Local Gestures
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Lors d’un récent passage à la Passerelle de l’UQAM, j’ai remarqué Antoine Turmine dans Suicide intellectuel, un solo pour lequel il passait la majorité de la pièce à écrire sur le plancher à la craie dans une obscurité qui rendait son écriture pratiquement illisible. Après avoir dansé pour bon nombre de chorégraphes au cours des différentes éditions de la Biennale de Gigue Contemporaine (BIGICO) – dont Lük Fleury, Nancy Gloutnez et Jean-Philippe Lortie – Turmine présentera pour la première fois une pièce de gigue contemporaine de son propre cru pour la toute première édition du OFF BIGICO. Je me suis entretenu avec lui moins de deux semaines avant la première.
Quel est ton parcours? Je danse depuis que j’ai dix ans. J’ai commencé dans un ensemble folklorique qui s’appelle Mackinaw, à Drummondville. Des danses du monde… Si tu montes les échelons, tu travailles la gigue en particulier. J’ai dansé là une dizaine d’années, puis en 2010-2011, je me suis intégré à la compagnie Zogma à Montréal. À partir de là, je me suis ouvert à la danse et à la gigue contemporaines. J’ai fait un baccalauréat en danse à l’UQAM et maintenant je fais la maîtrise. Qu’est-ce que tu retires de la gigue que tu ne trouves pas en danse contemporaine? Je vais être bien franc : rien. C’est plus un cadre de travail que je m’impose, versus n’importe quel artiste peut faire n’importe quoi en danse contemporaine. C’est ce qui est le fun aussi. En gigue contemporaine, c’est de dire « Voyons ce qu’on peut faire à partir du matériau qu’est la gigue. » Comment as-tu emmené la gigue dans le contemporain pour le OFF BIGICO? Qu’est-ce que tu travailles? Ayant souvent été interprète, j’ai toujours été intrigué par le fait qu’on demande aux artistes d’être précis au niveau sonore en gigue traditionnelle. On veut une clarté dans le son. Je me suis toujours posé la question « Pourquoi c’est si important? C’est quoi le défaut de faire des bruits parasites? » [Avec le OFF BIGICO,] j’ai l’opportunité de faire un laboratoire, de me péter la gueule et que ce ne soit pas grave. C’est juste de proposer quelque chose; on se fout du résultat. Donc je me suis dit, « Je vais explorer le bruit; voir si on peut organiser ce qui est parasite normalement de manière à ce que ça fasse une certaine musicalité et un rythme quelconque, et que ça devienne intéressant pour le spectateur. » Il y a toujours deux affaires qui m’intéressent, et c’est pour ça que je m’intéresse à la danse contemporaine : la dynamique du mouvement et le son qui est produit. Le bruit est quelque chose qu’on met de côté alors que ça nous ouvrirait peut-être un pan de la gigue qu’on n’explore jamais parce qu’on ne se le permet pas comme ce n’est pas inscrit dans notre patrimoine de gigueur. Est-ce qu’il y a des bruits en particulier qui ressortent? J’aime bien tout ce qui est un genre de frotté, de glissé du pied au sol, qui permet beaucoup plus de subtilité au niveau des nuances sonores. Si je fais un mouvement qui est dynamique, je peux aller dans quelque chose qui est impulsif, continu… Je peux faire la même chose avec un glissé, un frottement. Je peux rajouter une variante à ce frottement-là, ce qui est beaucoup plus difficile à faire sur un son qui est précis. Avec un son qui est précis au sol, tu as un son qui va rester (aigu) et un son qui va s’ouvrir (sourd). Quand tu le fais glisser, tu as une emprise sur la temporalité de ce son-là. Ça permet plus de possibilités. C’est cliché, mais ça me fait penser à John Cage, 4’33” en particulier. Tant qu’à être dans ce type d’influence, je te dirais plus que c’est Pierre Schaeffer. Il est beaucoup plus dans l’objet sonore. Il donne une intention au son. C’est ça qui fait qu’on le hiérarchise, qu’on lui donne une importance dans la composition musicale. Donc c’est un peu de la musique concrète pour gigueur que tu fais. De la manière dont tu parles, ta préoccupation est plus musicale que visuelle… Ça peut sembler comme ça, mais ce n’est pas le cas. Je travaille seul – c’est un solo que je fais – et je me filme lors des répétitions pour avoir une idée d’à quoi ça ressemble et de comment ça sonne aussi. En regardant ce que ça fait, je me rends compte qu’on s’attarde beaucoup plus au mouvement des pieds que si je faisais une gigue traditionnelle, que si je faisais des sons clairs et que c’était des séquences. (En gigue, c’est souvent des séquences qu’on fait.) Là, on dirait qu’il y a un travail différent du corps. Juste pour garder l’équilibre pour produire ces sons-là, ça demande une organisation spéciale du corps et on voit bien les dynamiques des jambes. Je trouve ça intéressant au niveau du mouvement aussi. Ce n’est pas juste sonore. Est-ce que la recherche que tu fais à l’UQAM influence ce que tu fais en gigue contemporaine? Un peu, parce que ça m’a intéressé le bruit que ça faisait quand j’écrivais avec la craie [dans Suicide intellectuel]. Mais c’est la seule chose qui se recoupe. Je dois t’avouer que j’ai vraiment deux parties de moi qui travaillent toujours, qui se côtoient plus qu’ils ne se fusionnent. D’un côté, j’ai ma pratique de la gigue; de l’autre, j’ai ma pratique en danse contemporaine. OFF BIGICO 8-10 avril www.auxecuries.com 514.328.7437 Billets : 27$ / Étudiant : 19$
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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