Local Gestures
because the personal is cultural
Qui amène leur bébé à un spectacle de danse contemporaine? Je n’arrête pas de les maudire dans ma tête chaque fois que les petits criss ouvrent la bouche. Pardon. Fausse alarme. Ce ne sont pas des bébés, mais les danseurs Dany Desjardins et Caroline Gravel. Ils naissent sur scène en se dandinant au sol, à moitié nus comme des demi-vers, mais contorsionnés comme des vertébrés. De la noirceur vers la lumière, ils rampent. Apparemment, la naissance est l’une des expériences les plus traumatisantes de notre vie. Avez-vous déjà vu des gens sous hypnose qui reconstituent leur naissance? C’est assez convaincant comme argument. Freud serait content de regarder ça sur YouTube. Dès sa sortie de l’école, la chorégraphe Catherine Gaudet s’est attaquée à des thèmes matures. Elle continue dans la même voie avec Je suis un autre, son nouveau duo présenté au Théâtre La Chapelle. Avec son humour noir, elle trouve le rire dans la violence. Desjardins et Gravel se retrouvent assis face à face et se poussent l’un l’autre au sol en balançoire, comme si un seul pouvait vivre à la fois. Avec Gaudet, pas besoin de vœux de mariage, nous sommes pognés ensemble de toute façon, pour le meilleur et pour le pire. La vie, c’est un carambolage humain. Les personnages sont des brutes émotionnelles, incapables d’articuler (d’être articulées?) intelligemment, à la limite du cartoon. Si Desjardins réussit à dire « Prends-moi », c’est à personne, mais en espérant peut-être que quelqu’un entende, incapable d’assumer ses désirs. S’il le disait à quelqu’un, il y aurait la chance d’un non. Même dans le cas d’un oui, un massage peut devenir violent, un compliment peut devenir creepy, et l’amour n’est certainement pas de bon augure. Quand les mots arrivent, ce n’est que pour se crier des bêtises à propos de graines de croquette sur le sofa, dispute style Homa. Il faut mettre de la musique pour parvenir à rendre ça beau. Quand les danseurs apparaissent en costumes de bal, la tension monte. Ils ont beau avoir l’air civilisé, on n’est pas dupé par leur robe et leur nœud papillon. On sent la noirceur bouillir sous la surface. Ce ne sont que des singes en costume. Watch out. Je suis un autre 3-7 avril à 20h Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 28$ / Réduit : 23$
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La vidéo et les photos promotionnelles de Pow Wow, le nouveau spectacle de Dany Desjardins, nous avait laissé entendre que le jeune chorégraphe se lançait dans une nouvelle direction. La première l’a confirmé. Bien que le travail de Desjardins demeure toujours aussi léché sur le plan visuel, le corps de ses interprètes n’est plus aussi étrange et animal, tel qu’il l’était sous les importantes contraintes physiques que le chorégraphe leur faisait subir. Bien que contrainte il demeure. Le corps des quatre femmes de Pow Wow (Isabelle Arcand, Geneviève Boulet, Claudine Hébert, Esther Rousseau-Morin) est le récipient constant du beat de la musique. Même dans le travail de partenaire, parfois complexe, elle le conserve. Mais bien que Desjardins démontrait déjà des influences de la culture populaire dans ses œuvres précédentes (les films d’horreur dans All vilains have a broken heart, par exemple), ici les références, nombreuses, sont d’un tout autre ordre. Dès la première image – une jeune femme étendue sur le sol, les yeux cachés derrière une cascade de fils blancs, une boule de verre dans la main – on reconnaît l’influence du fashion. D’ailleurs les costumes sont aussi de Desjardins, dont les talents sont clairement multiples. Les costumes sont élégants, et juste assez malcommodes pour les élever au-delà du quotidien. Le talon haut est aussi de mise, et il grince contre le sol comme une lame de patin contre la glace. L’une des danseuses est enrobée de dentelle noire, mais la longueur de ses jambes demeure exposée. On dirait Little Edie de Grey Gardens. Encore une fois, cette semaine la salle du Théâtre La Chapelle a été tournée d’un quart. La scène s’en trouve donc moins profonde et plus longue. Comme le podium pour un défilé de mode. L’éclairage rectangulaire accentue l’effet. On pourrait parler de femmes-objets, mais un détail nous en empêche : les yeux des quatre danseuses sont recouverts, de sorte qu’elles peuvent nous voir, alors qu’il est impossible pour le spectateur de voir leurs yeux à elles. Elles sont des sujets. Quant au mouvement, au-delà des poses fashion, les influences de la danse urbaine (le voguing et le waacking, entre autres) viennent solidifier cette culture pop. Les bras se démènent comme ils le font rarement en danse contemporaine. On a même le droit a quelques battles, où l’interaction entre les interprètes révèlent plus de respect que d’antagonisme, tout en demeurant froide malgré le contact physique. On se croirait dans un club où tout le monde sait danser, mais où nous sommes empêchés de se joindre à eux. Ça pourrait en frustrer quelques-uns. Desjardins semble vouloir satisfaire les sens, mais c’est plutôt mon cerveau qui s’en est trouvé stimulé. C’est que beaucoup de la danse mise en scène est habituellement pratiquée en communauté ou même en privé. C’est la transition qu’elle subit pour devenir spectacle qui soutient l’intérêt, même lorsque les résultats de l’expérience sont moins convaincants. Martin Bélanger avait fait subir un traitement similaire à la danse privée dans son mémorable Spoken Word/Body, avec une esthétique bien différente, évidemment. On pourrait aussi faire des liens avec les rituels fashion de Thierry Huard ou les déhanchements assumés de Dana Michel. En fait, Desjardins et Michel citent tous deux le documentaire Paris Is Burning comme source d’inspiration. Il reste à voir si Desjardins saura parfaire ses nouveaux sujets autant qu’il y avait réussi avec ses anciens. Pow Wow 25-29 octobre à 20h Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 28$ / Réduit : 23$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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