Local Gestures
because the personal is cultural
The Paradise
November 19-22 www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Tickets: 23$ / Students: 19$ About the photographer: Meryem Yildiz was born in Montreal. She is found in translation, writing and photography. www.meryemyildiz.com
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1. Tragédie, Olivier Dubois (Danse Danse)
Avec son opus pour dix-huit danseurs nus, Dubois a abordé les grands thèmes (le passage du temps, la mortalité, la petitesse de la vie humaine, le rôle de l’art, l’humanité) en prenant son temps, en n’empruntant aucun raccourci facile, en laissant le sens émerger de lui-même. 2. Uncanny Valley Stuff, Dana Michel (Usine C) Avec Uncanny Valley Stuff, Michel a continué sa recherche entamée avec Yellow Towel, spectacle qui figure dans le top dix du magazine new-yorkais Time Out et pour lequel le prestigieux festival ImPulsTanz a créé un prix spécialement pour elle. Sa nouvelle courte pièce est toute aussi incisive mais encore plus drôle. En empilant les clichés sur les Noirs jusqu’à ce qu’ils s’entremêlent et se contredisent, Michel démontre l’absurdité de ces stéréotypes qui nous présentent une vision déformée du monde. 3. Antigone Sr.: Twenty Looks or Paris Is Burning at the Judson Church (L), Trajal Harrell (Festival TransAmériques) Antigone Sr. a probablement été le spectacle de danse qui a créé le plus de divisions cette année. On pourrait diviser le public en trois : ceux qui ont quitté la salle, ceux qui sont restés assis les bras croisés, et ceux qui se sont levés pour danser. Il n’est donc pas surprenant que le spectacle se retrouve dans mon palmarès. Il faut dire que je suis queer et que j’ai une affinité pour la danse post-moderne, ce qui me donne une double porte d’entrée sur le sujet. Pour ceux qui n’ont pas eu l’endurance nécessaire pour passer à travers ce défilé de mode DIY de deux heures, il serait bon de noter que les plus grands bals qui ont inspiré la pièce pouvaient durer jusqu’à dix heures de temps; comptez-vous chanceux! Peut-être comprenez-vous maintenant un peu mieux ce que c’est que de se sentir aliéné par la culture dominante. 4. Monsters, Angels and Aliens Are Not a Substitute for Spirituality…, Andrew Tay (OFFTA) Pour être honnête, lorsque j’ai vu la nouvelle pièce de Tay, qui vire de plus en plus dans le performance art, je me suis demandé si j’étais en train de regarder un artiste perdre la tête sur scène ou si Tay était en contrôle de son art. J’étais évidemment assez intrigué pour découvrir la réponse avec Summoning Aesthetics qu’il a ensuite présenté avec François Lalumière au Festival Phénomena. Conclusion : Tay continue dans la même veine ritualiste, sachant clairement dans quelle direction il va même s’il ne connaît pas nécessairement sa destination. J’ai admiré qu’il ait pris la décision de terminer Monsters sur une note différente de ce qu’il avait prévu pendant la représentation même. La misogynie latente qui avait l’habitude d’hanter ses pièces est disparue. Ce qui demeure est son ludisme, son humour et son ouverture aux expériences, peu importe ce qu’elles s’avèrent être. Si je me souviens bien, un spectateur avait qualifié Summoning Aesthetics « d’honnêteté perverse. » Cela me semble aussi approprié. 5. Built to Last, Meg Stuart (Festival TransAmériques) Avec Built to Last, Stuart (qui a reçu le Grand Prix de la Danse de Montréal) a abordé des thèmes similaires à ceux de Tragédie d’Olivier Dubois, mais de façon beaucoup plus théâtrale. En juxtaposant un immense mobile de notre système solaire avec une maquette d’un tyrannosaure et la danse contemporaine avec la musique classique, Stuart a démontré l’insignifiance des actions humaines et que notre seule rédemption possible se trouve dans l’art. 6. Florilège, Margie Gillis (Agora de la danse) Pour célébrer ses quarante ans de carrière, Gillis nous a offert cinq pièces de son répertoire revisitant les années 1978 à 1997. Par le fait même, elle nous a rappelé pourquoi elle est devenue une danseuse de telle renommée. L’intangible se manifeste à travers son corps, soulignant la fragilité de l’humain dans un univers chaotique. 7. Mange-moi, Andréane Leclerc (Tangente) Leclerc a utilisé la contorsion et la nudité pour aborder les relations de pouvoir entre les individus lorsque notre survie dépend des autres. Qu’elle puisse s’attaquer à de telles questions tout en offrant une des pièces les plus sensorielles de l’année démontre l’intelligence de son travail. 8. Tête-à-Tête, Stéphane Gladyszewski (Agora de la danse) Ma réaction à ma sortie de cette pièce de quinze minutes pour un seul spectateur à la fois : on doit donner à Gladyszewski tout l’argent dont il a besoin pour réaliser ses projets. Aucun autre chorégraphe n’arrive à intégrer la technologie avec autant d’adresse. Tête-à-Tête était à la fois intime, inquiétant et magique. 9. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) L’excentrique Kefirova a troqué l’écran vidéo pour des haut-parleurs et a démontré qu’elle maîtrise le son avec autant de flair que l’image. « Elle n’utilise pas le son pour meubler le silence comme le fond maints spectacles, mais pour matérialiser l’invisible, » disais-je. Difficile d’oublier la satisfaction ressentie lors de l’exutoire du tableau final, où Kefirova s’acharne à faire éclater des noix de Grenoble en morceaux en se servant de ses chaussures à talons hauts comme casse-noisette. 10. Junkyard/Paradis remix, Catherine Vidal (Usine C) J’espère avoir assez établi le fait que je suis un fan fini de Mélanie Demers pour pouvoir dire ceci (qui, je crois, n’est pas l’opinion populaire) : Junkyard/Paradis est probablement sa pièce que j’aime le moins. Lors de l’événement MAYDAY remix, où la chorégraphe a laissé des artistes remixer son travail, la metteure en scène Catherine Vidal a donné au spectacle la structure dramatique qu’il méritait avec une fin des plus jubilatoires. 11. loveloss, Michael Trent (Agora de la danse) Extrait de ma critique : « Trent n’a toujours pas peur de prendre le temps qu’il faut. De plus, il évite ici l’humour, le théâtral et le mouvement séducteur (athlétique, rapide, synchronisé), toutes ces astuces que des chorégraphes moins confiants utilisent pour que leur dance soit plus accessible. L’interprétation est sentie sans être affectée. loveloss est une œuvre touchante … » 12. Milieu de nulle part, Jean-Sébastien Lourdais (Agora de la danse) Pour la performance de l’année, celle de Sophie Corriveau, qui s’est méritée la toute première résidence de création pour interprètes offerte par l’Agora de la danse. Notons que le diffuseur s’est démarqué avec une programmation solide pour une deuxième année consécutive. Et si la sonnerie de votre téléphone était le battement de votre cœur? Pourquoi pas? Après tout, la technologie est une extension du corps humain. C’est dans le mot. Téléphone : ma voix où je ne suis pas. Dans The Nutcracker, le nouveau solo de Maria Kefirova qui n’a rien à voir avec le ballet classique, la technologie est ce décalage dans l’espace qui demeure toutefois intimement lié au corps. Après avoir maîtrisé la vidéo, Kefirova s’entoure maintenant de haut-parleurs de différentes grosseurs. En début de pièce, elle ouvre la bouche, qui apparaît comme un tunnel, un passage de l’intérieur à l’extérieur. Le haut-parleur à échelle humaine. « Entrez. » Ou de l’extérieur à l’intérieur. Le poing brandi comme pour cogner à une porte, les jambes écartées, elle se déplace à petits sauts. Avec ses mouvements maladroits, la chorégraphie de Kefirova dégage toujours cet humour qu’on lui connaît, sans jamais avoir besoin de le souligner. Dans Attention, présenté l’an dernier lors des Projets du 3ème de l’Usine C, Kefirova utilisait un écran vidéo pour cacher la majorité de la performance de la vue des spectateurs. On retrouve ici une version miniaturisée de l’obstruction scénographique, un panneau de contre-plaqué en arrière-scène qui dissimule brièvement son corps lorsqu’elle passe derrière et, on le découvre plus tard, un autre haut-parleur. À l’avant-scène, elle récolte deux micros qu’elle frotte contre ses jambes tremblantes, chose que le chorégraphe George Stamos aussi aime bien faire. Alors qu’elle combat un adversaire imaginaire à coups de poing, les micros se heurtent à l’air avec vacarme. Ces exagérations sonores pourraient nous rappeler Playtime de Jacques Tati. Elle n’utilise pas le son pour meubler le silence comme le fond maints spectacles, mais pour matérialiser l’invisible. Ces sons du corps mais hors du corps sont perçus comme désincarnation ou débordement. Peut-être est-ce pour cette raison qu’elle nous demande « Please don’t look at me; just next to me. » Et elle sort les noix de Grenoble, qu’elle répand autour de son corps. Les images se multiplient : d’abord, ces cadavres dont les policiers marquent la position à la craie; ensuite, Hansel et Gretel qui parsèment leur chemin de pierres ou de miettes de pain; enfin, une constellation de corps qui prend des noix de Grenoble pour étoiles. Dans chaque cas, l’éphémère se prolonge un peu dans le temps. À mesure que la vitesse augmente, la notion de jeu suit. D’un haut-parleur à un autre, la voix préenregistrée de Kefirova lui donne des directives de déplacements dans l’espace. Elle tente de recréer son parcours antérieur en se basant sur ses mots, mais la transition d’un espace à l’autre et d’un haut-parleur à l’autre a un effet déroutant. « Side. » Lequel? « Closer. » De quoi? « The closer you get, the closer you get. » Aussi évident que déconcertant. Elle balance un haut-parleur suspendu à un câble et tente de s’y approcher le plus possible sans jamais entrer en collision avec celui-ci, quitte à faire un move de limbo. Elle entoure le haut-parleur de ses bras tel un partenaire de danse. Lorsque nous écoutons de la musique à travers nos écouteurs, dansons-nous tous avec nous-mêmes? Les noix craquent sous ses pieds. Elle enfile des chaussures à talons hauts et continue son travail de casse-noisette, aussi compulsive que si elle s’attaquait à du papier bulle. Elle s’acharne sur les noix qui lui échappent en roulant de sous ses chaussures et semble extrêmement satisfaite lorsqu’elles éclatent enfin. L’activité est un exutoire où toutes les frustrations peuvent s’échapper du corps. Le jeu se transforme en travail et elle ne le fait pas à moitié, quitte à repousser la fin. Derrière elle, Kefirova laisse avec ses coquilles cassées sa trace de Gretel : son corps où il n’est pas. La chorégraphe continue de fasciner. The Nutcracker est le spectacle de danse le plus solide que j’ai vu au cours des derniers mois. 30 janvier-1er février à 19h30; 2 février à 16h Monument-National www.tangente.qc.ca 514.871.2224 / 1.866.844.2172 Billets : 22$ / Étudiants : 18$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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