Local Gestures
because the personal is cultural
Il y a un an, je voyais Hetero, une pièce de danse des Japonais Teita Iwabuchi et Kaori Seki. À ce moment, mon cerveau avait malheureusement cessé de fonctionner, me laissant sans critique. Je m’étais promis que je me ressaierais plus tard… Nous voilà un an plus tard. Je me ressaie, mais il y a toujours un blocage. Pour une raison obscure, je ne parviens pas écrire ma critique à la troisième personne. Pour une raison obscure, ça sort comme ça : Si je faisais le même mouvement que toi, En même temps que toi, te verrais-je mieux? (voir = comprendre) Si j’étais ton miroir, te verrais-tu en moi Ou ne percevrais-tu que la différence, Ce qui est le même en nous s’effaçant, (1 – 1 = 0) Ne laissant transparaître que nos différences, Que ce qui déborde de ce même? Pourrais-je t’écouter dans le silence? Ne puis-je t’écouter que dans le silence? Pourrais-je t’écouter si bien Que je pourrais te voir Lorsque tu es derrière moi? Je ne peux jamais arriver à être Parfaitement toi, ce qui me chagrine Et me réconforte. Je désire La symbiose tout autant Que ton individualité. Je désire la balance de moi moi/toi toi\moi toi comme une respiration. (inspiration = expiration) Je ne veux pas que tu sois moi, Pour que nos corps puissent s’entremêler Comme des doigts en prière. Je veux que ton corps soit L’espace positif de l’espace négatif De mon corps. ( +/- ) C’est ainsi Que tu reposeras sur mes épaules J C J A O A M U M B B E E Sans difficulté Et que lorsque tu les quitteras Je sentirai le poids De ton absence. ( -/- )
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Maybe someday I will find the words. Until then... Une pâle luminosité bleue et verte avec un point noir au centre. Le point s’étire et devient ligne qui se dandine, comme si c’était une image télévisuelle et que les lignes de scan venaient l’entrecouper trente fois par seconde. On pourrait même parler de graphisme, mais en fait c’est une pièce de danse (et peut-être – de façon encore plus importante – de lumière) du Japonais Hiroaki Umeda, Haptic. En parler en termes de danse pourrait toutefois donner une mauvaise impression de son expérience perceptuelle. Mais quand même… Le mouvement d’Hiroaki Umeda est ici très influencé par le hip-hop, plus particulièrement le locking dans son isolation des différentes parties du corps, entremêlé d’une fluidité aquatique appropriée pour la palette de couleurs de l’éclairage. Du hip-hop, on retrouve aussi la précision dans la synchro du mouvement avec le son. Tout ça est toutefois très stationnaire. Ses jambes bougent beaucoup, mais elles ne vont nulle part. Il y a donc une certaine redondance chorégraphique. La danse s’efface aussi pour son deuxième solo, Holistic Strata, dans lequel la vidéo est au premier plan. Les projections tombent sous lui, derrière lui, et l’enveloppent. Il n’est plus qu’une forme humaine dont les traits sont effacés par les images : un ciel de nuit plus étoilé que noir, parfois si rempli d’étoiles qu’il bascule lui aussi dans l’image télévisuelle, la statique. Parfois, ces points blancs bougent si vite qu’elle nous soumet à une illusion d’optique. Hiroaki Umeda semble bouger, mais en fait il est immobile. C’est comme lorsque, couchés sur le dos, nous regardons le ciel. Ce sont les nuages qui bougent, mais par moments, notre cerveau nous ment et les perçoit comme statiques; alors, les buildings deviennent récipients du mouvement et ils semblent tomber sur nous. Ce sont dans ces moments d’excès visuel qu’Hiroaki Umeda est à son meilleur. Chorégraphiquement, c’est mieux quand il en fait le moins possible, quand il devient comme ces buildings immobiles contre lesquels le ciel peut jouer sur notre perception. Car, malgré la danse, Haptic et Holistic Strata ne sont pas des expériences viscérales du corps, mais esthétiques et sensorielles de la perception. Haptic / Holistic Strata 19-21 avril à 20h Usine C usine-c.com 514.521.4493 Billets : 35,32$ / 30 ans et moins : 26,24$ Une tournée qui a failli être abandonnée, alors qu’elle n’en était qu’à sa deuxième édition. Le tremblement de terre au Japon en aura presque eu raison. Mais artistes et administrateurs ont décidé de surmonter les difficultés. Heureusement, parce que si on a prouvé quelque chose la semaine dernière à Tangente, c’est la capacité de l’art à panser les plaies. La Montréalaise Erin Flynn ouvrait le bal avec From Ashes Comes the Day, dans laquelle elle danse aux côtés de George Stamos. On retrouvait le style de Flynn, qui ne fait pas dans l’excès physique ou conceptuel. Elle recherche plutôt à habiter pleinement des états d’âme, ce qui enduit ses pièces d’une belle simplicité. Elles sont remplies d’hésitations, de frustrations, de non-dits emphatiques, comme si elle voulait se délivrer d’un lourd poids sans trouver les mots pour y parvenir. De là tous ces petits mouvements qui révèlent de grands bouleversements internes. Sur la scène, théière, tasse, fleur, téléphone, mais tous faits de bois mince, presque bidimensionnel. On fait dans la représentation, mais pas seulement au niveau théâtral; cette image est aussi celle que l’on se fait de la domesticité, de l’intimité, des relations. Inévitablement, une tension émerge entre cet idéal, ce rêve, cette illusion, et la réalité de ces individus en trois dimensions, en chair et en os. Cette tension se trouve aussi dans les costumes de départ : elle en robe et collier, lui en pyjama. Les changements de costumes dotent la pièce d’une durée qui excède celle de la performance (l’équivalent du crossfade au cinéma), comme si nous étions témoins de plusieurs jours dans la vie du couple, mais aussi des différents rôles, des différentes façades que chacun assume. La fin atteint des sommets au niveau de l’image auxquels Flynn n’est jamais parvenu auparavant. C’est à mon humble avis sa meilleure pièce depuis Alcôve (2006). Et peut-être encore… Les Coréens Park Young-Cool et In Jung-Ju présentaient eux aussi un duo homme-femme (Lee Su Jung remplaçait In Jung-Ju comme danseuse pour la tournée). Leurs corps se tiennent tout d’abord immobiles au son de musique classique dans la pénombre. Et puis ils sautent et retombent les pieds lourds contre le sol, en position accroupie, les poings serrés de chaque côté. Et encore. Et encore… Les mouvements sont souvent répétés ainsi. La sueur s’en trouve propulsée à grosses goûtes du front de Park. L’interaction des danseurs est combative, mais coopérative. Pour cette raison, il en ressort un air de jeu. Toutefois, comme les jeux d’enfants, le but (si but il y a) demeure obscur et changeant. Côte à côte, ils sautent et dans leur chute se laissent rouler sur le dos avant de recommencer la séquence jusqu’à ce que l’épuisement les cloue au sol. Ils se relèvent ensuite pour retrouver leurs positions initiales aux extrémités de la scène. Ils sont toujours immobiles, mais notre perception de leurs corps diffère tout de même. Leurs corps sont maintenant imbus de leurs actions, inscrits de marques autant physiques que symboliques. Tout corps qui a vécu est meurtri. La soirée se terminait avec Tokyo Flat (Koshitsu) de la Japonaise Maki Morishita. C’est une pièce bien contemporaine, marquée d’une schizophrénie moderne. Maki entre sur scène en trainant sa valise derrière elle et se change dans la noirceur. Elle démarque un carré d’une craie blanche, grand comme un ascenseur. C’est dans cet espace restreint que sa chorégraphie prend place. Un espace trop petit pour le corps, qui devient agité. La modernité lui demande moins d’énergie que ce dont il a besoin. L’ennui est autant corporel que mental. L’imagination doit compenser. Elle déborde du corps. Le divertir, c’est demeurer sain d’esprit. Il faut bouger. Il faut jouer. Il faut danser. À travers les murs invisibles de cet ascenseur, on devient témoin des débordements corporels auxquels on s’abandonne tous lorsqu’on se retrouve seul, et qu’habituellement seul un garde de sécurité aurait la chance d’observer sur vidéo en se bidonnant. On se rend compte que, pour garder la boule, il faut souvent se laisser aller à des actions qui nous donnent tout l’air de l’avoir complètement perdue. C’est pour cette raison que, malgré son humour ludique, Tokyo Flat demeure angoissant. Quel espace reste-t-il pour l’art et l’imagination dans notre monde contemporain? On doit s’y adonner en privé dans le peu de temps et d’espace qui nous est alloué lors de notre pause de quinze minutes au travail : sous notre bureau, dans un ascenseur, dans une cage d’escalier, à la toilette. Mika se mouche et laisse tomber son mouchoir derrière elle en quittant son ascenseur imaginaire. C’est la trace que nous laisserons de notre art privé : un mouchoir souillé. Une vision comique, mais noire, de la vie moderne. La tournée clôturait aussi les vingt-et-un ans que Tangente aura passés sur la rue Cherrier. Pour suivre Tangente au cours de ses prochaines saisons, joignez-vous à eux sur Facebook ou visitez leur site web à tangente.qc.ca. |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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