La danseuse Marie-Eve Lafontaine est première en scène. La projection frappe le sol, mais un trou noir se dessine sous elle, créant l’illusion qu’elle pourrait s’y enfoncer comme dans du sable mouvant. Autre trompe-l’œil : la projection donne une impression d’épaisseur contre le plancher noir, tel un tapis.
Au début, la projection et la musique de Tim Brady et Thom Gossage sont intimement reliées puisque cette dernière consiste en un son continu, comme ce fil qui glisse contre les cordes d’une guitare durant toute la performance d’Umwelt de Maguy Marin.
Deux lignes de lumière traversent l’avant-scène. Georges-Nicolas Tremblay se joint à Lafontaine et la ligne semble se déplacer sur leur corps, mais non, c’est leur corps qui fait glisser la lumière alors que leur colonne s’ondule. Ici, il y a symbiose entre projection et mouvement.
Toutefois, assez tôt, je me questionne déjà sur la danse dans ce paysage. Honnêtement, je me fous un peu du mouvement des interprètes. Je me demande même pourquoi ils dansent autant. Leur mouvement est souvent rapide, mais à peine visible dans la pénombre.
Les corps se dédoublent : d’abord virtuellement, dans des projections qui, contre le noir de la scène, rappellent les films de danse de Norman McLaren (Pas de deux, Ballet Adagio, Narcissus); ensuite, alors que deux jeunes danseurs, Samaël Maurice et Maya Robitaille-Lopez (12 et 14 ans), se joignent à ceux déjà en scène. Il y a même quelque chose de virtuel dans l’immobilité des interprètes se tenant debout derrière les écrans translucides, comme s’ils n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Puis une tache lumineuse suit Lafontaine, la transformant en proie nocturne sous les yeux d’un gigantesque hibou.
Une certitude s’installe : la musique n’est pas assez forte (et je n’aurais pas pu être plus près d’un haut-parleur). Ici, ce n’est pas assez pour elle de se faufiler dans nos oreilles; elle devrait nous enrober comme la projection enveloppe les interprètes. Assis à la dernière rangée, je peux tout de même entendre les danseurs. Pour certains spectacles récemment présentés à l’Usine C, on offrait aux spectateurs des bouchons d’oreilles. On aurait dû faire la même chose ici et mettre le son dans le tapis.
Le cerveau est divisé entre l’onirique et le physique, chacun tirant de son côté, de sorte qu’on demeure dans un certain entre-deux, qu’on se ramasse à aller nulle part. Nous restons dans une salle de spectacle à observer une performance où des éléments disparates parviennent rarement à entrer en synchro. On dirait que les interprètes sont en compétition avec la technologie tellement leur mouvement est frénétique, désespéré même, et avec raison : ils sont en train de perdre la partie. Malgré la base interactive de la projection, je me surprends même à penser qu’ils sont parfois carrément de trop. Symphonie 5.1 est à son meilleur lorsque les danseurs animent la projection de leur corps, cet écran mouvant.
27-29 janvier à 20h & 30 janvier à 16h
www.agoradanse.com
514.525.1500
Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$