
Après nous avoir surpris en 2010 avec It’s about time: 60 dances in 60 minutes, un spectacle aussi conceptuel que ludique, le chorégraphe torontois Michael Trent nous emmène dans une nouvelle direction avec loveloss.
L’interprète Simon Portigal entre seul en scène avec ces trois collines de sable qui grossissent tranquillement autour de lui. Ce sont ses bras qui guident le reste de son corps, mais eux-mêmes ne semblent trop sûrs où aller. Ils y vont au feeling, mais avec de plus en plus de certitude.
Ellen Furey se joint à Portigal. Elle porte un pendentif. C’est un détail mineur, mais obsédant. Pour des raisons évidentes, les danseurs n’ont pas l’habitude de porter des bijoux sur scène. Ce rien imprègne une histoire dans son corps. Que signifie-t-il pour elle?
Robert Abubo approche le plancher à son tour. Le carré blanc qui recouvre celui-ci n’est que du papier qui plisse sous le poids des danseurs. La rupture semble inévitable et pourtant c’est réconfortant. Le papier est fragile. Il est supposé se fracturer. C’est dans l’ordre des choses.
À l’arrivée d’Amanda Acorn, on remarque que chaque interprète épouse la gestuelle de leurs partenaires lors de leur entrée sur scène. Par ce procédé d’imitation, ils semblent essayer le mouvement, comme s’ils pouvaient ainsi possiblement comprendre celui de qui il origine. Peut-être que celui qui était là avant a trouvé la solution aux problèmes que rencontrent ceux qui suivent.
Benjamin Kamino complète le groupe. Après avoir enterré Portigal sous le sable, tous les danseurs explorent l’espace les yeux fermés, ce qui rappelle une scène du documentaire Encounters at the End of the World de Werner Herzog : des hommes vivant en Arctique qui tentent de trouver l’un des leurs en portant des lunettes noires pour simuler l’aveuglement qu’ils devraient confronter lors de poudrerie. La nécessité d’apprivoiser la noirceur avant qu’elle se manifeste pour pouvoir mieux la naviguer.
L’une des rares qualités que loveloss partage avec It’s about time est que Trent n'a toujours pas peur de prendre le temps qu'il faut. De plus, il évite ici l’humour, le théâtral et le mouvement séducteur (athlétique, rapide, synchronisé), toutes ces astuces que des chorégraphes moins confiants utilisent pour que leur danse soit plus accessible. L’interprétation est sentie sans être affectée. loveloss est une œuvre touchante, le premier vrai bon spectacle de danse présenté à Montréal cette année.
12-14 février à 20h
Agora de la danse
www.agoradanse.com
514.525.1500
Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$