
Dans ce solo, les voix coulent à un rythme effréné, se succèdent, nous plongent dans un univers où les guerres incessantes font éventuellement de nous tous des colons colonisés. À mesure que le temps avance, le passé se compresse sous son propre poids et, dans l’énumération des événements d’une vie, deux ans passés en prison passent aussi vite qu’une mort subite.
La parole demeure toutefois vitale pour Ouramdane, ces témoignages enregistrés étant la seule chose qui puisse nous sauver de l’amnésie collective, quoi que certains intervenants semblent douter que la mémoire soit le moins pire des maux. Toutefois, le chorégraphe continue de dérouler le fil de son microphone au fil de l’histoire qu’il raconte, pour laisser une trace aussi visible que celles qui marquent l’âme des victimes directes ou collatérales de guerres et autres colonisations.
La rapidité des monologues, surtout celui d’Ouramdane, évite à la sentimentalité d’infiltrer le ton de la voix, transformant cette multiplication de mots en un récit qui – à l’image de l’Histoire elle-même – nous affecte sans que l’on ne puisse toujours préciser de quelle manière, les effets concrets, mais les causes de plus en plus lointaines, notre vie que l’écho de voix que nous n’avons nous-mêmes jamais entendues.
Tout sur scène est d’un noir plus moderne que gothique : l’écran vidéo, reluisante, en coin, à la verticale; les trois haut-parleurs style gramophone; les flaques statiques qui s’écoulent de ces éléments scéniques, autre trace laissée par les témoignages, visible mais dont le produit demeure mystérieux. Le tout est encadré par quatre tubes de néon.
Le visage d’Ouramdane demeure surtout dissimulé sous le capuchon de son chandail, lui aussi noir, faisant écho aux visages que fragmente l’écran vidéo, étroit. Sa danse, (trop) simple, comme s’il ne voulait pas distraire du propos, rejoint la scénographie : au sol et en lenteur, à la même vitesse que les haut-parleurs qui pivotent; convulsive alors que les lumières clignotent incessamment; une marche rapide d’un côté à l’autre de la scène alors que les haut-parleurs tournent à haute vitesse...
Un Américain d’origine vietnamienne dit que Bruce Lee était son héros car il semblait plus vrai que Spiderman ou Superman. « Whatever happened to heroes? » chante Ouramdane. Sur l’écran, des logos de compagnies telles que Mercedez-Benz et Fuji déferlent. Dans un système capitaliste, les compagnies deviennent les colons. L’héroïsme ne se mesure plus aux prises de position morale, mais au portefeuille.
24-26 avril à 20h
MAI (Montréal, arts interculturels)
www.m-a-i.qc.ca
514.982.3386
Billets : 25$