Local Gestures
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C’est un jeu d’ombres qui entame F O L D S. La silhouette d’une immense tête se dessine doucement devant nous, d’abord à peine perceptible dans la noirceur d’où elle émerge. Alors que la lumière en arrière-scène se fait un peu plus insistante, clarifiant les contours, on remarque que les têtes se multiplient, allant grandissant alors qu’elles se rapprochent de nous. Au milieu de cette multiplication, on entrevoit la tête originelle, celle de Germain. Comme dans ses œuvres précédentes, la chorégraphie est lente, douce, méditative. En deuxième partie, le théâtre d’ombres est abandonné en faveur d’un dispositif vidéographique qui une fois de plus multiplie l’image de Germain et de sa partenaire Hélène Messier. Ces apparitions digitales disparaissent en fumée, nous submergeant dans un monde fantomatique. Le dispositif crée aussi un effet miroir qui souligne l’interaction entre le réel et le virtuel. Le corps apparaît comme un contrôleur de jeu vidéo parfaitement calqué sur celui-ci. On voit dans F O L D S les films du célèbre cinéaste d’animation canadien Norman McLaren, dont son classique Pas de deux. L’installation de l’artiste visuelle Lenka Novakova fait aussi penser au travail de Lemieux-Pilon (4d art), eux qui ont d’ailleurs fait un spectacle de danse sur McLaren. Impossible d’accuser Germain de se cacher derrière la technologie. On ne perçoit aucune hiérarchie entre la chorégraphie et la projection vidéo. C’est plutôt la symbiose qui transparaît et on soupçonne que la danse tiendrait la route sans le dispositif vidéographique, comme Germain nous l’a déjà prouvé auparavant avec Aube et Y demeurer. La vidéo ne fait qu’enrichir sa proposition, qui s’avère être d’une grande beauté et poésie. Dès le retour de l’entracte, on se retrouve indéniablement dans un autre univers. Finie la pénombre. Toute la salle est éclairée et les rideaux ont été écartés. Rien n’est caché. Noeser et sa complice Karina Iraola entre en scène de façon décontractée. Soudainement, du flamenco éclate sur les haut-parleurs et les danseurs se laissent envouter par une danse qui n’a rien à voir avec l’Espagne. Le mouvement de tous les deux est plutôt fragmenté par des secousses, tel un disque qui saute. La pièce enfile ces juxtapositions inattendues qui font de RUMINANT RUMINANT la plus drôle des créations de Noeser à ce jour. Comme dans les pièces de la chorégraphe Mélanie Demers, les transitions entre les sections se font sous nos yeux et font partie intégrante du spectacle. Noeser change donc de chandail de façon totalement gratuite et s’assoit sur scène avec une tasse d’eau en attendant que sa partenaire mette la scène pour le prochain tableau, son travail s’étirant (elle quitte même la salle!) alors que Noeser ne fait rien. Autre forme de décalage. Sur son baladeur, il fait jouer une chanson pop (« Ouragan » de Stéphanie de Monaco) et affixe ses écouteurs à ses oreilles à coups de ruban adhésif. Alors qu’il danse de façon excessivement athlétique, c’est plutôt de la musique classique que nous entendons, créant une fois de plus une délicieuse disjonction. Chaque fois que la danse apparaît, c’est avec surprise. Pourtant, nous assistons à un spectacle de danse! se rappelle-t-on. C’est là la force de Noeser, un chorégraphe qui défie nos attentes à tout moment dans une pièce où l’on ressent une grande liberté.
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Je l’avoue, parfois j’aimerais être une personne plus sociale. Mais, la plupart du temps, ce désir meurt lorsque j’écoute les conversations autour de moi, comme cette conversation à propos de films « oscarisables. » Who fucking cares? Alors j’essaie de ne plus entendre; j’essaie de méditer. Je me concentre sur ma respiration. Il y a ces deux femmes assises en face de moi. Je ne vois que leur dos et leurs cheveux, mais je sais qu’elles y sont déjà. Malgré les quelques pieds et le silence qui nous séparent, je suis avec elles, et non pas avec les hommes de chaque côté de moi, dont les bras me frôlent, dont les paroles sont audibles, mais ne veulent (plus) rien dire. Les femmes assises à même le plancher bougent de façon presque imperceptible. Un léger mouvement de tête ici et là, pas synchro, mais ensemble. C’est l’Aube de la chorégraphe Katia-Marie Germain. Dans la petitesse de ses gestes et l’intériorité qui s’en découle, la chorégraphie n’est pas sans rappeler celle d’Erin Flynn. Les yeux des quatre interprètes demeurent fermés. Leur synchro, sentie plutôt que vue, révèle leur connexion psychique. Un beau silence partagé dans un monde de bruit. La pièce aurait aussi bien pu s’appeler Tout est dit, il ne reste rien, mais c’est plutôt celle de Geneviève C. Ferron qui porte ce titre, tout aussi à propos. Phénomène rare : je n’ai pris aucune note durant la performance. Je ne voulais aucune distraction. Je voulais juste porter attention, tout absorber ce que je pouvais absorber. Dans le noir, une montagne de lumières de Noël blanches apparaît, doucement. À ses pieds, cinq jeunes femmes, immobiles. Leurs corps se réveillent, réchauffer par les ampoules, s’activent tranquillement. Elles sont éclairées au minimum, à peine perceptibles. Avec leur mouvement synchro, ralenti, souvent dans des positions où doigts et orteils s'étendent jusqu'au sol, elles ont l’air d’un troupeau s’adonnant à un rituel empreint de religiosité. Elles s’inclinent devant la montagne de lumière. Une jambe s’élève, droite, puis se fracture au genou. Elles arriveront éventuellement, sans empressement, à la rencontre de la source lumineuse, s'y mêleront même. Je veux cette rencontre commune, silencieuse et patiente, avec la lumière. Pendant une heure, à Tangente, je l'ai eue. 6-8 décembre à 19h30 & 9 décembre à 16h Monument-National www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Billets : 20$ / Étudiant : 16$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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