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because the personal is cultural
Le cinéma est le «bizarro» du monde de l’art, le médium commercial. Si «le médium est le message,» le message du cinéma est «je suis dispendieux,» de sorte que c’est souvent l’argent qui y est mis de l’avant (qu’on parle de film à petit ou à gros budget, ou encore de succès ou d’échec au box-office), relayant l’art à l’arrière-plan. Le cinéma se nivelle donc constamment vers le bas à la recherche d’un public potentiel. Ici, je ne parle pas d’élitisme. Ce n’est pas le public qui tue l’art mais bien la possibilité d’un public; c’est-à-dire que l’art commence à mourir du moment que l’artiste croit que s’il fait certains choix plutôt que d’autres, il pourrait ainsi trouver un public. L’art n’est donc que rarement un but au cinéma (s’il en était le but, on choisirait un autre médium, un moins dispendieux*), mais plus souvent qu’autrement un accident. Le cinéma est le «bizarro» parce qu’il est généralement d’une telle médiocrité qu’il crée un univers parallèle où les mauvais films sont ironiquement meilleurs que les bons films. C’est que les films minables sont truffés d’accidents.
Le bon film n’est pas un film artistique mais un film artisanal. Il est un film «bien produit» mais qui ne produit rien. À l’inverse, dans le film «mal fait», le chaos, la vie est partout. Le film minable craque de partout. That’s how the light gets in. «Certains détails pourraient me ‘poindre’,» écrit Roland Barthes. «S’ils ne le font pas, c’est sans doute qu’ils ont été mis là intentionnellement par le photographe.» Dans le film minable, le cinéaste est constamment mis dans la position où il doit filmer l’objet partiel s’il désire l’objet total. Par exemple, s’il veut le dialogue, il n’a pas le choix de filmer le mauvais jeu de l’acteur par le fait même. Du point de vue du spectateur, le dialogue n’est qu’un prétexte. (C’est la banane mise dans le chemin de l’acteur.) Il est une manière d’occuper l’acteur à une tâche (il croit qu’il est en train de jouer un rôle) alors qu’on est plutôt en train de le filmer à faire autre chose (être incapable de jouer un rôle). On utilise cette tactique à outrance dans la télé-réalité, mais aussi dans le documentaire ethnographique Pour la suite du monde, pour lequel les cinéastes ont demandé à la population d’un village de se prêter à la pêche aux marsouins, une excuse pour les filmer, et l’ont ensuite filmée à faire à peu près tout sauf pêcher le marsouin. Le film minable à petit budget relève de l’art primitif. Devant un décor en carton, j’observe des adultes faire semblant, jouer comme des enfants, raconter une chasse aux mammouths fictionnelle. Ceci n’est ironiquement jamais plus évident que dans le film de science-fiction, avec ses green screens et ses décors en papier mâché. Écoutant un épisode de Star Trek, je m’entends penser «Que sont-ils en train de prétendre qu’il se passe?» Le film de science-fiction révèle plus souvent qu’autrement son manque d’imagination. Aussi futuriste peut-il tenter d’être, il n’arrive jamais à transcender la culture de sa propre époque, qu’on parle de mode, de sexisme ou de racisme, par exemple. *À voir comment les artistes se sont accaparés de la vidéo beaucoup plus que du film.
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. Archives
April 2020
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