Local Gestures
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Le corps technologique; le corps humain. C’est une tension qui s’est dessinée à Tangente la semaine dernière entre les propositions des chorégraphes Brian Brooks et Jacques Poulin-Denis. Deux visions du corps distinctes, mais dont la qualité de l’exécution révèle que des propos apparemment antagonistes peuvent tous deux tenir la route. Dans le hall d’entrée, projection de Rapid Still, un court métrage de Brooks. Il lui aura fallu plus de huit cents sauts pour produire moins de deux minutes au final. C’est que Brooks n’utilise que la fraction de seconde qu’il est suspendu dans les airs pour créer une vidéo où il flotte au-dessus du sol. Même si cette utilisation de la technologie n’était point présente sur scène, on la sentait encore. C’est comme si Brooks s’était intéressé à assimiler la technologie dans le corps même. Résultat : I’m Going to Explode, court solo où un homme en complet s’agite au son de LCD Soundsystem. La musique contribue sûrement à l’effet vidéoclip, mais aussi le mouvement d’abord limité et répétitif qu’on dirait produit par une animation en stop motion. Mon côté minimaliste aimerait en fait voir une version où Brooks se limite à ce petit battement des bras tendus chaque côté de son corps pour les dix minutes que dure la pièce. C’était suivi d’un extrait de Descent, un travail de partenaire ingénieux où le corps de Brooks se transforme en boule de pinball contre celui d’Aaron Walter, dont les membres agissent comme des flippers qui fracturent son corps. Ils se retrouvaient pour un extrait de Motor (la technologie, je vous dis) où tous deux se déplacent à l'unisson… en sautillant sur une seule jambe pendant huit minutes. Encore là, on retrouve l’effet stop motion; on s’imagine Brooks créant cette chorégraphie pour vidéo, le pied des danseurs glissant au sol. C’est comme s’il s’imposait des contraintes numériques qu’il s’amusait ensuite à transposer au corps par le pouvoir de la créativité. Imaginatif et réussi. Cette numérisation du corps lui donne une dimension immortelle; il peut se défaire physiquement, mais ces séries de 0 et de 1 survivront, se multiplieront même. C’est tout autre chose dans la pièce de Poulin-Denis, comme on peut déjà le deviner d’après le titre, Gently Crumbling. Il s’agit là d’une comédie noire, d’un game show cruel, d’une expérience scientifique absurde. On l’aura deviné, il s’agit de l’existence humaine. C’est servi par trois interprètes magnifiques, Natalie Zoey-Gauld, Claudine Hébert, et Caroline Laurin-Beaucage, tour à tour concurrentes, cobayes, et travailleuses. Frédéric Wiper y trouve un rôle de soutien comme animateur, scientifique, et observateur. On tombe; on sonne la clochette. On fait la brouette jusqu’à ce que les bras ne tiennent plus et que notre visage se fasse glisser contre le sol; on sonne la clochette. On frappe une poupée gonflable ancrée au sol pour observer combien de fois elle vacillera avant de s’estomper. Autant de tâches pour révéler la futilité de la vie humaine. On peut bien faire de l’exercice, ça ne fait qu’à peine ralentir l’inévitable. « At this point in the procedure, » nous rappelle Zoey-Gauld, « time is of the essence. » On ramasse les biscuits soda éparpillés partout sur le sol, mais ils y retombent dans le vide de nos bras. C’est une course vers le rien, vers la mort. Alors on regarde cette poupée se dégonfler lentement. Ce n’est qu’une bébelle de plastique cheap. C’est ridicule. Et, je ne sais pas comment Poulin-Denis y parvient, c’est étrangement touchant. Tangente Jacques Poulin-Denis et son Grand Poney Brian Brooks et sa Moving Company
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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