phos. May 28-31 Place des Arts – Studio O Vertigo www.fta.qc.ca 514.844.3822 Tickets: 29$ / 30 years old and under: 23$ First off, let me say that I’ve only been following choreographer Daniel Léveillé’s work since 2006. I’m mentioning this because, though Léveillé’s style remains just as recognizable in Solitudes duo, there are also some noticeable departures, at least to those of us who’ve only been following him for the past decade. Like Mathieu Campeau and Justin Gionet drawing circles with their hips in the first duet, which comes across as downright flirtatious. Léveillé’s choreography looks a little less cold and mechanical, a bit more theatrical.
When Ellen Furey looks up to the ceiling, her eyes are so expressive as to look frightened. For a moment, her interaction with Gionet is even messy; not as a result of the effort required, as is usually the case in Léveillé’s work, but in its very performance. One could blame the music – which so easily colours our perception of the dance – for these changes. Léveillé predictably goes for Bach and Royer, but surprisingly slips in some classic rock (The Doors and The Beatles). It’s not just the music though. The dance is more languorous. While there must have been duos in Léveillé’s group works, I don’t recall anything ever looking this… coupley. Brianna Lombardo and Emmanuel Proulx hold hands and use all of the resulting arms’ length as tape to wrap around their partner. Since Léveillé’s movement seems based on an aesthetic rather than on its effect, there’s usually some incidental humour that slips into the choreography. Not so here. We have to wait until the last duet with Campeau and Esther Gaudette to find some humour and it’s calculatedly funny. For starters, the dance is set to The Beatles’ “I Want You (She’s So Heavy).” Given how much Léveillé capitalizes on lifts and gravity, that choice can only be qualified as a joke. As if that weren’t enough, the dancers headbang, make the devil sign, and thrust their hips. How ironic that the more Léveillé’s dancers have clothes on, the more sexual they act. Sometimes, it looks like it could have been choreographed by Virginie Brunelle. Solitudes duo is, like all of Léveillé’s work, a dance of every moment; there is no climax. Yet, when it ends, it still manages to feel a bit too short. May 26-28 at 9pm Agora de la danse www.fta.qc.ca 514.844.3822 Tickets: 45$ / 30 years old and under: 38$ Le 14 avril, la contorsionniste Andréane Leclerc présente Mange-moi, l'une des pièces phares de 2014, au Festival Vue sur la relève. Voici une entrevue téléphonique réalisée avec l'artiste.
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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