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Dans les années 90, il y a eu un boom de films sur la réalité virtuelle : The Lawnmower Man (1992), Ghost in the Machine (1993), Brainscan (1994) et Strange Days (1995), pour ne nommer que ceux-là. Avec Symphonie 5.1, la chorégraphe Isabelle Van Grimde nous replonge dans ce monde en alliant projection et interactivité; grâce à l’abandon des conventions narratives que la danse nous offre, le spectacle est heureusement moins moralisateur que les films ci-haut mentionnés.
La danseuse Marie-Eve Lafontaine est première en scène. La projection frappe le sol, mais un trou noir se dessine sous elle, créant l’illusion qu’elle pourrait s’y enfoncer comme dans du sable mouvant. Autre trompe-l’œil : la projection donne une impression d’épaisseur contre le plancher noir, tel un tapis. Au début, la projection et la musique de Tim Brady et Thom Gossage sont intimement reliées puisque cette dernière consiste en un son continu, comme ce fil qui glisse contre les cordes d’une guitare durant toute la performance d’Umwelt de Maguy Marin. Deux lignes de lumière traversent l’avant-scène. Georges-Nicolas Tremblay se joint à Lafontaine et la ligne semble se déplacer sur leur corps, mais non, c’est leur corps qui fait glisser la lumière alors que leur colonne s’ondule. Ici, il y a symbiose entre projection et mouvement. Toutefois, assez tôt, je me questionne déjà sur la danse dans ce paysage. Honnêtement, je me fous un peu du mouvement des interprètes. Je me demande même pourquoi ils dansent autant. Leur mouvement est souvent rapide, mais à peine visible dans la pénombre. Les corps se dédoublent : d’abord virtuellement, dans des projections qui, contre le noir de la scène, rappellent les films de danse de Norman McLaren (Pas de deux, Ballet Adagio, Narcissus); ensuite, alors que deux jeunes danseurs, Samaël Maurice et Maya Robitaille-Lopez (12 et 14 ans), se joignent à ceux déjà en scène. Il y a même quelque chose de virtuel dans l’immobilité des interprètes se tenant debout derrière les écrans translucides, comme s’ils n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Puis une tache lumineuse suit Lafontaine, la transformant en proie nocturne sous les yeux d’un gigantesque hibou. Une certitude s’installe : la musique n’est pas assez forte (et je n’aurais pas pu être plus près d’un haut-parleur). Ici, ce n’est pas assez pour elle de se faufiler dans nos oreilles; elle devrait nous enrober comme la projection enveloppe les interprètes. Assis à la dernière rangée, je peux tout de même entendre les danseurs. Pour certains spectacles récemment présentés à l’Usine C, on offrait aux spectateurs des bouchons d’oreilles. On aurait dû faire la même chose ici et mettre le son dans le tapis. Le cerveau est divisé entre l’onirique et le physique, chacun tirant de son côté, de sorte qu’on demeure dans un certain entre-deux, qu’on se ramasse à aller nulle part. Nous restons dans une salle de spectacle à observer une performance où des éléments disparates parviennent rarement à entrer en synchro. On dirait que les interprètes sont en compétition avec la technologie tellement leur mouvement est frénétique, désespéré même, et avec raison : ils sont en train de perdre la partie. Malgré la base interactive de la projection, je me surprends même à penser qu’ils sont parfois carrément de trop. Symphonie 5.1 est à son meilleur lorsque les danseurs animent la projection de leur corps, cet écran mouvant. 27-29 janvier à 20h & 30 janvier à 16h www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$
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Why so serious? Les installations chorégraphiques en galerie d’art se font quand même rares, mais j’ai remarqué un point commun à toutes celles que j’ai vues : elles sont d’un sérieux inhumain. L’absence/la ausencia d’Hinda Essadiqi et Aladino Rivera Blanca est peut-être l’exception, mais il s’agissait là plus d’un déambulatoire que d’une installation. Le corps en question(s) d’Isabelle Van Grimde, c’est l’antithèse de (M)IMOSA, vu il y a quelques jours à peine. C’est le respect démesuré de l’espace où l’art est exposé qui fait tout chavirer dans le rituel religieux. Pourtant il y a beaucoup d’humour dans la danse et les arts visuels contemporains, mais mettez la danse dans le site des arts visuels et tout devient constipé. Dans Le corps en question(s), la grande partie de l’énergie des danseurs semble être utilisée pour contrôler leur expression faciale. Oui, ils n’en ont qu’une. Pourquoi une œuvre qui se questionne sur le corps humain se limite-t-elle ainsi? On aurait plutôt dit des spectres. Une des manières dont l’humain s’est démarqué des autres animaux a été de se spiritualiser, comme pour dénier sa chair, celle qui fait la danse. C’est peut-être dans cet espace paradoxal que les interprètes se trouvent. Ils « flottent » sur des cubes transparents. C’est plus convaincant du côté de Dreamcatcher, la sculpture de Marilene Oliver où une forme humaine faite d’acrylique coupée en minces tranches est suspendue dans l’espace au-dessus de plumes d’autruche blanches. Peut-être retrouve-t-on aussi l’humain dans les costumes couleur peau que les danseurs portent. La nudité non assumée, c’est aussi notre affaire. Comme Mark Twain l’a dit, l’Homme est le seul animal qui rougit. Ou qui se doit de rougir. À l’entrée de la galerie, on retrouve la vidéo Delicate Issue (1979) de Kate Craig, une série de gros plans du corps. Dans le contexte de Corps en question(s), c’est la trame sonore qui devient utile : une respiration forte, un peu trop près de nous. Enfilez les écouteurs, n’hésitez pas à tourner le dos à la projection vidéo, et regardez plutôt l’action live. Ça l’enrichit l’expérience en atténuant l’atmosphère fantomatique de la galerie. Car, ultimement, c’est quoi la différence entre l’humain et les autres animaux? L’humain est le seul qui modifie son comportement lorsqu’il se retrouve entre les murs d’une galerie d’art. Le corps en question(s) 28 mai-1 juin à 18h30 Galerie de l’UQAM www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 1.866.984.3822 Billets à partir de 18$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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