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Avec Au sein des plus raides vertus, la chorégraphe Catherine Gaudet continue de résister à une représentation simpliste de l’humain, le pendule oscillant entre le divin et le monstrueux. À notre entrée en salle, les quatre interprètes (Dany Desjardins, Francis Ducharme, Caroline Gravel, Annik Hamel) sont déjà sur scène, nous offrant la suggestion de leurs dos nus dans la pénombre. Une musique d’ambiance aux allures de trame sonore ralentie nous plonge dans un monde sous-marin. Les danseurs entament un chant choral.
Desjardins se pogne le paquet. La musique peut être aussi spirituelle que nous voulons, notre corps ne s’évapore pas pour autant. La beauté de leur chant contraste avec la déformation que les visages de Hamel et Ducharme subissent. L’extase crée la laideur. Ducharme s’assoit sur le sol, le bras tendu vers le haut, vers rien, vers la mort, comme s’il était le sujet d’une peinture classique implorant la clémence de Dieu. Les danseurs épousent souvent des poses dramatiques, comme s’ils étaient interrompus dans le mouvement. Les deux femmes se tapent à tour de rôle. La bassesse, la petitesse de l’humain commence à transparaître. Dans ces contrastes, Au sein n’est pas sans rappeler tauberbach d’Alain Platel, qui faisait aussi appel au chant choral. Toutefois, le portrait de l’humain que Gaudet propose nous paraît plus pessimiste. C’est que Platel illustre le côté sombre de l’humanité en situant ses personnages dans un dépotoir. La beauté de leur chant, provenant de l’intérieur, est contrastée avec la laideur de leur environnement. Dans Au sein, c’est l’inverse : la scène épurée consiste en un carré gris entouré de tubes de lumière blanche; c’est de l’intérieur que la noirceur émane. Cette petite scène carrée – nous nous remémorons celle vue une semaine plus tôt pour 4-OR de Manuel Roque – contribue à la dramatisation de l’espace. Les danseurs n’en sortent jamais, de sorte qu’ils demeurent constamment dans le centre de notre champ de vision, demandant toute notre attention. De chaque côté, quatre rideaux entrecoupent la scène, inutiles puisqu’il n’y a aucune entrée ou sortie de scène à dissimuler; ils ne servent qu’à signifier le théâtre. De plus, les spectateurs disparaissent dans le noir, l’éclairage ne tombant que sur les interprètes. Souvent, le regard de ces derniers se tourne vers le public. Chaque spectateur pourrait être convaincu que c’est lui qu’on regarde. « Qu’est-ce que ça te fait quand je fais ça? » Cette question revient, d’abord alors que les danseurs manipulent le corps les uns des autres. Lorsqu’ils continuent de la répéter alors qu’ils ne se touchent même pas, nous nous rendons compte qu’elle s’adresse plutôt aux spectateurs. Nous pourrions parler de l’effet de la danse, mais la question pourrait aussi paraître comme une préoccupation morale; sauf que les interprètes ne semblent pas particulièrement intéressés par notre réponse. « On regarde avec les yeux du cœur, » rappelle Desjardins, comme si cette phrase n’était pas un non-sens, à ses bêtes rampantes qui accablent des spectateurs imaginaires d’insultes sur leur apparence. La relation n’est pas autant entre les interprètes qu’avec le public. Nous pourrions déduire que les quatre danseurs ne représentent en fait les tensions au sein d’un seul et même être. Au sein des plus raides vertus représente pour Gaudet une grande avancée vers la maîtrise de la mise en scène.
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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