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![]() Je viens du Musée d’Art Contemporain où j’ai visionné une vidéo d’un escargot se déplaçant d’un côté du cadre à l’autre, un processus qui lui prend plus de six minutes. Il s’agit de Scenes from Ordinary Life de l’artiste torontois Euan Macdonald. Il est possible que ce visionnement ait coloré mon expérience subséquente de CINQ HUMEURS, la nouvelle pièce de groupe d’Emmanuel Jouthe présentée cette semaine à l’Agora de la danse. Il demeure que des liens entre les deux œuvres se sont dessinés sous mes yeux au courant de la soirée. Ce que je remarque en premier dans CINQ HUMEURS est la juxtaposition des vitesses, dans le même corps et à travers les corps. Comme si le chorégraphe détenait une télécommande : slow motion, fast forward. Souvent, les mouvements les plus originaux apparaissent lorsque les contraintes sont les plus claires. Dans CINQ HUMEURS, par contre, il est plus approprié de parler de complications que de contraintes. Deux femmes courent à toute vitesse, mais elles sont couchées sur le sol, de sorte que leur déplacement est quasi inexistant. Une autre femme marche d’un côté à l’autre de la scène, les yeux fermés. D’autres se déplacent à haute vitesse, mais leur tête descend de plus en plus bas, jusqu’à ce que leurs bras rejoignent le sol. Ces complications éliminent la distance entre l’humain et l’animal, et révèle la futilité du mouvement de ces créatures qui se démènent. Alors pourquoi se démener? Un homme se laisse tomber, droit comme une planche. À la dernière seconde, un autre l’attrape par le cou. Pour un instant, on se retrouve dans l’univers de Staccato Rivière, une pièce de Jouthe datant de 2007. Une vision de l’humain comme statue, soumis comme tout autre objet à la gravité, plongeant inévitablement vers sa propre fragilité. Tout n’est pas si fataliste, par contre. Dans les sections les plus vigoureuses, brèves, les bras deviennent des catapultes qui font pivoter le corps et les jambes sont propulsées hors du tronc telles des armes. Jouthe réussit malgré tout à résister une structure dramatique. La chorégraphie qui accompagne la section la plus intense des Quatre Saisons de Vivaldi, la musique qui inspire le spectacle, consiste en deux ou trois femmes qui marchent en cercle, à reculons. Je prends par cette occasion l’opportunité de souligner la performance de Marilyne St-Sauveur, dont le talent n’est pas limité à sa performance comique. Elle possède une aura de mystique qui attire le regard, et ce même lorsqu’elle partage la scène avec neuf autres interprètes. La section finale menace de défaire cette anti-pièce lorsque les dix danseurs se pointent sur scène et attaquent le mouvement, mais le tout est coupé court. Éjaculation prématurée. Ne reste qu’une seule danseuse qui se tient immobile, à cheval entre scène et coulisses, avant de disparaître à son tour. Une fin qui a du culot. Et je repense à cet escargot qui avance lentement. Son mouvement n’est pas moins signifiant que ces humains qui se démènent. Tous deux se réalisent de par leur mouvement, de par leur vie. Alors pourquoi se démener? CINQ HUMEURS 16-18 mars à 20H, 19 mars à 16H Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 20$ / Étudiants et moins de 30 ans : 14$
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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