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Il est intéressant de voir Étude No 1 de Marie Chouinard moins d’une semaine après avoir assisté à la Biennale de Gigue Contemporaine. Qui aurait cru que la chorégraphe serait celle qui immiscerait la gigue dans un climat décidément contemporain… il y a dix ans de ça. En effet, ce solo a été créé en 2001 pour la danseuse Lucie Mongrain, qui reprend son rôle aujourd’hui pour célébrer les vingt ans de la Compagnie Marie Chouinard. C’est que Chouinard a un don pour la dramatisation de l’espace. Même lorsque Mongrain et son confrère James Viveiros entrent en scène que pour préparer la performance, ils captivent déjà notre intérêt. Bien sûr, la préparation elle-même est performance puisqu’on aurait pu s’en charger avant le spectacle. Lorsque la scène est prête, Viveiros dépose Mongrain sur le plancher bleu surélevé au milieu de celle-ci. Encore là, Mongrain pourrait clairement approcher le plancher de par elle-même, mais cette petite touche fait virer la performance dans le domaine du rituel. Dans la main de Viveiros, deux boules métalliques. Elles sont lancées et tombent sur le plancher de bois avec vacarme, leur son amplifié, mais leur roulement grave réconfortant. Les pas de Mongrain sont soumis au même traitement sonore, ce qui contribue grandement à la richesse d’Étude No 1. Le travail de Louis Dufort à la musique et au dispositif sonore interactif est exceptionnel. Vers la fin, les pas de Mongrain engendrent des effets sonores tels des vitres qui éclatent en morceaux, une disjonction qu’on dirait tirée d’un cartoon de Bugs Bunny. Plus tôt, les claquettes de Mongrain glissent sur le bois bleu avec le son d’une lame sur la glace. Ces glissements menacent de l’étaler de son long. Le mouvement est par contre éclectique. Quelques instants plus tard, il est robotique, les jambes et bras raides de Mongrain se pliant en parfaite synchronisation. Suit un tapement nerveux de la pointe du pied. La pièce est divisée en sections marquées par les sorties du et réentrées sur le plancher. Ces intervalles deviennent le site de préparations psychologiques pour Mongrain avant de se lancer dans des sections particulièrement intenses. Ces répétitions à la va-vite ne sont pas sans humour, comme ces coups de poing lancés dans le vide qui transforment le plancher an arène de boxe. Tout ça avant quelques pas de ballet sur la pointe des pieds, évidemment. Malgré (ou plutôt « dû à ») sa grande maîtrise, Mongrain parvient à communiquer le paradoxe de son corps. Parfois elle se bat contre son tronc qui s’affaisse, tentant tant bien que mal de le relever. La danseuse peut bien être en contrôle de son corps, elle n’en demeure pas moins humaine; il continue de se défaire comme celui de tout mortel. Étude No 1 était suivie de Les Trous du ciel, la première pièce de groupe que Chouinard a chorégraphié, en 1991. Catherine Lalonde du Devoir trouve que la pièce a mal vieilli… Elle est emblématique de son époque, certainement, mais à mes yeux nouveaux elle est toujours fascinante. L’utilisation du son (la seule musique est la voix des danseurs, chacun ayant son micro) est encore là magnifique. Même sur le plan visuel, le passage du lever du soleil à son coucher sans jamais apercevoir le jour crée une atmosphère magique. J’ai grandement apprécié la visite de cette tribu nordique dont les rituels épousent le mouvement des animaux. Oui, c’est de l’histoire, mais ça n’en demeure pas moins une expérience. La célébration des 20 ans de la Compagnie Marie Chouinard se poursuit au Théâtre La Chapelle en mai avec Des feux dans la nuit, le premier solo que l’artiste a chorégraphié pour un homme. On retrouvera la compagnie avec Danse Danse lorsqu’elle présentera sa plus récente création, Le Nombre d’or (live), en novembre. www.lachapelle.org www.dansedanse.net
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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