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Quel est notre rapport à la chose vidéographique? Avec l’omniprésence du médium, qui ouvre et clôt son nouveau spectacle, la chorégraphe Marie Béland se met les deux pieds dans la question. Une création aux trois couleurs cathodiques, en trois épisodes – peut-être le même – utilisant principalement trois médiums différents. BLEU, ou la vidéo D’abord jeu d’ombres – et donc nécessairement de proportions et perspectives – qui s’entremêlent ensuite avec la projection vidéo live des trois danseurs : Simon-Xavier Lefebvre, Marilyne St-Sauveur, et Ashlea Watkin. C’est plus qu’une rencontre des éléments; C’est le réel et l’art(ificiel) qui effacent les lignes, se fondent ensemble, et s’influencent jusqu’à ce qu’on ne sache plus lequel des deux l’on regarde. Les interprètes font dans le jeu d’acteur de Télé-Québec (même si Watkin, comme dans n’importe quel autre spectacle de danse dans lequel elle se trouve, est toujours la meilleure actrice). De façon appropriée, ils sont vêtus de couleurs primaires et secondaires (rouge, bleu, jaune, vert), comme s’ils étaient des adultes retardés dans une émission pour enfants. Leurs corps se découpent sur fond noir, ce qui n’est pas sans rappeler certaines des premières vidéos d’art qui servaient souvent à capter des performances. Dans une galerie, le blanc est l’espace vierge; en vidéo, comme au théâtre, c’est le noir. Devant des images d’Elvis (le vrai ou un imitateur? Il y a une différence?) et d’Arnold à l’ère de Commando, leurs corps se dédoublent en formations psychédéliques, tel une vidéo de Nam June Paik qui s’extase à l’idée du global village. Bref, le genre de chose dont la seule chance de passer à la télé serait sur PBS. Ça veut être bon, mais c’est pas sexy du tout. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. VERT, ou la marionnette La partie la plus faible du spectacle, heureusement camouflée dans le milieu, où trois pompons aux couleurs de la pièce deviennent des marionnettes, les alter egos des interprètes. La performance dansée vient rejoindre le jeu d’acteur, comme si Béland a dicté aux interprètes, « Faites comme si vous étiez de mauvais danseurs. » Les idées demeurent intéressantes, mais leur mise en scène est moins convaincante. ROUGE, ou le théâtre Et l’histoire se répète, beaucoup plus verbale. Les échanges entre les interprètes glissent entre l’emphatique et les petites cruautés, et peut virer dans le non-sens à n’importe quel moment. Avec le bon accent, « Cat a va capoter! » peut devenir une phrase pseudo-italienne. Devant les images qui déferlent (de The Bold & The Beautiful au hockey en passant par The Price Is Right), l’absurdité de l’humain dans la petitesse de ses intrigues inévitablement dramatisées parce que justement futiles se dessine. Béland conserve son sens de l’humour mais – surprise! – BLEU—VERT—ROUGE est aussi étrangement opaque, parfois aussi illisible que le texte confus vocalisé par les interprètes. C’est sûrement l’un des aspects les plus intrigants de la pièce (et dans le parcours de la chorégraphe). Pour faire compétition à l’image télévisuelle et cinématographique, est-ce que la danse et le théâtre doivent eux aussi faire dans le chaos qui dégénère jusqu’à la folie schizophrénique? Pour retenir notre attention, est-ce que tout doit maintenant se terminer dans la violence? 23-25 janvier à 20h & 26 janvier à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Réduits : 20$
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Je viens du Musée d’Art Contemporain où j’ai visionné une vidéo d’un escargot se déplaçant d’un côté du cadre à l’autre, un processus qui lui prend plus de six minutes. Il s’agit de Scenes from Ordinary Life de l’artiste torontois Euan Macdonald. Il est possible que ce visionnement ait coloré mon expérience subséquente de CINQ HUMEURS, la nouvelle pièce de groupe d’Emmanuel Jouthe présentée cette semaine à l’Agora de la danse. Il demeure que des liens entre les deux œuvres se sont dessinés sous mes yeux au courant de la soirée. Ce que je remarque en premier dans CINQ HUMEURS est la juxtaposition des vitesses, dans le même corps et à travers les corps. Comme si le chorégraphe détenait une télécommande : slow motion, fast forward. Souvent, les mouvements les plus originaux apparaissent lorsque les contraintes sont les plus claires. Dans CINQ HUMEURS, par contre, il est plus approprié de parler de complications que de contraintes. Deux femmes courent à toute vitesse, mais elles sont couchées sur le sol, de sorte que leur déplacement est quasi inexistant. Une autre femme marche d’un côté à l’autre de la scène, les yeux fermés. D’autres se déplacent à haute vitesse, mais leur tête descend de plus en plus bas, jusqu’à ce que leurs bras rejoignent le sol. Ces complications éliminent la distance entre l’humain et l’animal, et révèle la futilité du mouvement de ces créatures qui se démènent. Alors pourquoi se démener? Un homme se laisse tomber, droit comme une planche. À la dernière seconde, un autre l’attrape par le cou. Pour un instant, on se retrouve dans l’univers de Staccato Rivière, une pièce de Jouthe datant de 2007. Une vision de l’humain comme statue, soumis comme tout autre objet à la gravité, plongeant inévitablement vers sa propre fragilité. Tout n’est pas si fataliste, par contre. Dans les sections les plus vigoureuses, brèves, les bras deviennent des catapultes qui font pivoter le corps et les jambes sont propulsées hors du tronc telles des armes. Jouthe réussit malgré tout à résister une structure dramatique. La chorégraphie qui accompagne la section la plus intense des Quatre Saisons de Vivaldi, la musique qui inspire le spectacle, consiste en deux ou trois femmes qui marchent en cercle, à reculons. Je prends par cette occasion l’opportunité de souligner la performance de Marilyne St-Sauveur, dont le talent n’est pas limité à sa performance comique. Elle possède une aura de mystique qui attire le regard, et ce même lorsqu’elle partage la scène avec neuf autres interprètes. La section finale menace de défaire cette anti-pièce lorsque les dix danseurs se pointent sur scène et attaquent le mouvement, mais le tout est coupé court. Éjaculation prématurée. Ne reste qu’une seule danseuse qui se tient immobile, à cheval entre scène et coulisses, avant de disparaître à son tour. Une fin qui a du culot. Et je repense à cet escargot qui avance lentement. Son mouvement n’est pas moins signifiant que ces humains qui se démènent. Tous deux se réalisent de par leur mouvement, de par leur vie. Alors pourquoi se démener? CINQ HUMEURS 16-18 mars à 20H, 19 mars à 16H Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 20$ / Étudiants et moins de 30 ans : 14$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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