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Une pâle luminosité bleue et verte avec un point noir au centre. Le point s’étire et devient ligne qui se dandine, comme si c’était une image télévisuelle et que les lignes de scan venaient l’entrecouper trente fois par seconde. On pourrait même parler de graphisme, mais en fait c’est une pièce de danse (et peut-être – de façon encore plus importante – de lumière) du Japonais Hiroaki Umeda, Haptic. En parler en termes de danse pourrait toutefois donner une mauvaise impression de son expérience perceptuelle. Mais quand même… Le mouvement d’Hiroaki Umeda est ici très influencé par le hip-hop, plus particulièrement le locking dans son isolation des différentes parties du corps, entremêlé d’une fluidité aquatique appropriée pour la palette de couleurs de l’éclairage. Du hip-hop, on retrouve aussi la précision dans la synchro du mouvement avec le son. Tout ça est toutefois très stationnaire. Ses jambes bougent beaucoup, mais elles ne vont nulle part. Il y a donc une certaine redondance chorégraphique. La danse s’efface aussi pour son deuxième solo, Holistic Strata, dans lequel la vidéo est au premier plan. Les projections tombent sous lui, derrière lui, et l’enveloppent. Il n’est plus qu’une forme humaine dont les traits sont effacés par les images : un ciel de nuit plus étoilé que noir, parfois si rempli d’étoiles qu’il bascule lui aussi dans l’image télévisuelle, la statique. Parfois, ces points blancs bougent si vite qu’elle nous soumet à une illusion d’optique. Hiroaki Umeda semble bouger, mais en fait il est immobile. C’est comme lorsque, couchés sur le dos, nous regardons le ciel. Ce sont les nuages qui bougent, mais par moments, notre cerveau nous ment et les perçoit comme statiques; alors, les buildings deviennent récipients du mouvement et ils semblent tomber sur nous. Ce sont dans ces moments d’excès visuel qu’Hiroaki Umeda est à son meilleur. Chorégraphiquement, c’est mieux quand il en fait le moins possible, quand il devient comme ces buildings immobiles contre lesquels le ciel peut jouer sur notre perception. Car, malgré la danse, Haptic et Holistic Strata ne sont pas des expériences viscérales du corps, mais esthétiques et sensorielles de la perception. Haptic / Holistic Strata 19-21 avril à 20h Usine C usine-c.com 514.521.4493 Billets : 35,32$ / 30 ans et moins : 26,24$
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Qui amène leur bébé à un spectacle de danse contemporaine? Je n’arrête pas de les maudire dans ma tête chaque fois que les petits criss ouvrent la bouche. Pardon. Fausse alarme. Ce ne sont pas des bébés, mais les danseurs Dany Desjardins et Caroline Gravel. Ils naissent sur scène en se dandinant au sol, à moitié nus comme des demi-vers, mais contorsionnés comme des vertébrés. De la noirceur vers la lumière, ils rampent. Apparemment, la naissance est l’une des expériences les plus traumatisantes de notre vie. Avez-vous déjà vu des gens sous hypnose qui reconstituent leur naissance? C’est assez convaincant comme argument. Freud serait content de regarder ça sur YouTube. Dès sa sortie de l’école, la chorégraphe Catherine Gaudet s’est attaquée à des thèmes matures. Elle continue dans la même voie avec Je suis un autre, son nouveau duo présenté au Théâtre La Chapelle. Avec son humour noir, elle trouve le rire dans la violence. Desjardins et Gravel se retrouvent assis face à face et se poussent l’un l’autre au sol en balançoire, comme si un seul pouvait vivre à la fois. Avec Gaudet, pas besoin de vœux de mariage, nous sommes pognés ensemble de toute façon, pour le meilleur et pour le pire. La vie, c’est un carambolage humain. Les personnages sont des brutes émotionnelles, incapables d’articuler (d’être articulées?) intelligemment, à la limite du cartoon. Si Desjardins réussit à dire « Prends-moi », c’est à personne, mais en espérant peut-être que quelqu’un entende, incapable d’assumer ses désirs. S’il le disait à quelqu’un, il y aurait la chance d’un non. Même dans le cas d’un oui, un massage peut devenir violent, un compliment peut devenir creepy, et l’amour n’est certainement pas de bon augure. Quand les mots arrivent, ce n’est que pour se crier des bêtises à propos de graines de croquette sur le sofa, dispute style Homa. Il faut mettre de la musique pour parvenir à rendre ça beau. Quand les danseurs apparaissent en costumes de bal, la tension monte. Ils ont beau avoir l’air civilisé, on n’est pas dupé par leur robe et leur nœud papillon. On sent la noirceur bouillir sous la surface. Ce ne sont que des singes en costume. Watch out. Je suis un autre 3-7 avril à 20h Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 28$ / Réduit : 23$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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