Local Gestures
because the personal is cultural
Je suis critique de danse parce qu’il y a huit ans j’ai eu la chance de voir Carol Prieur incarner les dessins d’Henri Michaux. Aujourd’hui, ce sont les douze danseurs de la Compagnie Marie Chouinard qui se prêtent à l’exercice. Malgré les centaines de spectacles de danse que j’ai vus entre ces deux moments, l’effet demeure saisissant. Tentative d’explication. Henri Michaux : Mouvements Chouinard et ses danseurs font une lecture littérale des dessins à l’encre de Chine des Mouvements de Michaux. Non. Impossible. Ils font une traduction littérale de ses dessins. Mot à mot. Dessin à danse. D’un médium à un autre. Tout ne peut être qu’interprétation. Ce travail de traduction infuse la chorégraphie de positions, de mouvements inhabituels. Rien n’est, ne peut être littéral. Pour suivre ces instructions au pied de la lettre, il faut faire preuve d’imagination. C’est ça, la danse. À partir de contraintes, trouver des solutions créatives à travers le corps. Le corps est souvent perçu comme étant la prison de l’âme. La danse le nie. Elle lui donne sa liberté. Sans lui, rien. La prison, c’est le non-être; le non-corps. Mais, oui, lecture il y a. Lecture dans le corps. La course effrénée, de gauche à droite, de haut en bas, pour suivre l’ordre des dessins sur la page. Le temps de tourner la page : la brève attente, l’anticipation. What next? Le désir de lire. Gymnopédies Chouinard sort les Gymnopédies d’Erik Satie des annonces de salon funéraire et les emmène dans le Jardin d’Éden. Début de cocons; naissance des danseurs, nus. Des pointes, des jambes écartées, des genoux formants des angles de 90 degrés, un pont humain, une image rappelant bODY-rEMIX/les vARIATIONS gOLDBERG, autre œuvre de la chorégraphe. Parade de séduction avec une certaine dose d’autodérision. Merci, nez de clown! Danse animale, rituel d’accouplement, ébats amoureux, d’abord très hétéro, très sexuel, comme c’est souvent le cas chez Chouinard. La lumière comme fruit défendu : les danseurs sont vus, comme ils l’étaient déjà; ce qui change, c’est qu’ils voient qu’ils sont vus. La perte de l’innocence. Ils se cachent sous leurs couvertures. Retour au cocon. Renaissance qui demande qu’on renouvelle notre regard, qu’on se défasse de nos attitudes face à la nudité, au sexe, de notre fausse pudeur catholique. Rideau. Non. Fausse fin. Série de fausses fins. C’est drôle. Je me disais que les danseurs, qui ont dû apprendre à jouer les Gymnopédies au piano, doivent être écœurés de les entendre. C’est la version mélancolique de la chanson qui ne finit plus. Ce semble à propos que le spectacle ne finisse plus non plus. 31 octobre-2 novembre à 20h Théâtre Maisonneuve www.dansedanse.ca 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 34$
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Salves, Maguy Marin (Danse Danse) Septembre 26-28 Because last time Marin was in town, it was back in 2007 with Umwelt, which still holds as one of the best shows performed in Montreal this past decade. Prismes, Benoît Lachambre (L’Agora de la danse) October 16-19 Because Lachambre made quite the comeback last year with Snakeskins, his best show in years. Henri Michaux: Mouvements + Gymnopédies, Marie Chouinard (Danse Danse) October 31-November 2 Because Chouinard’s last show, LE NOMBRE D’OR (LIVE), is the one that has had the biggest impact on me since performer Carole Prieur first translated Henri Michaux’s drawings into dance back in 2005. We can only imagine what it will be like when all the dancers of the company will follow in her footsteps. Cuire Le Pain De Nos Corps, Sarah Dell’ava (Tangente) November 21-24 Because Dell’ava is probably the most intelligent mover in Montreal. LA VALEUR DES CHOSES, Jacques Poulin-Denis (Lachapelle) January 21-25 Because Poulin-Denis manages to expose the absurdity of human life while remaining funny and touching. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) January 30-February 2 Because Kefirova is one of the few choreographers in Montreal who knows how to deal with video in live performance. The adaptation project, Michael Trent (L’Agora de la danse) February 12-14 Because the last time Trent was in Montreal, he surprised everyone by being as conceptual as he was playful. Reviens Vers Moi Le Ventre En Premier, Annie Gagnon (Tangente) February 27-March 2 Because she’s one of the few choreographers in Montreal who’s not afraid to be serious. Mayday remix, Mélanie Demers (Usine C) March 12-14 Because, with just a few works, Demers has managed to establish herself as one of the most consistently good dancemakers in Montreal and it will be a treat to see her revisit her past works before moving on to the next artistic stage in her career. Mange-Moi, Andréane Leclerc (Tangente) March 20-23 Because Leclerc’s contortionism isn’t just a circus trick; it’s a philosophy that allows her to approach and explore space differently. http://dansedanse.ca/DDA_1314/en/ http://www.agoradanse.com/en http://tangente.qc.ca/ http://lachapelle.org/ http://www.usine-c.com/ Leatherface, Michael Myers, Les yeux sans visage… Des masques qui fendent le visage en deux, exposant des bouches qui s’ouvrent sans communiquer. Des masques beiges dans un monde beige. Des perruques de tapis blond angora. Une douzaine de ces figures androgynes. Elles sont inquiétantes, étranges, voire étrangères. Comme les extra-terrestres de Solaris, leurs motifs sont indevinables, et ce malgré la multiplicité des perspectives offertes sur l’action : des spectateurs des trois côtés de la scène, le quatrième côté même révélé par la vidéo live projetée sur cinq écrans (tournées d’un quart pour épouser des proportions plus humaines), et une plateforme qui s’étend de douze mètres dans le public. La chorégraphe Marie Chouinard a le don de créer des petits univers autonomes, et encore une fois elle y réussi avec brio pour LE NOMBRE D’OR (LIVE). Ses créatures s’étendent sur le sol et l’écho de leurs rires collectifs atteint presque le gémissement, alors que leurs corps se dandinent tels des ressorts gélatineux. Pourquoi rient-elles? Impossible de savoir. Au milieu de lampes industrielles (fashion) qui les éclairent de près, les danseurs se transforment à l’aide de masques un peu plus grands que nature en une armée de… Stephen Harper. Ça s’avère plus drôle qu'effrayant, peut-être parce que ce n’est pas sans rappeler les méthodes d’animation cheap de South Park. Avec leurs motifs obscurs, ces figures font aussi penser à des émissions plus appropriées pour les enfants, avec leurs bonhommes souvent incompréhensibles. J’ai même écrit « teletubbiesque » dans mes notes. Un revirement s’enclenche lorsqu’ils reviennent à leur masque initial, mais orné de lunettes noires et d’oreilles démesurées. Des mots s’échappent de leurs bouches. Pas des phrases, mais des mots, tout de même. Ça les rend un peu moins étrange, un peu plus humain. Ils sont aussi plus reconnaissables dans leur sexualité grandissante, dans ces expressions d’extase alors qu’un baiser se matérialise, qu’une main caresse l’entre-jambe. Sans son masque, le danseur James Viveiros peut être identifié. Il porte toutefois une longue perruque blonde qui s’étend jusqu’à sa taille. Avec ses expressions faciales démentes, c’est assez pour causer des flashbacks de Killer BOB dans Twin Peaks. Les ventres aussi se contorsionnent, se refoulant contre la colonne vertébrale pour révéler les côtes des interprètes. Un couple n’arrive pas à être heureux en même temps. Elle rie quand il pleure, et vice versa. Le malheur des uns… Et elle pleure, tout en performant des stepettes de ballet, de danse de club, de claquette. Et c’est comique, parce que c’est qu’on ne voit jamais; c’est la job de l’interprète d’offrir une performance qui voile son état d’âme réel. Pour le spectacle. Sous l’œil de danseurs arborant des masques de personnes du troisième âge, Carol Prieur se pointe, sans déguisement. Les lignes de ses jambes démontrent sa dextérité, mais elles ne cessent de sautiller sur le plancher. Elle pourrait être en plein contrôle, si son corps n’était pas si plein de drame. Elle est ce qu’il y a de plus humain dans tout le spectacle. C’est bouleversant. C’est sous des masques de bébés que les danseurs finissent le spectacle, nus comme des vers. Avez-vous déjà vu des bébés? Ça crie, ça rie, ça pleure… Allez savoir pourquoi. Quand j’y pense, ce ne sont pas les extra-terrestres de Solaris qui sont incompréhensibles. Ce sont les êtres humains. LE NOMBRE D’OR (LIVE) 24-26 novembre à 20h Théâtre Maisonneuve, Place des Arts www.dansedanse.net 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 29,50$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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