Local Gestures
because the personal is cultural
Nous étions indéniablement à un spectacle présenté par Danse Danse hier puisque nous nous trouvions à la Place des Arts et que l’odeur de la sueur saturée d’alcool envahissait nos narines. Comme pour la plupart, c’était pour voir The Seasons d’Édouard Lock dansé par la São Paulo Companhia de Dança, puis potentiellement Mamihlapinatapai de Jomar Mesquita et Gnawa de Nacho Duato.
Pas de surprises du côté de Lock. On reconnait sa signature des dernières années, les jambes sportives du ballet mariées à la gesticulation des bras. Les mains paraissent tantôt délicates lorsque le poignet se fracture pour former un angle obtus au bout de bras s’étirant à quarante-cinq degrés, tantôt aériennes alors qu’une femme allonge ses bras et qu’un homme la fait pivoter sur une pointe. De façon similaire, les bras se transforment en ailes lorsqu’une danseuse est soulevée par deux hommes et que ses bras fouettent l’air jusqu’à en devenir des triangles translucides. Les mains se font moins angulaires dans leur interaction avec le visage, le caressant au passage, mais parfois donnant plutôt l’impression de quelqu’un essayant de chasser une mouche. Difficile de ne pas percevoir une certaine vanité dans ces mains constamment attirées par sa propre tête, comme si les danseurs étaient toujours en train de se lécher les cheveux ou de se poudrer. Les jambes arborent des airs militaires lorsqu’elles demeurent collées lors de sauts, conférant aux danseurs l’apparence de casse-noisettes. L’œil est attiré par l’extension du corps sur pointe, par la raideur qui fait glisser l’humain vers l’objet. L’athlétisme des danseuses n’est sûrement jamais plus évident que dans les sections où les hommes manipulent leurs jambes, une main posée sur leur cuisse, avec la même aisance que s’il s’agissait d’un bras. Superbe trouvaille que ces petits bondissement sur pointes avec les genoux légèrement fléchis qui donnent aux femmes des allures de gazelles. La connexion entre les danseurs n’est jamais plus que physique. Chaque interaction n’est que calcul pour composer différentes configurations purement esthétiques. On peut observer les danseurs attendre le moment pour insérer leur mouvement dans celui de leur partenaire. Les costumes noirs des danseurs les effacent partiellement dans la pénombre. L’éclairage tombe du plafond, ne rendant visible que les lignes des bras, des épaules et du visage. On peut aussi voir le torse nu des hommes et les pointes des femmes, blanches. Par moments, la disparition des jambes crée l’illusion de trois torses fantomatiques qui flottent vers nous. Les hommes semblent plus incarnés, entre autres parce que leurs torses sont visibles, mais aussi parce qu’ils sont plus autonomes dans leur mouvement. Avec quelques cinq cents cues d’éclairage pour une pièce qui dure cinquante minutes, les nombreux changements de lumière donnent l’impression que les corps se déplacent dans l’espace sans avoir à se déplacer dans le temps. Avec leurs déplacements incessants – parfois même gratuits – les danseurs semblent souffrir d’un trouble du déficit de l’attention, courant vers les faisceaux des projecteurs seulement pour oublier ce qu’ils devaient faire une fois rendus. Malgré la qualité indéniable de l’œuvre, il m’est difficile de percevoir la valeur de la vitesse dans un monde déjà soûlé à la rapidité. The Seasons était suivi de l’hétérosexuel Mamihlapinatapai (pour lequel les hommes portaient des chandails avec une seule manche, parfaits pour ces journées où on n’arrive pas à déterminer s’il fait chaud ou froid) et du rédempteur Gnawa. São Paulo Companhia de Dança 28-30 avril à 20h www.dansedanse.ca 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 36.75$
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Lors d’un récent passage à la Passerelle de l’UQAM, j’ai remarqué Antoine Turmine dans Suicide intellectuel, un solo pour lequel il passait la majorité de la pièce à écrire sur le plancher à la craie dans une obscurité qui rendait son écriture pratiquement illisible. Après avoir dansé pour bon nombre de chorégraphes au cours des différentes éditions de la Biennale de Gigue Contemporaine (BIGICO) – dont Lük Fleury, Nancy Gloutnez et Jean-Philippe Lortie – Turmine présentera pour la première fois une pièce de gigue contemporaine de son propre cru pour la toute première édition du OFF BIGICO. Je me suis entretenu avec lui moins de deux semaines avant la première.
Quel est ton parcours? Je danse depuis que j’ai dix ans. J’ai commencé dans un ensemble folklorique qui s’appelle Mackinaw, à Drummondville. Des danses du monde… Si tu montes les échelons, tu travailles la gigue en particulier. J’ai dansé là une dizaine d’années, puis en 2010-2011, je me suis intégré à la compagnie Zogma à Montréal. À partir de là, je me suis ouvert à la danse et à la gigue contemporaines. J’ai fait un baccalauréat en danse à l’UQAM et maintenant je fais la maîtrise. Qu’est-ce que tu retires de la gigue que tu ne trouves pas en danse contemporaine? Je vais être bien franc : rien. C’est plus un cadre de travail que je m’impose, versus n’importe quel artiste peut faire n’importe quoi en danse contemporaine. C’est ce qui est le fun aussi. En gigue contemporaine, c’est de dire « Voyons ce qu’on peut faire à partir du matériau qu’est la gigue. » Comment as-tu emmené la gigue dans le contemporain pour le OFF BIGICO? Qu’est-ce que tu travailles? Ayant souvent été interprète, j’ai toujours été intrigué par le fait qu’on demande aux artistes d’être précis au niveau sonore en gigue traditionnelle. On veut une clarté dans le son. Je me suis toujours posé la question « Pourquoi c’est si important? C’est quoi le défaut de faire des bruits parasites? » [Avec le OFF BIGICO,] j’ai l’opportunité de faire un laboratoire, de me péter la gueule et que ce ne soit pas grave. C’est juste de proposer quelque chose; on se fout du résultat. Donc je me suis dit, « Je vais explorer le bruit; voir si on peut organiser ce qui est parasite normalement de manière à ce que ça fasse une certaine musicalité et un rythme quelconque, et que ça devienne intéressant pour le spectateur. » Il y a toujours deux affaires qui m’intéressent, et c’est pour ça que je m’intéresse à la danse contemporaine : la dynamique du mouvement et le son qui est produit. Le bruit est quelque chose qu’on met de côté alors que ça nous ouvrirait peut-être un pan de la gigue qu’on n’explore jamais parce qu’on ne se le permet pas comme ce n’est pas inscrit dans notre patrimoine de gigueur. Est-ce qu’il y a des bruits en particulier qui ressortent? J’aime bien tout ce qui est un genre de frotté, de glissé du pied au sol, qui permet beaucoup plus de subtilité au niveau des nuances sonores. Si je fais un mouvement qui est dynamique, je peux aller dans quelque chose qui est impulsif, continu… Je peux faire la même chose avec un glissé, un frottement. Je peux rajouter une variante à ce frottement-là, ce qui est beaucoup plus difficile à faire sur un son qui est précis. Avec un son qui est précis au sol, tu as un son qui va rester (aigu) et un son qui va s’ouvrir (sourd). Quand tu le fais glisser, tu as une emprise sur la temporalité de ce son-là. Ça permet plus de possibilités. C’est cliché, mais ça me fait penser à John Cage, 4’33” en particulier. Tant qu’à être dans ce type d’influence, je te dirais plus que c’est Pierre Schaeffer. Il est beaucoup plus dans l’objet sonore. Il donne une intention au son. C’est ça qui fait qu’on le hiérarchise, qu’on lui donne une importance dans la composition musicale. Donc c’est un peu de la musique concrète pour gigueur que tu fais. De la manière dont tu parles, ta préoccupation est plus musicale que visuelle… Ça peut sembler comme ça, mais ce n’est pas le cas. Je travaille seul – c’est un solo que je fais – et je me filme lors des répétitions pour avoir une idée d’à quoi ça ressemble et de comment ça sonne aussi. En regardant ce que ça fait, je me rends compte qu’on s’attarde beaucoup plus au mouvement des pieds que si je faisais une gigue traditionnelle, que si je faisais des sons clairs et que c’était des séquences. (En gigue, c’est souvent des séquences qu’on fait.) Là, on dirait qu’il y a un travail différent du corps. Juste pour garder l’équilibre pour produire ces sons-là, ça demande une organisation spéciale du corps et on voit bien les dynamiques des jambes. Je trouve ça intéressant au niveau du mouvement aussi. Ce n’est pas juste sonore. Est-ce que la recherche que tu fais à l’UQAM influence ce que tu fais en gigue contemporaine? Un peu, parce que ça m’a intéressé le bruit que ça faisait quand j’écrivais avec la craie [dans Suicide intellectuel]. Mais c’est la seule chose qui se recoupe. Je dois t’avouer que j’ai vraiment deux parties de moi qui travaillent toujours, qui se côtoient plus qu’ils ne se fusionnent. D’un côté, j’ai ma pratique de la gigue; de l’autre, j’ai ma pratique en danse contemporaine. OFF BIGICO 8-10 avril www.auxecuries.com 514.328.7437 Billets : 27$ / Étudiant : 19$
MARIE CHOUINARD Il le faut. C’est notre responsabilité de faire vivre nos spectacles plus longtemps. On est obligé. Si on veut vraiment vivre ce bonheur-là de danser nos spectacles plus longtemps, il faut les amener partout dans le monde. Juste jouer dans notre ville natale, ce n’est pas assez. VERSTRICHT Étant donné que vous avez ce privilège, comment vous sentez-vous par rapport à la reprise de Prélude à l’après-midi d’un faune et de Le Sacre du printemps plus de vingt ans plus tard? CHOUINARD On ne les reprend pas; on ne les a jamais lâchés! (rires) Notre Sacre du printemps, ça fait 23 ans qu’on le fait à chaque année. L’après-midi d’un faune aussi. Habituellement, les œuvres que je crée ont la chance de vivre très longtemps. VERSTRICHT Pour vous, c’est une bonne chose, vous n’êtes pas tannée du tout… CHOUINARD Bien non! C’est comme si on disait « La Joconde est-elle tannée de sourire dans son cadre? » (rires) C’est le contraire! Les danseurs aiment danser un grand répertoire de pièces. En ce moment, les danseurs dans ma compagnie sont en Europe et ils font sept chorégraphies différentes pendant la tournée. Ils sont contents. Ils aiment ça. Puis dans une autre tournée, ça va être encore d’autres pièces. C’est le fun. C’est hot de pouvoir danser plein de pièces différentes parce que c’est un répertoire qui a toutes sortes de facettes, d’approches : différentes pièces, différents rôles que les danseurs ont… C’est vraiment excitant pour eux. VERSTRICHT Est-ce qu’il y a une concordance pour vous entre ces pièces qui perdurent et celles que vous voudriez qui perdurent? Est-ce qu’on réussit à prédire celles qui– CHOUINARD Non. C’est bien mystérieux. On ne peut jamais savoir. C’est impossible. À chaque fois que je fais une nouvelle pièce, je me dis, « Peut-être que celle-là ne tournera pas, que personne n’en voudra. Peut-être que moi, je vais l’adorer, mais personne ne va l’aimer. » VERSTRICHT Est-ce qu’il y en a une que vous aimeriez voir revivre? CHOUINARD Oui. J’ai une pièce qui s’appelle LE NOMBRE D’OR… VERSTRICHT J’adore LE NOMBRE D’OR. CHOUINARD Moi aussi, mais elle est compliquée au niveau technique parce qu’il y a un corridor qui s’avance dans le public et je veux du public sur le stage, puis les gens qui l’achètent disent, « Mais là, on ne peut pas vendre nos billets dans la salle… » C’est devenu tellement compliqué pour les producteurs qu’ils ne l’ont presque pas achetée. Au niveau de la scénographie, j’ai fait un design qui n’est pas facile à tourner. C’est plate, hein? (rires) VERSTRICHT Oui, parce que ça mérite vraiment d’être vu. CHOUINARD J’adore cette pièce-là et les danseurs aiment la danser aussi. C’est drôle que vous me parliez de ça parce que je pensais à ça il y a une semaine ou deux, je me disais, « Qu’est-ce qu’on pourrait faire? Est-ce que j’enlèverais le corridor dans le public et le public de sur la scène? » Puis je me suis dit, « Bien non! Ça fait partie de sa beauté toute cette scénographie-là que j’ai faite. » Ça fait que c’est plate. Je ne sais pas ce qu’on va faire. J’espère qu’un jour elle va reprendre la route. VERSTRICHT Étant donné que vos pièces jouent pendant aussi longtemps, est-ce que vous arrivez à dire de façon générale à partir de quel moment une œuvre devient fixe? CHOUINARD C’est pas mal après 2-3 représentations. C’est sûr qu’après le soir de la première, je vais changer des petites choses. Le lendemain de la première ou de la deuxième, je peux couper trois minutes. Je peux faire des gros changements. Les danseurs le savent. Après ça, c’est des détails. C’est sûr que moi, je les trouve importants, mais je ne suis pas sûre que le monde les remarque tant que ça. Ce que j’ai la chance de faire aussi – je mets ça dans mon budget de création – c’est qu’avant de faire ma première mondiale, je m’organise pour faire le spectacle dans un théâtre avec un petit public de rien du tout. Je le fais comme en secret, donc ça me permet de le tester. Par exemple, la première fois que j’ai fait Gymnopédies, c’était en cachette à Miami. Je ne l’ai pas appelé Gymnopédies, je lui ai donné un titre barbare, mais je l’ai testé. (rires) J’ai profité du fait qu’on était là pour dire, « Là, on va faire une pièce un petit peu undercover… » VERSTRICHT Les costumes sont tellement une partie essentielle de vos spectacles, ils colorent tellement la chorégraphie que j’ai l’impression qu’il faudrait qu’ils arrivent assez tôt dans le processus… CHOUINARD Non, ils arrivent à la fin complètement; sauf pour L’après-midi d’un faune parce que je savais dès le début, quand je l’ai créé pour moi, que j’aurais des cornes sur la tête. VERSTRICHT Est-ce que vous vous patentiez quelque chose? Est-ce que vous jouiez avec une sorte de pré-corne? CHOUINARD Oui, je me mettais ça sur la tête, et c’est justement en jouant avec qu’un moment donné j’avais une corne dans mes mains et je me suis rendue compte, « Oh, my God… Si je la mets sur mon pubis, ça fait un phallus. » C’est arrivé de même! Ce n’était pas une idée préconçue. VERSTRICHT Quand on est Marie Chouinard, est-ce qu’il y a encore certains fantasmes de danse qu’on n’a pas réalisés?
CHOUINARD Je n’ai jamais eu de fantasmes. Je ne travaille pas par fantasme. Je travaille par urgence de créer. J’ai des intuitions très fortes de création, puis je crée. Je crée en masse… Je suis en train de créer une pièce pour le ballet de Martha Graham à New York. Je suis aussi en train de peaufiner un duo que j’ai fait pour Les 7 doigts de la main. Je suis tout le temps en train de créer. C’est ça que j’aime faire. VERSTRICHT Si vous êtes dans l’urgence, est-ce que ça veut dire que vous n’avez aucune peur de– CHOUINARD Non, je n’ai pas peur. C’est la joie! (rires) J’ai la création solaire, comme on dit. Je ne suis pas du tout occidentale; je ne vais pas me couper une oreille pour créer. (Je pense à Van Gogh…) Je ne suis pas dans l’angoisse quand je crée. Je suis dans l’action, le bonheur de créer. Je ne dis pas que des fois je ne me retrouve pas peinturée dans un coin à me demander « Qu’est-ce que je fais? Où suis-je rendue? » Mais je sais que, quand tu es dans un coin, il faut que tu recules un peu, puis là tu commences à voir, « Ah… Il y a une porte par là… » VERSTRICHT Quel est votre rapport à la critique? CHOUINARD Je ne les lis pas tellement. VERSTRICHT Pour quelle raison? CHOUINARD Je vais vous dire une réponse que vous allez trouver bizarre… J’ai rarement appris quelque chose. VERSTRICHT Je ne trouve pas ça bizarre du tout. Je trouve ça très intéressant, en fait. CHOUINARD Je préfère avoir une conversation avec un spectateur sur son expérience. Il faut quand même que je dise que des fois des critiques super élogieuses viennent à mes oreilles et ça me fait plaisir. C’est comme quand tes danseurs se font applaudir, quinze rappels… C’est sûr que ça fait plaisir. C’est comme recevoir de l’amour. VERSTRICHT Est-ce votre moment préféré? CHOUINARD Mon moment préféré, c’est de voir mes danseurs sur scène. Je me dis, « Ah… Ils sont tellement bons! » (rires) Je les trouve merveilleux. VERSTRICHT De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? CHOUINARD La danse n’a besoin de rien. C’est nous qui avons besoin de nous grouiller le cul, de créer, de danser. La danse est au-dessus de tout ça. Elle est bien plus grande que nous. Prélude à l’après-midi d’un faune + Le Sacre du printemps 31 mars-2 avril à 20h www.dansedanse.ca 514.842.2112 / 1.866.842.2112 Billets à partir de 36.50$
Je me souviens parfaitement du premier spectacle de danse contemporaine que j’ai vu à l’âge de 18 ans. Il m’a marquée à jamais et a ouvert en moi la conscience que ce qui est désagréable peut s’avérer fantastique et la certitude que ça vaut la peine de rester ouverte aux choses les plus étranges. C’était Zarathoustra de la Compagnie Ariadone de Carlotta Ikeda. Du butō. Je l’ai vu du poulailler de l’Opéra de Montpellier où je faisais mes études à ce moment-là. C’est du butō classique des premières années, avec des corps à moitié nus couverts d’argile blanche, complètement recroquevillés, les membres rétractés, les yeux révulsés… Les danseuses restaient prostrées au sol dans des mouvements minimalistes et je me disais : « C’est quoi, ce foutage de gueule? » Je fulminais. Mais bon, même quand je suis en colère, je ne sors pas de la salle parce que j’ai toujours l’espoir que quelque chose de bon va se passer. Et, effectivement, quelque chose s’est passé. À la fin du spectacle, du sable tombait en pluie fine sur la scène sous des éclairages dorés et subitement, j’ai été éblouie. Pas au sens « flabbergastée », mais profondément touchée. Par quoi? Je n’en savais rien, mais je suis sortie de là tellement sous le choc que j’étais sans voix, les larmes aux yeux. Je savais que quelque chose de merveilleux et de fondamental venait de se produire. C’était en 1981.
Les années 1980-90 en France Avant ça, j’avais adoré Maurice Béjart. J’avais des posters de ses danseurs dans ma chambre. Je me souviens particulièrement de La Flûte enchantée… des belles lignes néoclassiques. Et là, un autre monde s’ouvrait soudain à moi. Cette année-là était la première du Festival Montpellier Danse et j’ai eu la chance d’avoir accès à tous les spectacles parce que mon chum y travaillait comme éclairagiste. J’ai assisté à des spectacles extraordinaires qui m’ont beaucoup marquée comme Carolyn Carlson, avec Blue Lady, ou le Nederlands Dans Theater. Je ne sais plus ce qu’il dansait, mais ça m’avait beaucoup plu aussi. À cette époque, j’allais aux répétitions publiques de la compagnie de Dominique Bagouet et je prenais des cours de danse avec de jeunes chorégraphes professionnels dont je filmais parfois le travail. Dans les années 1990, je suis devenue journaliste et je me suis spécialisée en arts et culture. Je couvrais la danse de temps en temps et participais à des ateliers de médiation culturelle dès que j’en avais l’occasion. J’ai encore en mémoire un fabuleux stage avec Maryse Delente qui est aujourd’hui à la tête du Centre chorégraphique national de La Rochelle… Premiers souvenirs au Québec J’ai immigré au Québec un 26 avril. Le 29, c’était la Journée internationale de la danse et il y avait des cours gratuits un peu partout en ville. J’en ai pris le maximum et me suis rendue à un atelier avec Benoît Lachambre au fin fond d'Hochelaga-Maisonneuve. Le nom me disait quelque chose, mais je ne le connaissais pas. J’y vais, et là, il commence à nous faire danser avec les yeux. Je me dis : « Mais, c’est quoi ce truc? » Je trouvais ça complètement débile et j’ai profité de gens qui quittaient le studio pour filer moi aussi. Aujourd’hui, Benoît fait partie des artistes qui m’intéressent le plus et je donnerais cher pour participer à un de ses ateliers sur l’hyper éveil des sens. Je n’étais juste pas prête. Premières critiques La toute première critique que j’ai faite, c’était La Pornographie des âmes, en avril 2005. Je voyais déjà de la danse depuis longtemps, j’écrivais une chronique d’annonces arts et spectacles dans le journal L’Actualité médicale, mais n’avais jamais fait de critique. J’avais adoré La Pornographie des âmes qui m’avait émue aux larmes et ma critique était très positive. Ensuite, j’ai critiqué de manière plutôt sanglante un spectacle que j’avais trouvé détestable. Je n’y allais pas de main morte à l’époque. Je faisais des effets de style autant pour encenser un spectacle que pour le descendre. Comme beaucoup de jeunes critiques, je manquais de distance, de perspective, et je cherchais à me valoriser avec de belles formules. La critique, ça donne un pouvoir énorme et on peut facilement en abuser. Ça faisait cinq ans que j’avais immigré, j’avais beaucoup écrit en psycho/spiritualité/sociologie dans un magazine alternatif, je voulais me faire une place en danse, mais personne ne me connaissait. J’avais d’ailleurs souvent du mal à obtenir une invitation au spectacle. Et comme j’écrivais dans DFDanse, qui s’adressait surtout aux spécialistes, je ne prenais pas de gants. Ceci dit, si ma façon de dire les choses était critiquable, ma vision était quand même assez juste. Je me souviens que Francine Bernier [la directrice générale et artistique de l’Agora de la danse] m’avait dit : « Oh la la, toi alors, tu es culottée, hein! Mais tu écris noir sur blanc ce que tout le monde pense tout bas. » Cela m’avait confortée dans mes choix, mais je me questionnais quand même sur mon droit de critiquer aussi sévèrement des œuvres et des artistes. Alors je me suis inscrite à une formation sur l’élaboration du discours en danse contemporaine qui était offerte par le Regroupement québécois de la danse. J’y ai acquis des outils qui m’ont aidée à m’améliorer. Plus médiatrice que critique Dans DFDanse, qui était surtout lu par des gens du milieu, je pouvais faire preuve d’une intransigeance qui s’est adoucie spontanément quand j’ai commencé à écrire dans Voir. Je me rendais compte que je m’adressais à un plus grand public et que je ne pouvais pas tenir le même type de discours si je voulais que les lecteurs aient envie d’aller voir de la danse. Parce que mon objectif de base, ça a toujours été de démocratiser la danse et de la promouvoir. Pas de promouvoir des spectacles, comme se l’imaginent beaucoup d’artistes quand ils traitent avec des journalistes, mais de promouvoir la danse. Au fond, je me considère plus comme une médiatrice que comme une critique. J’ai d’ailleurs plutôt pratiqué le journalisme dans une perspective de médiation pour initier le public à la danse contemporaine que dans une perspective d’analyse critique pour faire évoluer la discipline. Le média dans lequel j’écrivais se prêtait bien à ça. Il faut dire aussi que l’appréciation d’une pièce dépend de tellement de facteurs : de la salle, de l’état dans lequel tu es, de ce que tu as vu la veille, du sujet qui résonne ou pas en toi, de toutes sortes d’affaires… Par exemple, La Pornographie des âmes qui m’avait tellement touchée à Tangente, je l’ai revue à l’Usine C et j’en ai vu tous les défauts. Et puis, je suis retournée la voir à la Cinquième Salle et j’ai retrouvé les émotions que j’avais ressenties à la première. Les exigences d’une spécialiste On me demande souvent si je me lasse à force de voir tant de spectacles, si l’intensité de ce que je peux ressentir diminue au fil du temps. Pas du tout! Ce qui diminue, c’est l’intérêt pour certaines formes et ma patience face au travail inabouti. Parce que je trouve qu’au Québec, et c’est ainsi pour toutes sortes de raisons, beaucoup de spectacles sont le résultat d’une recherche mais pas encore vraiment des œuvres. Et forcément, il arrive un temps où je n’ai plus vraiment envie d’aller voir la recherche d’un artiste qui pense avoir réinventé la roue alors qu’il fait ce que des dizaines, voire des centaines, d’artistes ont fait avant lui. Ça arrive particulièrement chez les jeunes artistes qui manquent de culture chorégraphique. J’ai mis longtemps un point d’honneur à aller voir le plus possible toutes les productions, mais ça fait beaucoup de soirées passées au spectacle. Alors aujourd’hui, oui, il y a des artistes émergents que je ne connais pas encore, mais je les découvrirai quand ils seront un peu plus matures et je serai plus réceptive à leur travail. C’est mieux pour moi et pour eux aussi. Je vais au spectacle pour élargir ma conscience, ma perception du monde et de moi-même. C’est pour ça que les œuvres plus mystérieuses ou a priori plus hermétiques m’intéressent : ce sont elles qui m’ouvrent le plus de nouvelles portes. En revanche, je trouve généralement plutôt vides les spectacles en forme de divertissement. J’admets qu’ils sont nécessaires et qu’ils ravissent un certain public, mais pour moi, ils sont stériles. Trouver du sens au-delà de la raison Le sens d’une œuvre de danse n’est pas forcément formulable, il ne passe pas nécessairement par un raisonnement. Je suis sûre qu’il y a des œuvres qui ont pris des années pour se frayer un sens à travers moi et j’ignore peut-être même quelle résonnance elles ont eue en moi parce que je n’ai pas forcément fait le lien entre quelque chose qui avait affleuré à ma conscience et un spectacle vu quelques années plus tôt. Mais je suis convaincue qu’il y a des œuvres qui agissent sur moi de façon durable, qui sédimentent quelque chose de l’ordre du sens et de la conscience au-delà de ma pensée. À ce propos, j’ai réalisé des entrevues avec un psychanalyste et une psychologue dans le cadre d’un article sur l’enfant-spectateur que j’ai écrit en 2015 pour un gros dossier sur la danse jeune public que m’avait commandé le Regroupement québécois de la danse. Je me demandais quel bénéfice il pouvait y avoir pour un enfant à assister à un spectacle de danse. Il en ressort que l’on reçoit la danse en premier lieu avec le corps, que l’abstraction favorise l’ouverture et l’activité de l’imaginaire et que l’enfant est un terreau particulièrement fertile parce qu’il n’est pas encore formaté. Il crée du sens à partir de la danse, qu’elle soit abstraite ou narrative, et cela favorise sa construction identitaire. Pour les adultes, c’est pareil. La danse est une affaire de partage : l’énergie du public nourrit les danseurs sur scène et le regard du spectateur complète l’œuvre. Le quatrième mur est plus poreux qu’on ne le pense. En ce sens, le spectateur n’est pas un simple consommateur de culture. Il est responsable de son corps, de ses perceptions et de son degré d’ouverture à une œuvre. Ça peut paraître un peu ésotérique comme discours, mais pour moi c’est une évidence. Après une formation en danse classique avec Alexandre et Daniel Seillier, Maïgwenn Desbois fait le grand saut vers la gigue contemporaine en interprétant durant une dizaine d'année pour Marie-Soleil Pilette. C'est en 2009 qu'elle présente sa première chorégraphie, Quasispace, choisissant de travailler avec des artistes professionnels différents et marginalisés (syndrome de Williams, syndrome d'Asperger) dans le cadre de la Biennale de gigue contemporaine à Tangente. En 2011 elle présente Dans ta tête et en 2013 Six pieds sur terre, toujours à Tangente. Ces deux pièces sont reprises au festival Vue sur la relève, dans l'espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des arts et au Théâtre du grand Sault. C'est en 2012 qu'elle fonde sa compagnie de danse et gigue contemporaine Maï(g)wenn et les orteils, gigueux atypiques et contemporains, l'amenant à tourner jusqu'en Suisse. Maïgwenn enseigne la danse à des enfants, adolescents et adultes vivant avec différents troubles d'apprentissage (autisme, déficience intellectuelle, syndrome de Williams, trisomie, etc.) en contexte de loisir, mais également à des artistes en formation professionnelle au Centre des arts de la scène Les Muses.
Quel a été ton premier amour en danse? Estelle Clareton lorsqu'elle dansait pour O Vertigo. Aussi Les Ballets Jazz de Montréal dans les années 90, avec Eric Miles, Éric Beauchesne, Cherice Barton, Edgar Zendejas, etc. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel est resté avec toi? Il s'agît plus d'une réaction que d'un commentaire, mais qui m'a beaucoup marquée. Lors d'un tournage en compagnie de Kim Thuy, elle a assisté à un extrait chorégraphique où Anthony, mon interprète Asperger (autisme sans déficience intellectuelle), fait un monologue en dansant. Kim s'est mise à pleurer. Elle lui a ensuite demandé « Mais Anthony, où caches-tu cette voix? » Kim Thuy a un enfant autiste. J'ai alors réalisé tout le chemin qu'avait parcouru Anthony et tout l'impact que cela pouvait avoir de l'amener à s'exprimer ainsi sur scène. De quoi es-tu le plus fière? De constater jusqu'où j'ai réussi à amener mes interprètes et de voir qu'avec de la patience et beaucoup de persévérance, les progressions sont infinies et qu'en fait il n'y a pas de limites. Quel est ton rapport à la critique? Je suis extrêmement exigeante envers moi-même. J'accepte facilement la critique, en tentant toujours d'en tirer le meilleur et en prenant la peine de remettre en question mon travail, mes choix. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? La danse à besoin de chorégraphes et de créateurs qui se mettent réellement en danger, en acceptant d'être eux-mêmes face à l'acte créateur sans tenter de se formater à une esthétique, une mode ou une tendance pour plaire aux diffuseurs ou à un public cible. Si on t’en donnait les moyens, quel fantasme de danse te paierais-tu? Partir en tournée à l'international avec mes interprètes pour aller voir ailleurs dans le monde ce qui se fait de similaire avec des interprètes atypiques. Partager, échanger, se nourrir de ce qui se fait ailleurs. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Le sentiment d'être entendue. Le sentiment de réussir à entrer dans la tête des gens qui voient nos spectacles et de susciter en eux des réflexions et même de modifier leurs perceptions. Avec pas d’cœur 16-19 mars www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Billets : 23$ / Étudiants : 19$ Lara Kramer is an Oji-Cree (Ojibwe and Cree) choreographer and performer whose work is intimately linked to her memory and Aboriginal roots. She received her BFA in Contemporary Dance at Concordia University. Working with strong visuals and narrative, Kramer’s work pushes the strength and fragility of the human spirit. Her work is political and potent, often examining issues surrounding Canada and First Nations Peoples. Kramer has been recognized as a Human Rights Advocate through the Montreal Holocaust Memorial Centre. Her work has been presented at the OFFTA, The First Peoples Festival, Festival Vue Sur la Relève, The Talking Sticks Festival, Canada Dance Festival, The Banff Centre, MAI (Montréal, arts interculturels), Public Energy, Planet IndigenUS, Dancing on the Edge, Tangente, New Dance Horizons, Alberta Aboriginal Arts, The Expanse Movement Arts Festival and Native Earth Performing Arts. Her acclaimed work Fragments, inspired by her mother’s stories of the Indian Residential Schools of Canada, has brought her recognition as one of Canada’s bright new talents. She has been on the faculty of the Indigenous Dance Residency at The Banff Centre.
Why do you move? It’s an expression of my history, my storyline, my connection to and understanding of this current place and time. Of what people have said about your work (good or bad), what has most stuck with you? The need of these stories having a place, of carving a space for the stories I tell; especially specific to Native Girl Syndrome, just the importance it has in our present time. What are you most proud of? Being a mother. Speaking of my work, it’s an interesting process; I always feel like I’m navigating this place of decolonization. I feel proud in that my process allows me to further understand what the impact of the residential schools – but it goes beyond that – the impact cultural genocide has had on my lineage. That also goes back to the proudness I feel being a mother. My work allows me to deconstruct all that and understand it and process it. How do you feel about dance criticism? I think it’s good. When we shy away from that process of having dance criticism, there’s something… The politeness, you can feel it sometimes. That’s the good part of art, when you can dig deep and critique it on many levels. What’s the best piece of advice you’ve ever been given? I think just being told that dance is a lot of hard work. I don’t know if that’s advice or more “That’s the reality.” Maybe the advice that was given and that I feel has resonated to be true is that what I source as a choreographer isn’t found in the studio at all. The advice early on was that my life experience, my experience out in the world, outside of the studio, is what is gonna be my food. Maybe that sounds basic or “no kidding”, but when you’re brought up in that classical ballet world, that sort of “you gotta be in the studio to be creating”, maybe that idea comes off as foreign. It sounds weird, but the more time I take away from the form and actually just being in situations connects me to something more interesting in my work. What does dance most need today? Tolerance. It’s tricky because I think it’s important that art speaks for itself, but being a First Nations artist is always something that becomes the focus or a thing that has to be explained or justified or contextualised, and there’s not always a place for it in mainstream dance. Like anything and any art form, there’s still a hierarchy that takes place and I think that’s unfortunate when we’re talking about art. It’s limiting. Also – this is a personal preference and not a comment on a specific community – it’s this feeling that even the idea of dance… What I’m also interested in and where my work has shifted is that, dissecting it and breaking it down – again it’s going back to tolerance – I’ve had people say my work is not dance enough, whatever that means. I’m working with many elements and for me the expression is “that of the body.” To sum that up, it’s just that idea of breaking down those hierarchical systems and looking at art as something broader and limitless. Given the means, which dance fantasy would you fulfill? If I had all the means, it would probably be an odd place to exist as an artist. I have a fantasy – and it doesn’t seem intangible – but it’s more connecting to the wisdom and knowledge of traditional dance and that deeper link to the land and ancestors. What motivates you to keep making art? I’m always investigating this undercurrent of violence and trauma that exists in Canada that is the result of what has happened and continues to happen to First Nations people. My motivation and desire is to try to embed myself into a more indigenous perspective so that that becomes more of what’s expressed. The trauma is so deep and there are so many layers, generation after generation, that it feels like an endless journey. Native Girl Syndrome March 10-19 at 7:30pm www.espacelibre.qc.ca 514.521.4191 Tickets: 25$ / 30 years old and under: 22$
Tout est à inventer tout le temps. Dans [mes] pièces, souvent les personnages ont le nom des acteurs qui les jouent parce qu’ils sont écrits sur mesure. Ce sont eux qui m’inspirent et ils ont aussi un gros mot à dire sur le texte, sur ce qu’ils livrent. J’écris des bases, mais on en discute beaucoup et il y a toujours place aux modifications. Le texte, ce n’est pas mon bébé. Beaucoup d’auteurs, c’est leur texte et c’est très précieux. Pour moi, c’est comme un chantier, le texte. Il est modifiable tout le temps. Même aujourd’hui (moins de deux semaines avant la première) on en a changé beaucoup pendant les répétitions pour qu’il soit plus précis et plus juste.
Il y a beaucoup de « peut-être » [dans mes textes]. Il y a souvent des « possible ». Mais ça dépend… Orphée Karaoké, c’était autre chose. C’était un texte compliqué. Quelqu’un qui recevait le scénario d’Orphée Karaoké ne comprenait rien parce que c’était tellement avec les spectateurs et tout ça. (Orphée Karaoké était un spectacle sans acteur.) On se construisait une machine. C’était plus des tableaux. Par exemple, pour Les Dévoilement simples, toute la pièce était écrite dans un tableau Excel. On avait fait la même chose sur Le sacre du printemps. C’était plus une partition qu’un texte. On invente à chaque fois comment écrire les affaires. Je travaille beaucoup sur le rituel. Il y a beaucoup d’actions performatives sur scène. Je ne sens pas de réticence [de la part des acteurs], mais je sens une difficulté, parce que c’est rare. Souvent, au théâtre, on parle et on fait les actions; tandis que dans mon théâtre, on présente l’action qu’on va faire, on lui donne du sens, ça devient une action poétique très codifiée et les acteurs ne sont pas habitués de faire ça. Ils y trouvent un plaisir, mais ce n’est pas une habitude ancrée dans la création québécoise. En ce moment [au théâtre], on évacue beaucoup le texte. Les années 90 ont été très sur le texte, 2000 aussi; puis, depuis 2010, le texte est évacué au profit de la performance ou du théâtre d’images, avec [Romeo] Castellucci et tout ça; ce qui est très bien, une influence plus européenne, mais je pense qu’on va avoir besoin d’un retour au texte, au moins pour que ce soit égal, en fait. On est bon là-dedans ici : c’est tout ou rien. Pour moi, ça dépend des spectacles. Nos spectacles muets, j’en suis très fier, je suis content, je trouve qu’il y a une dramaturgie importante, mais c’est bien aussi qu’il reste une écriture au théâtre, qu’il reste une parole. Ce n’est pas dépassé. [Un animal (mort)] est parti d’une réflexion; en ce moment, on essaie beaucoup de se bâtir une identité et on nous pousse vraiment à ça : devenir quelqu’un, définir notre identité, notre individu, ce qu’on est, et brandir ça comme quelque chose dont on est fier. Il peut y avoir quelque chose de très beau là-dedans, mais moi, je ne peux pas dire que je me connais, que je me comprends totalement. Au début du processus d’écriture, j’étais dans un vertige; c’était un blues de Noël où je sentais que je ne m’habitais pas. Il y avait une distance entre ce que j’étais et ce que je pensais être, puis je me sentais vraiment déphasé. Je pense que c’est le genre de sentiment qu’on peut tous vivre des fois, de perte, de vertige. C’est faux qu’on a une identité définie. On est chargé de toutes les rencontres qu’on fait. On est plus acquis qu’inné, j’ai l’impression. On reçoit des affaires, puis ça nous forge. Je trouve qu’on est plus malléable qu’on dit qu’on est. Pour moi, c’était important de parler de ça parce que je trouve qu’on n’en parle pas assez sur nos scènes. On brandit souvent notre identité, même notre identité québécoise – « c’est quoi l’identité? » – on est vraiment sur des grosses questions identitaires en ce moment au Québec, et je trouve qu’on n’est pas capable de se définir non plus et c’est normal. On est malléable. On vit dans un monde malléable. De donner la chance à des personnages de mourir et de se réinventer et de renaître, je trouvais ça beau. En même temps, on a assumé que ça ne marchait pas. Dans le texte, il y a une faille. On n’a pas construit l’utopie parce qu’on ne se détache jamais totalement de nos défauts et de nos obsessions. On reste toujours un peu le même; l’enfant qu’on a été et l’adulte qui essaie de se construire par-dessus. Mais j’aime les petites failles et les petits trous, la faille de ne pas réussir totalement et d’être pris dans cette espèce de crise. On est parti d’un conte indochinois où les personnages mourraient tous quatre fois et ce n’était pas quelque chose de grave. La mort et la renaissance était une action dramatique simple. Je trouvais ça vraiment intéressant et c’est pas mal juste ce qu’on a gardé du conte, ce mouvement-là. Ça ressemble aussi un peu à nous. On tue toujours une partie de nous pour devenir quelque chose d’autre. C’est comme ça qu’on grandit et qu’on vieillit. On cherchait à avoir un espace scénographique pour recréer la nature, où il y a ce processus de vie et de mort qui coexistent. Ce système de vie et de mort qui se réengendre, on a essayé de le placer dans la scénographie, dans la mise en scène. C’est pour ça qu’on est arrivé à un espace d’herbes hautes, à la ligne des yeux des spectateurs. C’est un espace où les choses peuvent émerger et naître facilement, et en même temps les choses peuvent mourir avec calme. On peut avoir des disparitions où tu te couches dans le foin et tu es mort, puis c’est quelque chose d’autre qui peut émerger. Comme dans la nature, ce n’est pas trop violent. D’avoir à écrire ça m’a permis d’avoir une réflexion sur ce qui m’entoure et de délaisser ce stress-là de « devenir ». On dirait que ça laisse un peu plus d’espace… Pas besoin de rentrer dans les petites boîtes qu’on essaie de nous faire rentrer dedans. Pour moi, on est expansif et c’est beau. Un animal (mort) 8-26 mars www.theatredaujourdhui.qc.ca 514.282.3900 Billets : 27$ / 30 ans et moins : 23$ Audrey Rochette mène une carrière parallèle de chorégraphe et d'interprète. Depuis sa sortie de l'École de Danse Contemporaine de Montréal, ses pièces Poros (2010), In Vitraux (2013), A Rift in the Wall (2013) et CAKE (2012 et 2014) ont été diffusées à Tangente, au Festival Phenomena, au Théâtre Mainline et à Zone Homa. En tant qu'interprète, Audrey collabore aux projets de Kondition Pluriel pour European/ Mobile/ Dome/ Lab et Enjeux. Elle a dansé pour Lucie Grégoire, Isabelle Boulanger, Rosie Contant, Bruno Dufort et Vanessa Bousquet.
Quel a été ton premier amour en danse? Meg Stuart. Je me rappelle du sentiment innommable que j'ai eu en regardant une captation sur VHS de sa performance solo soft wear au FIND... Ça a tout changé. Et, fait intéressant, les artistes qui ont influencé ma pratique et avec qui je sens un lien filial très puissant ont souvent travaillé soit directement avec elle ou avec des artistes qui ont gravité autour d'elle, comme Benoît Lachambre, sans que je ne le sache en premier lieu. Je trouve fascinants les liens indicibles qui se tissent entre des artistes, les pratiques qui se répondent, l'effet papillon que ça crée. C'est complètement abstrait et si concret en même temps. De quoi es-tu le plus fière? D'avoir suivi mon instinct. D'avoir réuni cette belle et folle équipe-là. D'avoir gardé ma tête de cochon malgré les obstacles quant à la faisabilité de la production de CAKE, même si parfois je me trouvais cinglée de continuer. D'y avoir cru, même si ce projet-là, sur papier, ne se peut pas d'un point de vue rationnel et n'entre dans aucune case. Quel est ton rapport à la critique? La critique est essentielle, l'art vivant étant éphémère. Ça reste une des preuves que l'œuvre a existé et de l'accueil qui lui a été réservé. La critique est à prendre avec un recul historique. Après, je trouve qu'aujourd'hui, on a perdu une part d'analyse au profit d'une promotion déguisée. La critique devrait pour moi avoir comme vocation première de positionner l'œuvre dans le paysage culturel. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd'hui? De ponts; à la fois entre les générations d'artistes, les individus qui les composent et leurs démarches, mais aussi entre ses différentes sphères et structures. La danse a besoin de solidarité. De courage et de fierté aussi. Parce qu'il faut continuer de défendre notre place dans le monde et éduquer les gens sur l'importance de la culture. Mais ça, on ne peut pas le faire en se regardant les pieds, tête baissée, chacun dans son coin. Je rêve d'un mouvement rassembleur où on cesse de protéger son patrimoine personnel au profit d'un plus grand bien commun, pour bâtir de nouvelles bases. Si on t'en donnait les moyens, quel fantasme de danse te paierais-tu? J'en ai plusieurs... Une masse de gens sur scène. 30 personnes au moins. Un centre d'artistes, un grand local bien fenêtré pour répéter, qui accueillerait des artistes locaux et internationaux. Qu'est-ce qui te motive à continuer à faire de l'art? L'urgence. D'agir sur le monde, de rencontrer l'autre à travers l'œuvre. L'art est l'une des rares manifestations de la libre-pensée, et ça, ça vaut très cher ces temps-ci. C'est encore le seul moyen que j'ai trouvé de vivre en paix avec l'absurdité du monde. A minimalist at heart, Dorian Nuskind-Oder’s compositions emerge from a process that emphasizes economy of means and physical precision. Conceptual, but not cold, her work searches for poetic complexity through the cultivation of simple but ambiguous images. After completing her training at New York University and the Merce Cunningham Studio, Dorian worked as a freelance dancer and video editor in New York from 2004 until 2009, when she relocated to Montreal. Upon her arrival in Quebec, Dorian began collaborating with visual artist Simon Grenier-Poirier under the company name Delicate Beast. Supported by organizations like the Conseil des Arts de Montréal, Circuit-Est Centre Chorégraphique, Studio 303, and Tangente, the company has created four works, which have been presented in Montreal, Quebec City, Halifax, Boston, and Nottingham (UK).
Why do you move? It's pretty simple, actually: I move because it feels good and connects me to my body and the bodies of those around me. Also, it's virtually impossible for me to be dancing and thinking about my e-mail at the same time. What are you most proud of? In general, I have a lot of admiration for my own and other artists’ capacity to continue to create in the face of frequent rejection. I recently told someone that this sense of resilience is our superpower, and I totally believe that. What or who was your first dance love? I remember seeing John Jasperse's work for the first time at the American Dance Festival in 1999. I was sixteen. Up to that point, my training had been in classical ballet, and I had always felt like a bit of an outsider. Seeing John's work – which is really meticulous and prickly and sensual and cerebral – that was the first time I looked at a choreography and felt genuinely engaged. What does dance most need today? More time, less product. How do you feel about dance criticism? It is a process I am a part of, not something that is being done to me. Given the means, which dance fantasy would you fulfill? I'd build an Art Farm, a retreat in the woods where artists can come and work for intensive periods of time, while also hanging out with horses and dogs, and taking walks through wide open fields. I like living in the city, but I create more productively in places where I can see the horizon. I also like the idea of having a space that I could share with many other people. What motivates you to keep making art? The social nature of performance-making and performance-watching are super important to me. Both require a level of vulnerability and risk-taking that I otherwise would not experience in my day-to-day life. Looking at and making art requires a practice of remaining open and curious in the face of strangeness or not understanding. This practice feels important both to my own life and to society as a whole. Memory Palace February 25-28 www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Tickets: 23$ / Students: 19$ Marie Béland a complété un baccalauréat en danse à l’UQÀM, où elle a reçu la bourse d’excellence William Douglas. En 2005, elle fonde sa propre compagnie, maribé – sors de ce corps, avec laquelle elle a produit une série d’œuvres singulières où l’indiscipline s’organise avec précision et esprit; d’abord maribé – live in Montréal (2005), puis Twis-manivelle (2005), estimé par le journal ICI comme un des cinq meilleurs spectacles de danse de l’année. Suivent ensuite Dieu ne t’a pas créé juste pour danser (2008), qui reçoit le prix ARRIMAGES; RAYON X : a true decoy story (2010); BEHIND : une danse dont vous êtes le héros (2010); Vie et mort de l’élégance (2012), qui a remporté la médaille d’argent aux Jeux de la Francophonie; BLEU – VERT – ROUGE (2013); Révélations (2014); et BETWEEN (2015). Elle est également membre fondateur de la maison de production La 2e Porte à Gauche. En 2009, elle fonde avec deux collègues musiciens le collectif Le P.I.Q.U.A.N.T. (Le Projet Indisciplinaire Québécois Utilisant les Arts Nécessaires à son Travail), dont le premier spectacle, ÉPONYME (fake-fiction), a remporté le prix Création Francophone de l’Année au Festival Fringe. Elle est aussi auteure et chanteuse dans le groupe rock Chacal-radar. Quel a été ton premier amour en danse? Quand j’avais 14 ans, j’ai suivi mon premier cours de danse en milieu scolaire à mon école secondaire. Au premier cours, la professeure nous a fait improviser sur une série de musiques instrumentales, puis à la fin sur une chanson de Nirvana. Ça a été comme un appel très fort. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai compris que la danse pouvait revêtir différentes esthétiques et que, quelque part, il y en avait une qui pouvait me ressembler. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel est resté avec toi? On dit souvent que mon travail est ludique, et ça, je ne peux plus l’entendre! Ce n’est pas que c’est faux, au contraire, mais il y a dans le mot ludique une aura de légèreté, d’insouciance, qui s’apparente aux activités gratuites, sans ancrage ou sans fondement. Or, c’est tout le contraire de ce que je souhaite faire. Pour moi le jeu, c’est sérieux! Un jeu est structuré, il a un cadre, des règles, il demande pour être activé que chacun endosse son rôle, mais aussi fasse des coups, déjoue, invente. Il demande à ce qu’on s’implique, qu’on soit créatif, qu’on repère les agencements, qu’on manipule les limites, qu’on soit intelligent. À mon sens, il n’y a pas grand-chose de léger et gratuit là-dedans; c’est plutôt un des grands apports de l’art, comme du jeu, à notre société : cette possibilité de se mettre au défi, parfois même en danger, et de capitaliser sur cette expérience, de lui permettre de forger la personne que nous sommes. Ce qui est léger et sans conséquence, c’est le dénouement. On peut perdre au jeu ou voir un spectacle sans intérêt, et on n’en mourra pas. Quel est ton rapport à la critique? Il est très ambigu, car je ne sais plus aujourd’hui quel rôle joue ou peut jouer la critique en danse. Avec la disparition quasi totale des critiques de spectacle de danse dans les médias de masse, qui sont également en péril (comme certains journaux), je ne sais plus quel est le rôle de la critique, quel est son ancrage, son pouvoir. Je ne lis jamais les critiques des autres spectacles, je n’ai pas vraiment le temps ni l’intérêt pour ça. J’ai le sentiment que les bons billets sur un spectacle concourent à développer son aura, faire courir le bruit comme quoi c’est «à voir»; mais souvent, le temps que la nouvelle se répande, le spectacle est terminé. Quand j’ai commencé il y a 12 ans, je la prenais très au sérieux et ça me touchait. Aujourd’hui, je lis les critiques comme des avis de spectateurs, comme un feedback sur l’œuvre venant d’un spectateur averti. Je suis contente de les lire, je les partage sur les réseaux sociaux, ils deviennent comme partie prenante du réseau qui entoure l’œuvre. Ils se résument souvent à la décrire (et volent parfois des punchs de mon spectacle!), et proposent peu de mises en contexte ou de perspectives historiques ou esthétiques. Je ne les entends plus comme des voix d’autorité. De quoi es-tu le plus fière? Chaque fois que je ressens de la fierté, c’est quand les autres (le public, les pairs, les critiques) reconnaissent dans mon travail quelque chose qui n’est qu’à moi, qui est si singulier qu’il est caractéristique de mes œuvres. Je ne ressens pas le besoin de parler de moi dans mes œuvres, mais je souhaite que ma façon de parler, elle, soit unique. Ça me rend fière quand ça arrive parce que ça signifie pour moi que j’ai réussi à dépasser les lieux communs de mon médium, de ma pratique, à m’approprier assez les paramètres de la danse pour qu’ils soient au service des questions que je pose. Pour moi, c’est un signe de maturité dans le parcours d’un artiste. Je suis aussi très fière des gens qui travaillent avec moi, les interprètes avec qui je collabore surtout. Je suis fière de montrer au public l’œuvre comme étant notre acte de collaboration, comme une trace de la qualité des gens qui sont rassemblés autour de mon projet, comme le résultat d’un commun accord. Je trouve que ça allume une petite lumière dans la grande noirceur des conflits. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? Je ne sais pas si je peux répondre à cette question, mais je peux dire ce dont j’ai eu besoin pour comprendre ma danse. J’ai eu plus de facilité à me positionner à partir du moment où j’ai pu distinguer deux choses : la danse et la chorégraphie, la danse et l’art contemporain. Distinguer le mouvement dansé et son organisation chorégraphique (on peut danser sans chorégraphie, comme dans un bar, et on peut chorégraphier autre chose que de la danse, comme le mouvement d’un objet), et renforcer ce que la danse contemporaine a de contemporain, comment elle est une plus proche parente de la philosophie de l’art contemporain que de la danse dans son sens large (je pense ici à des pratiques de la danse plus commerciales, comme celles que nous voyons à la télévision). Si ces précisions m’ont aidé à me positionner comme artiste, alors peut-être qu’on peut dire que c’est ce qu’on a besoin pour la danse : de savoir mieux en parler, avec précision, sous plusieurs angles, en en déterminant mieux les esthétiques et les partis-pris, pour faciliter son accès, sinon inciter le public à s’y frotter. La danse a besoin qu’on développe notre discours à son sujet. Mais ça, on le sait déjà, car je pense que c’est déjà en train de se faire, peu à peu. Si on t’en donnait les moyens, quel fantasme de danse te paierais-tu? Celui de faire vivre mes œuvres plus longtemps. Je vis très mal avec l’aspect éphémère de mon médium. Je trouve désolant de travailler pendant un an, souvent plus, et de présenter la pièce trois fois. Si c’était en mon pouvoir, je ferais moins d’œuvres, mais je prolongerais leur durée de vie, je les confronterais plus souvent au public, je les laisserais prendre de la maturité, se transformer, vieillir au contact des gens. Les spectacles de danse contemporaine ont très souvent une plus longue vie dans l’intimité du studio qu’en présence des spectateurs pour lesquels ils ont été pensés. Ça ne revient pas à dire que chaque œuvre que l’on crée a un contenu assez fort pour durer, mais j’ai senti parfois dans le passé que certaines de mes pièces auraient pu vivre plus longtemps si ce n’était d’enjeux économiques. Je sens parfois qu’on est dans une logique de créer/jeter qui crée un débalancement écologique. Je ne suis pas certaine que la voie muséale est une solution pour la danse mais, si j’en avais les moyens, j’aimerais rétablir l’équilibre entre les temps de création et les temps de présentation. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Quand je pense à cette question, je pense plutôt à ce qui m’empêche d’arrêter; parce qu’au final, il y a mille raisons de laisser tomber une job si exigeante et qui rapporte si peu, où on se fait plus souvent décourager que valoriser. Qu’est-ce qui me manquerait fondamentalement si j’arrêtais? Le moment de la représentation qui me motive beaucoup. Je trouve ça extrêmement gratifiant de construire un objet, de le complexifier, de le structurer dans ses mille ramifications de sens et de sensations, de le partager ensuite avec les autres et que ces autres en reçoivent quelque chose, y voient quelque chose, y pigent quelque chose. Ça devient une façon de se reconnaître et de se parler entre humains. Il y a dans ça un aspect communautaire qui me pousse, qui m’incite à continuer. Je retrouve aussi l’idée de communauté dans les groupes qui se forment autour de la création d’une œuvre. Cette communauté temporaire autour d’un projet de création a une force à peine visible de l’extérieur, mais en fait c’est souvent très intense ce que nous vivons lors des processus de création. Ça nous unit et ça nous soude. Notre complicité dépasse souvent celles de simples collègues. Je ne sais pas si je pourrais retrouver cela ailleurs, si je quittais l’art. Finalement, je vois encore dans une certaine pratique artistique l’artisanat, c’est-à-dire faire œuvre en-dehors du contexte industriel, comme un des derniers bastions de résistance au système capitaliste qui peut agir de l’intérieur, un des derniers espaces où les lois ne sont pas tout à fait les mêmes que celles qui rythment le reste de nos vies; un peu plus d’ouverture, un peu plus de flexibilité, un peu plus de créativité et de prise de risques. Juste pour ça, ça vaut la peine de continuer. BEHIND… & BETWEEN
17-19 février à 20h www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets: 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins: 20$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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