Local Gestures
because the personal is cultural
Des bandes blanches montent une pente en arrière-scène sur des diagonales. Selon la teinte de l’éclairage, elles pourraient être des vagues ou des rafales de sable au fond de l’océan. Au-dessus, des petites lumières pour étoiles. Haut, en avant-scène, deux bandes de pellicule plastique font danser la lumière. La scène baigne dans le bleu de la nuit ou de l’eau. Après la naissance obligatoire, la chorégraphe et interprète Emmanuelle Calvé se laisser aller à des mouvements enfantins. Richard Desjardins parle du désir humain d’être autre, souvent un oiseau, « pour le vertige, » et sûrement aussi pour voler au-dessus du danger qui semble toujours nous guetter, les bêtes terrestres. Dans EMMAC Terre marine, Calvé utilise la marionnette pour permettre à l’être humain ces transformations animales et le replacer dans son alignement ancestral. À partir d’une position à genoux, elle utilise ses bras pour se propulser dans un glissement sur le ventre, comme ce morse habité par les manipulateurs de marionnettes, l’acteur Jean-François Blanchard et la danseuse Jody Hegel. Calvé imite les animaux qui l’entourent et leur rencontre se fait dans le ludisme. La scénographie de Richard Lacroix est simple et efficace. Le blanc permet à la lumière de transformer l’environnement. L’orange rosé nous transporte au crépuscule. Une seconde de lumière blanche nous emmène dans une extrémité polaire. À vouloir tout être dans sa multidisciplinarité, peut-être, EMMAC nous offre une version anémique de tous les médiums à son emploi. Les mouvements de danse de Blanchard et Hegel, qui ne semblent être là que comme faire-valoir de Calvé, sont accessoires, limités à les faire sortir de scène avec une fioriture après avoir changé le costume de Calvé. La musique de Jorane est parfois parfaitement planante pour nous immerger dans un monde aquatique, tandis qu’à d’autres moments elle est trop cinématique, trop mouvementée pour la scène. Le talent de Hegel est sous-utilisé, alors que Calvé ne réussit pas à démontrer qu’elle a encore ce qu’il faut pour porter sur ses épaules ce qui est essentiellement (malgré le grand nombre de collaborateurs) un spectacle solo. 8 & 13-15 mars à 20h / 12 mars à 14h Théâtre Rouge du Conservatoire www.danse-cite.org 514.873.4031 #313 / 514.844.2172 Billets : 28$ / Étudiants : 20$
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“We’ve been waiting for you, daddy.” –Anders Carlsson, Conte d’amour “Am I in love? –Yes, since I’m waiting.” –Roland Barthes, A Lover’s Discourse If you want love, pure love, get yourself a dummy. Sure, when you feed them chips or make them drink Coke, it will all just fall to the floor, but that’s precisely what you want. The absence of thirst and hunger means that they will never, ever leave you. In Markus Öhrn’s Conte d’amour, the other is a blank canvas onto which we can project our love, so that it can never find itself soiled by the other’s own velocity, since it has none. (I once wrote, “On veut la projection qui nous échappe par sa propre vie.”) Of course, a dummy might not fulfil all of your desires. So, alternatively, make sure that, if the one you love is human, they are as dependent on you as possible. It might be infantilizing, of course, but this works in your favour. Children are less likely to leave you than your adult partner. To make their leaving even less likely, bring them McDonald’s. Under the right light, those fries and nuggets can really look golden. “Everything is simpler in Thailand,” a character tells us. “Thai women are not as troublesome as Occidental ones.” This is the moment at which Conte d’amour becomes more than just a play loosely based on a sordid news story. This is the moment when in one fell swoop it becomes political by exposing the relationship between racism, sexism, and capitalism. The statement is of course naïve. What makes one less troublesome has nothing to do with race or gender. It has to do with one’s economic dependency. Eve was not made from Adam’s rib. She was made from his wallet. If you want love, pure love, do make the dependent one feel like they have some power. Withhold your attention so they feel like they have to earn it. Let them turn a basement beam into a stripper pole. If they can seduce you, they must have some power. Ignore the fact that their survival depends on it. The saviour comes down from the ceiling as though from a helicopter, bringing chips and Coke to his grateful African children. Maintain the system that keeps them dependent on you, but let them feel like you’re being good to them when you give them the bare necessities of life. The lover comes down from the skies, bearing gifts, to save us from the catastrophe zone that our single lives were, before they came along. To keep the other dependent on you, it might be best to make sure that they are satisfied with little. Like maracas. “Gifts… and the feelings that come with them.” The sequestered children even have a video camera. It gives them the illusion of agency, like they are not just objects, but subjects shaping their own reality. They are not just victims. They are witnesses of each other’s victimization. And yet, “I am a victim!” shouts that guy from Portlandia, who plays the only female character in the play (which probably should have ended on that powerful note). For the loved becomes owned by the lover, becomes the screen against which the projection (love) violently lands. During Conte d’amour, I kept thinking that it was like witnessing an extreme version of Roland Barthes’s A Lover’s Discourse. Except that, rereading my notes, I realized that I kept using “the lover” and “the loved” to refer to all of the characters, no matter if they were the kidnapper or the kidnapped. Maybe Barthes forgot that love can also be a form of Stockholm Syndrome. May 28-30 at 7pm Théâtre Rouge du Conservatoire www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 1.866.984.3822 Tickets: 43$ / 30 years old and under: 38$ Quel est notre rapport à la chose vidéographique? Avec l’omniprésence du médium, qui ouvre et clôt son nouveau spectacle, la chorégraphe Marie Béland se met les deux pieds dans la question. Une création aux trois couleurs cathodiques, en trois épisodes – peut-être le même – utilisant principalement trois médiums différents. BLEU, ou la vidéo D’abord jeu d’ombres – et donc nécessairement de proportions et perspectives – qui s’entremêlent ensuite avec la projection vidéo live des trois danseurs : Simon-Xavier Lefebvre, Marilyne St-Sauveur, et Ashlea Watkin. C’est plus qu’une rencontre des éléments; C’est le réel et l’art(ificiel) qui effacent les lignes, se fondent ensemble, et s’influencent jusqu’à ce qu’on ne sache plus lequel des deux l’on regarde. Les interprètes font dans le jeu d’acteur de Télé-Québec (même si Watkin, comme dans n’importe quel autre spectacle de danse dans lequel elle se trouve, est toujours la meilleure actrice). De façon appropriée, ils sont vêtus de couleurs primaires et secondaires (rouge, bleu, jaune, vert), comme s’ils étaient des adultes retardés dans une émission pour enfants. Leurs corps se découpent sur fond noir, ce qui n’est pas sans rappeler certaines des premières vidéos d’art qui servaient souvent à capter des performances. Dans une galerie, le blanc est l’espace vierge; en vidéo, comme au théâtre, c’est le noir. Devant des images d’Elvis (le vrai ou un imitateur? Il y a une différence?) et d’Arnold à l’ère de Commando, leurs corps se dédoublent en formations psychédéliques, tel une vidéo de Nam June Paik qui s’extase à l’idée du global village. Bref, le genre de chose dont la seule chance de passer à la télé serait sur PBS. Ça veut être bon, mais c’est pas sexy du tout. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. VERT, ou la marionnette La partie la plus faible du spectacle, heureusement camouflée dans le milieu, où trois pompons aux couleurs de la pièce deviennent des marionnettes, les alter egos des interprètes. La performance dansée vient rejoindre le jeu d’acteur, comme si Béland a dicté aux interprètes, « Faites comme si vous étiez de mauvais danseurs. » Les idées demeurent intéressantes, mais leur mise en scène est moins convaincante. ROUGE, ou le théâtre Et l’histoire se répète, beaucoup plus verbale. Les échanges entre les interprètes glissent entre l’emphatique et les petites cruautés, et peut virer dans le non-sens à n’importe quel moment. Avec le bon accent, « Cat a va capoter! » peut devenir une phrase pseudo-italienne. Devant les images qui déferlent (de The Bold & The Beautiful au hockey en passant par The Price Is Right), l’absurdité de l’humain dans la petitesse de ses intrigues inévitablement dramatisées parce que justement futiles se dessine. Béland conserve son sens de l’humour mais – surprise! – BLEU—VERT—ROUGE est aussi étrangement opaque, parfois aussi illisible que le texte confus vocalisé par les interprètes. C’est sûrement l’un des aspects les plus intrigants de la pièce (et dans le parcours de la chorégraphe). Pour faire compétition à l’image télévisuelle et cinématographique, est-ce que la danse et le théâtre doivent eux aussi faire dans le chaos qui dégénère jusqu’à la folie schizophrénique? Pour retenir notre attention, est-ce que tout doit maintenant se terminer dans la violence? 23-25 janvier à 20h & 26 janvier à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Réduits : 20$ The problem with pain is that one’s is always felt, whereas that of others is merely seen. What I’m saying is: one’s most minimal pain is more felt than the most extreme suffering of others. It might be for this reason that director Brigitte Haentjens chose the second person for the title of the duet she choreographed for Anne Le Beau and Francis Ducharme: Ta douleur. Your pain… never as great as mine. It’s the kind of detachment that each performer exhibits when confronted with the other’s suffering. The same could be said for this spectator. To be fair, Ta douleur gains self-awareness in its most humorous moments. Early in the show, after feeding into the melodramatic acting that constitutes the bulk of the performance, Le Beau and Ducharme purge all the platitudes we tell each other: “C’est pas facile, hein?” For the most part however, Haentjens is interested in when the body is the object of such pain that it becomes unintelligible. The victim of an overabundance of emotion, it merely cries, trembles, convulses. It is but the physical appearance of pain, little more than a blocking of emotional states. This is only enhanced by the decision to constantly fade in and out of black. This fragmentation prevents Haentjens from finding the links that would have made Ta douleur more choreographic. It is as though, without words, the woman who is more used to directing plays did not know how to make one scene flow into the next. Despite its minimal story and movement, the pain explored here is concrete. Too concrete. It is uniform in its capitalization on pain as and from violence. This might be an effort to make it theatrical, but it only ends up undermining itself by constantly striking the same loud note. In the end, Ta douleur plays like other people’s pain: overly dramatic, blown out of proportion, easy to disregard. Ta douleur 18-22 & 25-29 September at 8pm Théâtre La Chapelle lachapelle.org 514.843.7738 Tickets: 30$ / Students: 25$ Se mettre tout nu, se faire traiter de grosse, se faire mettre dans une cage, exposer sa vulve, se rouler dans le ketchup… C’est humiliant. Être un interprète de performance contemporaine, vraiment… Mais ça marche au début de Le cycle de la boucherie, la nouvelle pièce de Dave St-Pierre, parce que le chorégraphe assume pleinement le côté dégradant d’être interprète. Après tout, c’est souvent ça ou travailler au salaire minimum chez McDo. Évidemment, cette humiliation ne vient souvent pas d’elle même. C’est pour le metteur en scène que les interprètes font tout pour plaire. C’est lui qui a le pouvoir de leur donner la job, de les sauver du McDo. Et, étant la star de la danse contemporaine, St-Pierre peut en demander plus que n’importe quel autre. J’ai déjà entendu des rumeurs d’un acteur hétéro flirtant avec St-Pierre pour un rôle dans sa trilogie Sociologie et autres utopies contemporaines. Est-ce vrai? Qui sait… J’ai flirté pour beaucoup moins que ça. Toujours est-il que St-Pierre assume aussi pleinement, même si à travers la parodie, le côté tyrannique de son propre rôle. Dans Boucherie, ses interprètes ne sont pas des animaux parce qu’ils ont des têtes de lapin; ils sont des animaux parce qu’ils sont humains. Les femmes ne sont pas en cage parce qu’elles sont des lapins; elles sont en cage parce qu’elles sont grosses et que, puisqu’elles sont apparemment incapables de se contrôler, on doit le faire pour elles. L’opéra joue sans cesse, comme pour nous rappeler que les corps ne sont bons que pour être violés et tués. Dans la lignée du pop art, St-Pierre s’amuse à tacher l’image immaculée que les compagnies reines du capitalisme tentent de se donner. Ici, c’est McDo et Disney qui écopent. C’est populaire en ce moment. Juste à Montréal, on peut penser aux personnages de Disney version queer de Jonathan Reid Sévigny, ou l’exposition en cours à la Casa del popolo, où il n’y pas que le nez de Pinocchio qui gonfle. Dans Boucherie, c’est le danseur Vincent Morelle qui, mouillé et tout nu, doit se transformer en Bambi le pauvre orphelin qui patine malgré lui sur la glace ou Nemo qui gigote contre la mort hors de son bocal. Ici, St-Pierre refuse le sentimentalisme de ces pièces précédentes. Même lorsque l’acteur Gaétan Nadeau est au bord des larmes, St-Pierre murmure « Je suis touché, moi, » créant une distance qui bloque l’accès à l’émotion. Le « Je t’aime » est même transféré dans un bidule électronique qui le communique d’une voix robotique mais, cette fois, l’émotion passe quand même. C’est que Morelle active l’appareil qui jonche dans la bouche de sa partenaire Sylvia Camarda, touchant dans la projection de son désir. Encore là, l’eau, le sang, et le ketchup transforment la scène en une patinoire qui menace constamment les interprètes de leur faire perdre le pied. Ça témoigne de l’intérêt de St-Pierre pour le dégât, le chaos. Il veut la difficulté, l’effort, l’imperfection. Il veut l’humain. Malheureusement, St-Pierre a toujours de la difficulté à se défaire des stéréotypes féminins. Les femmes sont hystériques, les blondes sont stupides, les belles femmes sont des mantes religieuses, et les grosses ne sont pas grand-chose à part des grosses. Le chorégraphe travaille d’ailleurs sur une nouvelle pièce avec les interprètes Katia Lévesque et Debbie Lynch-White, Jambon cuit. En espérant qu’il leur donnera là un rôle plus actif que celui d’animal en cage. Leur danse à la fin de Boucherie est un pas dans la bonne direction. Enfin, malgré une certaine diversité des corps parmi les dix interprètes de Boucherie et les douzaines d’autres dans ses pièces précédentes, c’est toujours plutôt blanc. En fait, une Québécoise blanche imitait une actrice porno japonaise dans La Pornographie des âmes. C’était assez gênant. Le cycle de la boucherie 6-17 décembre Théâtre La Chapelle lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 33$ / Réduit : 28$ Laurie Anderson's Delusion, photo by Leland Brewster If the world is going to end, Laurie Anderson might as well be your travelling companion. That’s at least how she made me feel last night at the Montreal premiere of her show Delusion. Though the many stories she tells over the 90 minutes the show lasts might at first appear eclectic, a sense of the end of the world pervades all of them, or at the very least the end of life. Ends even, for as she points out, from the moment we come into this world, we are destined for multiple deaths. The scenography is simple, even basic, but effective. A rock-like structure in the middle of the stage acts as a screen for smaller grey rocks that constantly mutate in watery ripples. On the screen at the back, the largest of four, a small wooden frame appears within which, appropriately, leaves fall. This is not only coincidental; as we will find out, Delusion takes place within a perpetual, rainy autumn. The Great Flood. On either side, two smaller screens. The one on the left, like the blank pages of an open book; on the right, rippled like the bed sheet of an unmade bed. The latter is also the first image to appear on them, sheets of a peachy skin colour. Unlike Anderson’s recorded material, highly cerebral, the music she creates for the show is surprisingly cinematic, sometimes even downright emotional. As she takes on a deep electronically modified male voice, her mysterious synth composition is reminiscent of Angelo Badalamenti’s score for Twin Peaks. It is just as probable that things might turn out to be gloomy or funny. The darkness of the candle-lit room, the smoke that fills the screens as well as the stage itself, visible in the narrow strips of light, and the red curtains on video all facilitate the comparisons to David Lynch, as cliché as those might be. The incessant music cradles the audience from left to right, allowing them to comfortably settle into the slow and hypnotic show. From early on, Anderson commands a certain reverence. There is indeed something mythic about her. She is as comfortable on stage as any performer I have ever seen. She playfully interacts with the projection, swaying her foot in front of the projector beam so that its shadow appears to be treading the video ground. And, as if her stage presence wasn’t enough, she is also a gifted storyteller. Even when Anderson tackles such serious issues as colonialism or the consequences of rampant capitalism in America, she manages to do it with lightness and humour, never forgetting the ultimate absurdity of life. And, therefore, of death too. So, if this is indeed the end of the world, we can be thankful that there is Anderson’s voice to put everything back into perspective, to make us laugh and reassure us. Delusion October 4-6 at 8pm Usine C http://usine-c.com/ 514.521.4493 Tickets: 40$ / Under 31 years old: 30$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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