
Avec Sideways Rain, le chorégraphe de Genève Guilherme Botelho s’impose une contrainte claire : les quatorze danseurs se déplacent (presque) toujours sur scène de gauche à droite. Leurs corps deviennent des mots qui déferlent sous nos yeux tel sur un écran électronique, simultanément reconnaissables et insaisissables.
Ce qui fait la richesse de Sideways Rain, c’est qu’à la longue, ça devient plus qu’un exercice artistique; ça vire dans le métaphorique. Il y a la linéarité apparente, mais aussi la boucle devinée. Pour revenir par la gauche, les danseurs doivent bien retourner sur leurs pas.
Il est donc évidemment question de vie, ce thème qui n’échappe jamais à la danse. La danse, c’est le mouvement. Le mouvement, c’est la vie.
Certaines phrases chorégraphiques des danseurs sont elles aussi des boucles qui permettent aux corps un mouvement ininterrompu, plus glissant que dansant. D’autres sont comme des respirations, oscillant entre l’inspiration et l’expiration.
Lorsque la marche apparaît enfin sur scène, ce déplacement commun paraît aussi étrange que simple. Les danseurs qui ont l’air bien sont ceux qui marchent tranquillement en regardant droit devant eux.
À force de répétition, le mouvement linéaire finit par créer des illusions d’optique. Lorsqu’un couple s’arrête soudainement en milieu de scène, leurs corps semblent glisser vers l’arrière au milieu de tous les autres qui continuent de rouler vers la droite autour d’eux. Être immobile, c’est reculer; la vie n’attend personne.
Parfois, on aurait même juré que le plancher bougeait, tel un tapis roulant. Le mouvement va au-delà des corps qui bougent et infuse d’énergie les objets inertes qui l’entourent.
Ce qu’il y a devant, dans l’espace et dans le temps, est autant une force motrice dans le corps des danseurs qu’une force magnétique au-delà d’eux. On pourrait en dire autant de leurs bras tendus vers l’avant; ils pourraient s’étendre vers quelque chose, même si ce n’est que le vide, mais ils pourraient aussi être l’extension d’un sentiment, d’un désir pour l’autre.
Ils finissent même par laisser une trace visible, un fil d’araignée, une ligne de vie. La vie n’a peut-être pas arrêté pour eux, mais ils ont été ici.
Au-delà de la durée du spectacle, Sideways Rain demeure aussi. À la sortie de la salle, j’en éprouvais même de la difficulté à marcher. Mon corps semblait se balancer d’un côté et de l’autre. C’est encore le cas alors que j’écris ces mots. C’est la marque d’un grand spectacle : il refuse de vous quitter.
Sideways Rain
24-25 mai à 20h
Théâtre Jean-Duceppe
www.fta.qc.ca
514.844.3822 / 1.866.984.3822
Billets à partir de 35$