Local Gestures
because the personal is cultural
Nous étions indéniablement à un spectacle présenté par Danse Danse hier puisque nous nous trouvions à la Place des Arts et que l’odeur de la sueur saturée d’alcool envahissait nos narines. Comme pour la plupart, c’était pour voir The Seasons d’Édouard Lock dansé par la São Paulo Companhia de Dança, puis potentiellement Mamihlapinatapai de Jomar Mesquita et Gnawa de Nacho Duato.
Pas de surprises du côté de Lock. On reconnait sa signature des dernières années, les jambes sportives du ballet mariées à la gesticulation des bras. Les mains paraissent tantôt délicates lorsque le poignet se fracture pour former un angle obtus au bout de bras s’étirant à quarante-cinq degrés, tantôt aériennes alors qu’une femme allonge ses bras et qu’un homme la fait pivoter sur une pointe. De façon similaire, les bras se transforment en ailes lorsqu’une danseuse est soulevée par deux hommes et que ses bras fouettent l’air jusqu’à en devenir des triangles translucides. Les mains se font moins angulaires dans leur interaction avec le visage, le caressant au passage, mais parfois donnant plutôt l’impression de quelqu’un essayant de chasser une mouche. Difficile de ne pas percevoir une certaine vanité dans ces mains constamment attirées par sa propre tête, comme si les danseurs étaient toujours en train de se lécher les cheveux ou de se poudrer. Les jambes arborent des airs militaires lorsqu’elles demeurent collées lors de sauts, conférant aux danseurs l’apparence de casse-noisettes. L’œil est attiré par l’extension du corps sur pointe, par la raideur qui fait glisser l’humain vers l’objet. L’athlétisme des danseuses n’est sûrement jamais plus évident que dans les sections où les hommes manipulent leurs jambes, une main posée sur leur cuisse, avec la même aisance que s’il s’agissait d’un bras. Superbe trouvaille que ces petits bondissement sur pointes avec les genoux légèrement fléchis qui donnent aux femmes des allures de gazelles. La connexion entre les danseurs n’est jamais plus que physique. Chaque interaction n’est que calcul pour composer différentes configurations purement esthétiques. On peut observer les danseurs attendre le moment pour insérer leur mouvement dans celui de leur partenaire. Les costumes noirs des danseurs les effacent partiellement dans la pénombre. L’éclairage tombe du plafond, ne rendant visible que les lignes des bras, des épaules et du visage. On peut aussi voir le torse nu des hommes et les pointes des femmes, blanches. Par moments, la disparition des jambes crée l’illusion de trois torses fantomatiques qui flottent vers nous. Les hommes semblent plus incarnés, entre autres parce que leurs torses sont visibles, mais aussi parce qu’ils sont plus autonomes dans leur mouvement. Avec quelques cinq cents cues d’éclairage pour une pièce qui dure cinquante minutes, les nombreux changements de lumière donnent l’impression que les corps se déplacent dans l’espace sans avoir à se déplacer dans le temps. Avec leurs déplacements incessants – parfois même gratuits – les danseurs semblent souffrir d’un trouble du déficit de l’attention, courant vers les faisceaux des projecteurs seulement pour oublier ce qu’ils devaient faire une fois rendus. Malgré la qualité indéniable de l’œuvre, il m’est difficile de percevoir la valeur de la vitesse dans un monde déjà soûlé à la rapidité. The Seasons était suivi de l’hétérosexuel Mamihlapinatapai (pour lequel les hommes portaient des chandails avec une seule manche, parfaits pour ces journées où on n’arrive pas à déterminer s’il fait chaud ou froid) et du rédempteur Gnawa. São Paulo Companhia de Dança 28-30 avril à 20h www.dansedanse.ca 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 36.75$
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Des chaises, des boîtes, des sacs, des vêtements, une table. Les onze interprètes de Pororoca les lancent tous et courent vers les objets en chute pour s’immerger dans le dégât. La chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues n’a pas peur du chaos; elle l’embrasse. Pour la majorité de la première partie du spectacle, les danseurs forment une ligne verticale au centre de la scène, une configuration inhabituelle. Cette ligne est loin d’être droite, par contre, le mouvement des interprètes étant tout aussi cacophonique que celui de ces objets lancés et abandonnés à la gravité. Lorsqu’ils agissent indépendamment, le mouvement est si excessif qu’il en est presque incontrôlable. Toutefois, dans les duos, il est clair que la précision est de mise puisque les mouvements de chacun corroborent avec ceux de leur partenaire. Tous figent instantanément. Le calme est un choix. Et le chaos revient tel une vague qui n’en finit plus de vaguer au milieu de la scène. On jappe comme des chiens, on utilise nos bras comme des armes à feu, on se tape dessus, on se tire les cheveux, on baisse nos culottes, et ça c’est quand un sein ne sort pas de son chandail de lui-même. Les danseurs s’adonnent à des va-et-vient au sol comme s’ils baisaient, même si les parties du corps en contact ne concordent pas. Dégustation de fruit postcoïtale, temps de communion et de repos. On enlève son chandail et l’utilise pour essuyer la sueur qui couvre le corps. Retour à la cacophonie, mais cette fois tout en lenteur. Le chaos n’est pas une question de vitesse. Il est tout aussi probable pour les interactions qui en résultent d’être violentes que tendres. On s’embrasse tout autant qu’on se bagarre. Comme dans la vraie vie, quoi. À quatre pattes, tête à tête, les bêtes se reposent. Le troupeau avance ensuite lentement, chacun devenant tour à tour animal et cowboy. Une anxiété se dégage de cette vision de l’homme comme animal, victime impuissante du chaos interne et externe. Avec cette thématique, Pororoca n’est pas s’en rappeler Projet de recherche de Marie-Julie Asselin, Singular Sensation de Yasmine Godder, et Golpe de Tammy Forsythe. Toutes ces pièces se sont immiscées dans mes tops 10 de l’année, alors il ne serait pas surprenant que Pororoca en fasse autant, et ce même si on ne peut pas dire que le spectacle offre une expérience particulièrement plaisante. Mais il fait mieux : il a des préoccupations et des convictions auxquelles il s’abandonne complètement. Ses quêtes font que la danse épouse plus souvent les formes d’une activité collective (pour ses interprètes) que celles d’une présentation théâtrale. Nous cessons d'être des spectateurs. Nous devenons des témoins. Pororoca 28-30 mai à 19h Usine C www.fta.qc.ca 514.844.3822 Billets : 38$ / 30 ans et moins, 65 ans et plus : 32$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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