Local Gestures
because the personal is cultural
Si vous mettez une perruque, vous pouvez tout faire. Si vous ajoutez des lunettes de soleil, vous pouvez dépasser toutes les limites de ce qui est considéré comme un comportement acceptable. Le déguisement sert à camoufler certains aspects de soi pour permettre à de nouveaux d’émerger. Il en est de même de l’art. L’art est un mensonge qui révèle la vérité, Picasso a dit. Dans Pleasure Dome, la chorégraphe Karine Denault et les cinq autres interprètes (Dana Gingras, k.g. Guttman, Jonathan Parant, Alexandre St-Onge, Alexander Wilson) se cachent sous des perruques pour pouvoir aller au-delà du préconçu. Dès que l’on entre dans la salle de l’Agora de la danse, on le remarque; ce sont les trois danseuses qui se trouvent aux consoles de son, alors que les musiciens sont étendus sur le plancher. Après cette inversion des rôles, les interprètes marchent autour de la scène à quatre pattes. Certains se lèvent pour les guider pour un moment, pour ensuite retourner sur leurs quatre pattes et suivre le troupeau à nouveau. Les paramètres des rôles demeurent fluides, malléables, comme dans Cesena d’Anne Teresa De Keersmaeker. En laissant libre cours à leur id, les interprètes abandonnent leur ego, phénomène rare en performance scénique, et donc rafraichissant. En début de spectacle, Denault demeure coucher sur le plancher, s’efface. On avait déjà aperçu cet aspect de la chorégraphe dans son dernier solo, Not I & Others. Le plaisir, c’est aussi l’abandon de l’idéal – virgule – de la beauté. La beauté, si superficielle peut-elle être, pèse tout de même lourdement; le plaisir, quant à lui, est léger, comme les interprètes, qui semblent parfois flotter au-dessus de la scène, ou tout du moins au-dessus de nous, spectateurs assis directement sur le plancher. De façon surprenante (mais qui rejoint encore Cesena), le plaisir, aussi communautaire soit-il, demeure solitaire. Les interprètes se touchent rarement, mais le besoin d’une collectivité demeure nécessaire et indéniable. À intervalles réguliers, les interprètes retournent à un état contemplatif, comme s’il y avait toujours la possibilité d’un retour en arrière, d’un recommencement si le résultat est jugé insatisfaisant, à la manière d’un jeu vidéo. Rien ne doit être accepté comme étant définitif. Pleasure Dome aussi semble transitoire. Si on revenait la semaine prochaine, on ne serait pas surpris que ça l’ait une toute autre allure. Subjectif subjectif subjectif : j’ai une prédisposition pour un éclairage scénique minimale. Ça dramatise l’espace, surtout quand on veut tellement voir ce qui se passe. Je crois qu’ici aussi ça aurait pu avoir des effets bénéfiques. Ça aurait accentué l’espace entre les spectateurs et les interprètes; car malgré notre proximité (assis tout autour de la salle, nous sommes tous au premier rang), nous ne faisons pas partie de cet univers de plaisir. La distance virtuelle aurait souligné l’aspect participatif du plaisir; on ne peut pas compter sur les autres pour nous le transmettre. Le pleasure dome aurait paru tel le saint graal, une destination à atteindre, si on le désire. (J’aurais voulu qu’un des interprètes me donne la main, me donne la permission d’y entrer.) La plus grande force de Pleasure Dome est son refus du symbolique. Tout comme on ne peut parvenir au plaisir par un raccourci, le sens d’une œuvre d’art ne s’impose que s’il émerge de lui-même. C’est ici le cas. 6-8 février à 20h & 9 février à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Réduits : 20$
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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