Local Gestures
because the personal is cultural
One dancer climbs onstage, wipes the floor with her hand until she is down on her elbows, shaking her ass, at which point another dancer walks up the stage and begins to wipe the floor. There will be twenty-four of them, performing the same series of twenty-five movements, over and over again. This initial canon allows the audience to travel back in time all depending on which dancer their eyes rest on at any given moment. This is Boris Charmatz’s Levée des conflits. It is in one way chaotic because of the sheer number of performers; and yet it isn’t because each is so clearly doing exactly what they should be doing. And the first dancer begins to wipe the floor again, a loop is formed, and we understand: we are locked into this sequence. There is something of Canadian experimental filmmaker Michael Snow in Levée de conflits. Like in his movie Sshtoorrty, in which the same simple short story is not only overlapped but repeated at least ten times. And yet each time the viewer notices something different since human perception is such that not everything can ever be all taken in at once; which is why when people say that, after a certain point, they “got it,” you know they didn’t get it because it’s simply impossible. We can also think of his seminal film Wavelength, a 45-minute zoom across a mostly empty loft. In terms of storytelling, Wavelength is cheekily minimalist, but the celluloid is manipulated to such a degree that on a formal level it is so excessive as (again) to make viewers feel like they have always missed something. With its changes in lighting, no matter how seemingly few, the same could be said of Levée des conflits. And the variations occur. They perform the sequence while going in a circle in a space that progressively gets smaller. Time seems similarly condensed. Then they slow the movements down as they get even closer to each other. One could also be reminded of Michael Trent’s conceptual show It’s about time: 60 dances in 60 minutes, in which dancers repeated the same sequence of fifteen actions four times, each action first taking a minute, then fifteen seconds, then three minutes, then a minute again. Levée des conflits might be less playful than It’s about time, but more ambitious in scope. Then some of the dancers can be seen performing the sequence backwards, until they are all wiping the floor. And the cycle begins anew, abandoning the canon in favor of synchronicity. The choreography’s simplicity gets exposed, and yet it’s also more pleasurable. What is it about synchronicity? Is it because deep down we’re all order-loving fascists? Is it because it gives us something the universe doesn’t? The illusion of control, no matter how trivial? We exit Levée des conflits the same way we entered it, like the characters in Luis Buñuel’s The Exterminating Angel. It will have taken an hour and forty minutes to complete the cycle, but it will be with a feeling of resolution so logical that it might induce chills. I usually try to avoid saying such platitudes, but hopefully the advantage is that when I do say them you know I mean it: Levée des conflits is the best dance show that’s been presented in Montreal this past year. May 30 & 31 at 8pm Place des Arts – Théâtre Jean-Duceppe www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 1.866.984.3822 Tickets: 48-58$ / 30 years old and under: 43-48$
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Vous pouvez toujours vous arrêter, ça n’arrête rien. C’est la vie qui bouge et vous ne faites que bouger avec elle. À votre plus immobile, il demeure toujours un petit balancement, un petit tremblement, un petit battement. Avec Sideways Rain, le chorégraphe de Genève Guilherme Botelho s’impose une contrainte claire : les quatorze danseurs se déplacent (presque) toujours sur scène de gauche à droite. Leurs corps deviennent des mots qui déferlent sous nos yeux tel sur un écran électronique, simultanément reconnaissables et insaisissables. Ce qui fait la richesse de Sideways Rain, c’est qu’à la longue, ça devient plus qu’un exercice artistique; ça vire dans le métaphorique. Il y a la linéarité apparente, mais aussi la boucle devinée. Pour revenir par la gauche, les danseurs doivent bien retourner sur leurs pas. Il est donc évidemment question de vie, ce thème qui n’échappe jamais à la danse. La danse, c’est le mouvement. Le mouvement, c’est la vie. Certaines phrases chorégraphiques des danseurs sont elles aussi des boucles qui permettent aux corps un mouvement ininterrompu, plus glissant que dansant. D’autres sont comme des respirations, oscillant entre l’inspiration et l’expiration. Lorsque la marche apparaît enfin sur scène, ce déplacement commun paraît aussi étrange que simple. Les danseurs qui ont l’air bien sont ceux qui marchent tranquillement en regardant droit devant eux. À force de répétition, le mouvement linéaire finit par créer des illusions d’optique. Lorsqu’un couple s’arrête soudainement en milieu de scène, leurs corps semblent glisser vers l’arrière au milieu de tous les autres qui continuent de rouler vers la droite autour d’eux. Être immobile, c’est reculer; la vie n’attend personne. Parfois, on aurait même juré que le plancher bougeait, tel un tapis roulant. Le mouvement va au-delà des corps qui bougent et infuse d’énergie les objets inertes qui l’entourent. Ce qu’il y a devant, dans l’espace et dans le temps, est autant une force motrice dans le corps des danseurs qu’une force magnétique au-delà d’eux. On pourrait en dire autant de leurs bras tendus vers l’avant; ils pourraient s’étendre vers quelque chose, même si ce n’est que le vide, mais ils pourraient aussi être l’extension d’un sentiment, d’un désir pour l’autre. Ils finissent même par laisser une trace visible, un fil d’araignée, une ligne de vie. La vie n’a peut-être pas arrêté pour eux, mais ils ont été ici. Au-delà de la durée du spectacle, Sideways Rain demeure aussi. À la sortie de la salle, j’en éprouvais même de la difficulté à marcher. Mon corps semblait se balancer d’un côté et de l’autre. C’est encore le cas alors que j’écris ces mots. C’est la marque d’un grand spectacle : il refuse de vous quitter. Sideways Rain 24-25 mai à 20h Théâtre Jean-Duceppe www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 1.866.984.3822 Billets à partir de 35$ Un ange déchu, le dos courbé par le poids du monde, les ailes trop courtes pour voler. Témoin de la réalité humaine, mais incapable d’y intervenir positivement, elle ne peut que crier son désespoir. La douleur de l’impotence, d’être affecté par le monde sans pouvoir l’affecter à son tour. Devant cet imposant mur noir suspendu, elle crie. Le mur ne bronche pas. Et elle crie. Le mur s’impose, comme celui dans 2001: A Space Odyssey de Kubrick. Ces murs demeurent des forces obscures devant lesquels les humains et leurs prédécesseurs semblent impuissants. C’est peut-être leur destin, simultanément invisible et indéniable dans son inévitabilité. Le mur coupe la lumière en couloirs lumineux. Juste assez de lumière pour laisser entrevoir des contours, des silhouettes, des ombres. Tout est noir et gris. Un animal humain avec deux petites cornes de cheveux se promène à quatre pattes en rond, victime de l’ennui imposé par les limites de sa cage, aussi lumineuse soit-elle. L’animal se couche. L’ange parcourt le tunnel sous le mur pour parvenir à l’animal et le traîne hors de vue par les pattes. Peut-être est-il mort. Un homme entre dans le même tunnel. Il doit se pencher pour y marcher. Ce monde n’est pas fait pour lui. Un voyage initiatique. À la fin du tunnel : l’Inconnu. Mais si le mur s’effondrait sur lui avant qu’il ne parvienne au bout? Ce monde est majoritairement peuplé de figures vêtues de soutanes noires. Leur apparence est humaine, mais leur mouvement en est autrement, plus méthodique qu’organique. Ils sont régis par une force commune qui synchronise leurs mouvements. Leurs déplacements se font à partir de petits mouvements rapides des pieds, comme s’ils flottaient au-dessus du sol, même si le frottement de leurs pieds contre le sable trahit cette illusion. Ces figures sont aussi impénétrables que le mur noir, leurs motifs demeurant obscurs. Leur présence en est sinistre, menaçante, peut-être même maléfique. Il y a des forces bien au-delà de celle des humains. L’ange apparaît, la main droite couverte de sang. Le sang couvre le mur comme il se répandrait dans une mare d’eau, jusqu’à ce qu’il n’y ait que rouge. Mais l’ange est moins impuissante qu’on aurait pu le croire. Grâce au mouvement de vagues de son bras, elle parvient à effacer le sang du mur. À avancer et reculer sans cesse, l’humain crée un chemin parmi les débris. Malgré les forces du chaos contre lui, lui aussi détient tout de même un minimum de pouvoir. Il lui revient de s’imposer tel un mur contre l’insignifiance de l’univers. Avec Tempest: Without a Body, l’artiste néo-zélandais en provenance des îles Samoa Lemi Ponifasio crée un monde où l’image prédomine (procurez-vous des billets loin de la scène). Avec leurs crânes rasés et leurs soutanes, les interprètes, dont la danse passe principalement par les bras, semblent s’adonner à un buto particulièrement rapide, avec quelques touches d’arts martiaux. Ce voyage au pays des ténèbres clôt cette 5e édition du Festival TransAmériques en force. Tempest: Without a Body 10 & 11 juin à 20h Théâtre Jean-Duceppe www.fta.qc.ca 514.844.3822 Billets : 42 à 52$ / 30 ans et moins, 65 ans et plus : 34 à 45$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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