Local Gestures
because the personal is cultural
Leatherface, Michael Myers, Les yeux sans visage… Des masques qui fendent le visage en deux, exposant des bouches qui s’ouvrent sans communiquer. Des masques beiges dans un monde beige. Des perruques de tapis blond angora. Une douzaine de ces figures androgynes. Elles sont inquiétantes, étranges, voire étrangères. Comme les extra-terrestres de Solaris, leurs motifs sont indevinables, et ce malgré la multiplicité des perspectives offertes sur l’action : des spectateurs des trois côtés de la scène, le quatrième côté même révélé par la vidéo live projetée sur cinq écrans (tournées d’un quart pour épouser des proportions plus humaines), et une plateforme qui s’étend de douze mètres dans le public. La chorégraphe Marie Chouinard a le don de créer des petits univers autonomes, et encore une fois elle y réussi avec brio pour LE NOMBRE D’OR (LIVE). Ses créatures s’étendent sur le sol et l’écho de leurs rires collectifs atteint presque le gémissement, alors que leurs corps se dandinent tels des ressorts gélatineux. Pourquoi rient-elles? Impossible de savoir. Au milieu de lampes industrielles (fashion) qui les éclairent de près, les danseurs se transforment à l’aide de masques un peu plus grands que nature en une armée de… Stephen Harper. Ça s’avère plus drôle qu'effrayant, peut-être parce que ce n’est pas sans rappeler les méthodes d’animation cheap de South Park. Avec leurs motifs obscurs, ces figures font aussi penser à des émissions plus appropriées pour les enfants, avec leurs bonhommes souvent incompréhensibles. J’ai même écrit « teletubbiesque » dans mes notes. Un revirement s’enclenche lorsqu’ils reviennent à leur masque initial, mais orné de lunettes noires et d’oreilles démesurées. Des mots s’échappent de leurs bouches. Pas des phrases, mais des mots, tout de même. Ça les rend un peu moins étrange, un peu plus humain. Ils sont aussi plus reconnaissables dans leur sexualité grandissante, dans ces expressions d’extase alors qu’un baiser se matérialise, qu’une main caresse l’entre-jambe. Sans son masque, le danseur James Viveiros peut être identifié. Il porte toutefois une longue perruque blonde qui s’étend jusqu’à sa taille. Avec ses expressions faciales démentes, c’est assez pour causer des flashbacks de Killer BOB dans Twin Peaks. Les ventres aussi se contorsionnent, se refoulant contre la colonne vertébrale pour révéler les côtes des interprètes. Un couple n’arrive pas à être heureux en même temps. Elle rie quand il pleure, et vice versa. Le malheur des uns… Et elle pleure, tout en performant des stepettes de ballet, de danse de club, de claquette. Et c’est comique, parce que c’est qu’on ne voit jamais; c’est la job de l’interprète d’offrir une performance qui voile son état d’âme réel. Pour le spectacle. Sous l’œil de danseurs arborant des masques de personnes du troisième âge, Carol Prieur se pointe, sans déguisement. Les lignes de ses jambes démontrent sa dextérité, mais elles ne cessent de sautiller sur le plancher. Elle pourrait être en plein contrôle, si son corps n’était pas si plein de drame. Elle est ce qu’il y a de plus humain dans tout le spectacle. C’est bouleversant. C’est sous des masques de bébés que les danseurs finissent le spectacle, nus comme des vers. Avez-vous déjà vu des bébés? Ça crie, ça rie, ça pleure… Allez savoir pourquoi. Quand j’y pense, ce ne sont pas les extra-terrestres de Solaris qui sont incompréhensibles. Ce sont les êtres humains. LE NOMBRE D’OR (LIVE) 24-26 novembre à 20h Théâtre Maisonneuve, Place des Arts www.dansedanse.net 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 29,50$
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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