Local Gestures
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Qui ne voudrait pas d’une toile d’araignée? Je ne parle pas dans le coin du plafond de sa chambre à coucher, mais bien comme chambre à coucher. Ou sur scène pour une performance. C’est le fantasme scénique que le chorégraphe Benoît Lachambre s’est permis avec Snakeskins, un quasi-solo qu’il présente en première nord-américaine cette semaine à l’Usine C. De minces câbles s’échappent d’une structure métallique en arrière-scène et s’étendent vers le public. À leur point de rencontre l’œil est incapable de lire l’abondance de lignes qui se confondent. Il se doit de voyager constamment vers l’extérieur pour ressaisir la structure dans son ensemble. Lachambre se trouve à ce centre visuellement saturé, suspendu à la structure métallique par des bandes de cuir attachées au cou de son harnais. Ainsi, il peut se pencher vers l’arrière sans jamais tomber. Il flotte donc au-dessus du sol, les pieds ancrés sur un tuyau, ses bras libres de se dandiner. C’est la rencontre du kink et de l’art. Le danseur offre une performance sentie comme très peu d’interprètes peuvent se le permettre (Gillis, Prieur). Peut-être ceux-ci peuvent se permettre ce genre de performance car ils sont convaincants parce que convaincus. Il y a quelque chose à dire pour l’expérience. Le corps de Lachambre en entier semble réagir à la musique live de Hahn Rowe, être secoué par elle. Le musicien réussit même à faire vibrer la salle en agitant à peine une feuille de métal devant un microphone. Avec abandon, Lachambre se lance dans sa toile d’araignée et se trouve rescapé de sa chute. Les fils le supportent, mais sont difficiles à naviguer. Il doit se battre pour demeurer en équilibre alors qu’il escalade leur verticalité. S’en suit une longue respiration (les pièces de Lachambre en sont souvent saupoudrées) où le chorégraphe abandonne sa toile pour s’adonner à la performance en avant-scène. « C’est le temps d’une transition! », il s’exclame, la tête cachée sous un ballon de basket muni d’un micro. Mais c’est bien dans l’exploration de son dispositif scénique que le spectacle trouve sa force. Vers la fin du spectacle, les cordes se relâchent et Lachambre les secouent vigoureusement. Dans la noirceur, des faisceaux de lumière fragmentent les fils en points lumineux dansant. Et, sur les bras, les poils se dressent. 10-12 octobre à 20h Usine C usine-c.com 514.521.4493 Billets : 28$ / 30 ans et moins : 22$
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Peu de chorégraphes au Québec ont un style aussi unique que Daniel Léveillé. Comme on peut le voir dans le solo d’Emmanuel Proulx dans la nouvelle pièce Solitudes Solo, Léveillé élargit quelque peu son vocabulaire, mais conserve une cohérence à travers l’isolation des mouvements. Le chorégraphe pousse toujours ses interprètes aux limites de la difficulté, là où la grâce n’est plus dans l’air de la facilité, mais dans l’effort requis pour tout simplement se tenir debout. Dès le premier solo, le danseur Justin Gionet doit sauter le plus loin qu’il peut d’une position statique à une autre. La distance couverte est minimale malgré l’effort déployé. Le poids de l’interprète se trouve aussi souvent ancré dans un seul pied alors qu’il se démène pour demeurer en équilibre. Suit Manuel Roque, qui épouse à son tour des positions empreintes de symétrie. Entre chacune d’entre elles, le corps s’immobilise, respire. D’une position statique, il saute et exécute un tour complet. Il y avait un bail que Léveillé avait fait porter des chandails à ses danseurs. Avec ce nouveau choix, c’est la musculature des jambes qui est soulignée. Avec Gaëtan Viau, c’est dans les positions accroupies que le travail des cuisses peut être remarqué. À l’opposé, ses membres s’étirent vers les quatre coins de la salle, le transformant en homme-étoile. Au retour de Gionet, on remarque qu’il est difficile pour l’interprète de retrouver son équilibre à la fin d’un mouvement précisément parce que la fin demandée est si abrupte. Aussi, on trouve ici moins d’humour fortuit. Avec Lucie Vigneault, on retrouve la géométrie dans la création des formes tracées par le mouvement. Par contre, on aperçoit ici une nouveauté pour Léveillé : des expressions faciales. Il arrive même que Vigneault ait l’air d’être sur le bord d’un précipice. C’est sur la musique de Bach que ces soli s’enfilent, sauf pour le dernier, où Viau doit se contenter d’un cover folk pop merdique de « Somewhere Over the Rainbow » d’Israel Kamakawiwo’ole, comme si Léveillé voulait prouver que c’est de la musique classique dont sa danse a besoin. Et il a raison. www.agoradanse.com www.danielleveilledanse.org |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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