Local Gestures
because the personal is cultural
![]() C’est bien d’avoir un groupe d’adolescentes dans un spectacle de danse. On peut souvent se fier à leurs réactions pour savoir si quelque chose d’intéressant se passe. Si elles se regardent constamment pour savoir comment elles devraient réagir (car on sait que, lorsqu’on est adolescent, les réactions individuelles sont interdites), c’est bon signe. C’est bien l’art qui laisse perplexe, face auquel même notre réaction ne peut être simpliste. C’est ce qui s’est passé lors de la représentation de (M)IMOSA: Twenty Looks or Paris Is Burning at the Judson Church (M) en cette deuxième journée du Festival TransAmériques. Ce n’est peut-être pas surprenant étant donné que, comme le sous-titre l’indique, le chorégraphe new-yorkais Trajal Harrell croise la culture queer avec la vision démocratique du mouvement des chorégraphes postmodernes. Et il n’est pas le seul chorégraphe-interprète. Il y en a trois de plus, rassemblant aussi Paris et Lisbonne : Cecilia Bengolea, François Chaignaud et Marlene Monteiro Freitas. On pourrait avoir peur que ce soit chaotique, et ce l’est, mais non pas à cause du nombre de chorégraphes, mais bien dû à l’esthétique postmoderne. Ironiquement, c’est aussi celle-ci qui permet au spectacle de faire preuve de cohésion. Le courant postmoderne a donné de la fraicheur à la danse. (« Ça respire, » j’ai écrit dans mes notes.) Il y a quelque chose de libérateur lorsque les gens cessent de se soucier du beau, du sexy. Ça fait du bien être laid ou ridicule de temps en temps. On retrouve dans (M)IMOSA le mouvement au quotidien, comme si les interprètes ne faisaient que danser dans leur chambre à coucher en chantant leur chanson du moment, sans trop se forcer, et que nous avions la chance de les espionner. D’un autre côté, il y a la performance « all eyes on me » des voguers et drag queens et kings. On peut d’abord se rappeler Spoken Word/Body de Martin Bélanger, et ensuite Pow Wow de Dany Desjardins, mais (M)IMOSA réussit mieux la transition au théâtre. Peut-être que la relation avec le public en est la raison. Les lumières continuent d’éclairer les spectateurs durant la pièce, comme pour nous faire sentir qu’on fait partie intégrale du spectacle. On fait fi de la religiosité conventionnelle de la performance théâtrale, et c’est ce qui finit par théâtraliser le tout. Les interprètes se promènent parmi le public et cherchent leurs accessoires dans les rangées sans se soucier du bruit qu’ils font. Il y a aussi quelque chose de rafraichissant à voir des interprètes de talent refuser la virtuosité, en faire moins qu’ils en sont clairement capables. Le talent se laisse alors deviner ici et là, et il n’en ait que plus réjouissant. En tout cas, leur confusion initiale passée, les adolescentes ont eu l’air de vraiment tripper. (M)IMOSA 25-26 mai à 21h Cinquième Salle www.fta.qc.ca 514.844.3822 / 1.866.984.3822 Billets à partir de 35$
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![]() Se mettre tout nu, se faire traiter de grosse, se faire mettre dans une cage, exposer sa vulve, se rouler dans le ketchup… C’est humiliant. Être un interprète de performance contemporaine, vraiment… Mais ça marche au début de Le cycle de la boucherie, la nouvelle pièce de Dave St-Pierre, parce que le chorégraphe assume pleinement le côté dégradant d’être interprète. Après tout, c’est souvent ça ou travailler au salaire minimum chez McDo. Évidemment, cette humiliation ne vient souvent pas d’elle même. C’est pour le metteur en scène que les interprètes font tout pour plaire. C’est lui qui a le pouvoir de leur donner la job, de les sauver du McDo. Et, étant la star de la danse contemporaine, St-Pierre peut en demander plus que n’importe quel autre. J’ai déjà entendu des rumeurs d’un acteur hétéro flirtant avec St-Pierre pour un rôle dans sa trilogie Sociologie et autres utopies contemporaines. Est-ce vrai? Qui sait… J’ai flirté pour beaucoup moins que ça. Toujours est-il que St-Pierre assume aussi pleinement, même si à travers la parodie, le côté tyrannique de son propre rôle. Dans Boucherie, ses interprètes ne sont pas des animaux parce qu’ils ont des têtes de lapin; ils sont des animaux parce qu’ils sont humains. Les femmes ne sont pas en cage parce qu’elles sont des lapins; elles sont en cage parce qu’elles sont grosses et que, puisqu’elles sont apparemment incapables de se contrôler, on doit le faire pour elles. L’opéra joue sans cesse, comme pour nous rappeler que les corps ne sont bons que pour être violés et tués. Dans la lignée du pop art, St-Pierre s’amuse à tacher l’image immaculée que les compagnies reines du capitalisme tentent de se donner. Ici, c’est McDo et Disney qui écopent. C’est populaire en ce moment. Juste à Montréal, on peut penser aux personnages de Disney version queer de Jonathan Reid Sévigny, ou l’exposition en cours à la Casa del popolo, où il n’y pas que le nez de Pinocchio qui gonfle. Dans Boucherie, c’est le danseur Vincent Morelle qui, mouillé et tout nu, doit se transformer en Bambi le pauvre orphelin qui patine malgré lui sur la glace ou Nemo qui gigote contre la mort hors de son bocal. Ici, St-Pierre refuse le sentimentalisme de ces pièces précédentes. Même lorsque l’acteur Gaétan Nadeau est au bord des larmes, St-Pierre murmure « Je suis touché, moi, » créant une distance qui bloque l’accès à l’émotion. Le « Je t’aime » est même transféré dans un bidule électronique qui le communique d’une voix robotique mais, cette fois, l’émotion passe quand même. C’est que Morelle active l’appareil qui jonche dans la bouche de sa partenaire Sylvia Camarda, touchant dans la projection de son désir. Encore là, l’eau, le sang, et le ketchup transforment la scène en une patinoire qui menace constamment les interprètes de leur faire perdre le pied. Ça témoigne de l’intérêt de St-Pierre pour le dégât, le chaos. Il veut la difficulté, l’effort, l’imperfection. Il veut l’humain. Malheureusement, St-Pierre a toujours de la difficulté à se défaire des stéréotypes féminins. Les femmes sont hystériques, les blondes sont stupides, les belles femmes sont des mantes religieuses, et les grosses ne sont pas grand-chose à part des grosses. Le chorégraphe travaille d’ailleurs sur une nouvelle pièce avec les interprètes Katia Lévesque et Debbie Lynch-White, Jambon cuit. En espérant qu’il leur donnera là un rôle plus actif que celui d’animal en cage. Leur danse à la fin de Boucherie est un pas dans la bonne direction. Enfin, malgré une certaine diversité des corps parmi les dix interprètes de Boucherie et les douzaines d’autres dans ses pièces précédentes, c’est toujours plutôt blanc. En fait, une Québécoise blanche imitait une actrice porno japonaise dans La Pornographie des âmes. C’était assez gênant. Le cycle de la boucherie 6-17 décembre Théâtre La Chapelle lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 33$ / Réduit : 28$ ![]() “I am shackled by truth and beauty,” wrote poet Richard Loranger. It’s a sentence that struck actress Céline Bonnier and dancer/musician Clara Furey. It served as inspiration for their show Hello… How Are You?, currently at La Chapelle. Unfortunately though, Hello offers little of either. In the few instances when it does work, it is specifically because it achieves a certain realness or truth, usually in spite of itself. First, they have decided to change the seating around so that the audience is facing the café-bar and the dressing rooms. So, when the two performers run from one to the other, the sound of their high heels echoes through the theatre. Second, Bonnier delivers a monologue taken from Pierre Maheu’s Le Bonhomme… which is a documentary. As reality television has now proven, the shit that comes out of ordinary people’s mouths is infinitely more creative than anything even the most imaginative writer could possibly come up with. In other words, people are a lot more unpredictable and fucked up than we can ever imagine. If Réjean Ducharme had written this monologue, we’d call him a genius. But, no… It was just a drunk woman in Saint-Henri going off on an unscripted rant. Third, Furey swiftly spins her head around over an aquarium. More than any other, this scene reveals Hello’s main problem: the disjunction between where it wants to work and where it actually does. As is always the case, Furey gives it her all onstage. And yet the effect of her performance on the audience is underwhelming. However, what does grab the attention is that her long dark hair hits the light in the process: light, dark, light, dark, light, dark… We need to cling on to these few short moments, a bit of everyday poetry in the middle of so much crassness. Fourth, the two of them put on nail polish and wave their hands back and forth so it dries faster. This simple movement is probably the most interesting in the entire show. I would have preferred to watch them do this for a full hour. At least, it would have shown dedication, clarity, commitment, and restraint. None of these qualities are to be found here. Last, Furey throws dark clay at Bonnier. It hits her and covers the wall behind her. Again, this is not what is actually of interest here. Something good finally comes from it when Bonnier moves away and, on the wall behind her, leaves a white paper silhouette surrounded by clay. It reminds me of environmental artist Andy Goldsworthy, who sometimes likes to lie down on the pavement when it starts to rain, and then stand up to reveal the silhouette left behind by his body but for a few seconds, before the rain swallows it too. Now there’s an artist with a clear concept. The performers list a bunch of “eyes” that advised them, but the ones they could have used are Nicolas Cantin’s. He knows how to get a lot out of little, as opposed to a little out of a lot. But, if you’re not going to put a good show together, at least you can always take your clothes off. It sells tickets. Hello… How Are you? October 11-15 at 8pm; October 15 at 3pm Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Tickets: 33$ / Students: 28$ ![]() Chaque fois que j’entends « Only Girl (In the World) » de Rihanna, je me dis que la chanteuse est rendue au point de sa carrière où les studio execs peuvent choisir ses singles en lançant une fléchette sur son album. Peu importe la qualité de la chanson, ça va tourner à la radio et ça va être un hit. C’est un peu le sentiment que j’ai ressenti hier quand j’ai été voir What’s Next?, le nouveau show de Dave St-Pierre et Brigitte Poupart. St-Pierre, c’est le Rihanna de la danse contemporaine; il peut faire ce qu’il veut et on va y aller pareil. Comme c’est toujours le cas avec St-Pierre, le show est hanté par la mort, commençant par le plancher de terre sous leurs pieds et dans laquelle on va tous finir. Les deux créateurs s’y retrouveront peut-être un peu plus vite que nous, puisqu’ils se ramassent entre les lames que se lancent des jongleurs. Ils deviennent ensuite participants d’un jeu télévisé régi par une divinité aux desseins obscurs, So You Think You Can Die. Ils démontrent que, peu importe comment on parle de la mort, on se retrouve toujours inévitablement dépourvu devant sa réalité; c’est pour cette raison que le mieux que St-Pierre peut faire, c’est citer des exemples du film Ghost pour expliquer ce qui leurs arrive. Il en ressort un sentiment d’urgence qui pousse les artistes à accomplir tous leurs fantasmes scéniques. Après tout, on pourrait mourir demain. Heureusement pour eux, leur dieu est prédisposé à exaucer tous leurs vœux. Ça commence avec des artistes de cirque qui n’en finissent plus de démontrer leurs exploits. Un peu comme la scène de mariage interminable qui ouvre The Godfather de Coppola. Poupart et St-Pierre dévoilent ensuite les détails les plus intimes de leurs vies à leur dieu pour tenter de l’apaiser. Lorsque Poupart en révèle un peu trop pour St-Pierre, il s’exclame « On se garde une petite gêne, Brigitte! » Évidemment, l’humour ironique est dérivé du fait qu’il est bien connu que St-Pierre n’a pas de limites. Mais ça démontre aussi que nous traçons tous nos lignes à différents endroits, et qu’il faudrait peut-être un peu moins juger les gens lorsqu’ils dépassent les limites que nous nous sommes imposées et qui ne sont pas nécessairement les leurs. Et suivent les fantasmes scéniques. Le Sacre du printemps de Pina Bausch pour Poupart. Sa formation n’est pas en danse, mais sa performance est convaincante. Les spectateurs se retrouvent de deux côtés opposés de la scène, ce qui la pousse à danser en conséquence. C’est un des aspects les plus intéressants du tableau, puisqu’elle ne peut faire dans la frontalité, ce qui multiplie les perspectives sur le mouvement. C’est suivi d’une séquence de bataille en slow motion à la Matrix, encore là pour Poupart, mais pour laquelle St-Pierre devient son adversaire. Ça devrait être risible, et ce l’est, même s’ils semblent plutôt vouloir trouver une beauté plastique au mouvement... mais elle n’y est pas, sauf si on observe l'ombre des danseurs au mur plutôt que leurs corps. C’est une des forces de St-Pierre d’extraire le plus de matériel percutant d’idées souvent simples, mais là l’effet n’y est pas et ça ne fait que perdurer. C’est ensuite au tour de St-Pierre, qui reçoit une armure métallique et une épée du ciel pour jouer Hamlet. Le moment fort est une gracieuseté de Carrie de Brian de Palma, et heureusement puisque St-Pierre, à peine audible, ne prouve pas son talent d’acteur. On retourne à Poupart lorsque la porte de garage aux côtés de la scène s’ouvre et qu’elle en tire une énorme carcasse d’un animal méconnaissable de son traitement au boucher. Poupart se glisse à l’intérieur, là où les organes se trouveraient habituellement. Le sang couvre son corps. Même si la chaire animale a déjà été utilisée en art (par l’artiste canadienne Jana Sterback pour sa légendaire sculpture Vanitas : Flesh Dress for an Albino Anorectic, entre autres), si rarement sommes-nous confrontés à sa réalité à l’ère moderne qu’elle en demeure percutante. C’est donc le tableau le plus efficace de la soirée, même si deux des éléments qui ont contribué à cet effet en soir de première se sont avérés accidentels. Le premier : deux papillons de nuit qui se sont faufilés dans la salle à travers la porte et qui battaient des ailes dans la lumière de scène autour de la bête; l’introduction du réel dans l’artificiel. Le deuxième : lorsque Poupart tentait de soulever la carcasse à l’aide de chaînes et que le mécanisme de poulies ne semblait pas fonctionner, son mouvement traduisait une frustration et une panique grandissantes qui ont aussi fait basculer sa performance dans le réel. Scène d’amour, pour le romantique St-Pierre, évidemment. Alors que St-Pierre est vocal, son partenaire est des plus silencieux, comme s’il était un homme sorti d’un rêve, plus image que son. Finalement, une section danse pour Poupart et St-Pierre maintenant recouverts de gras. Malheureusement, je me trouvais du côté de Poupart, et je pouvais voir que de l’autre côté de la scène St-Pierre donnait une bien meilleure performance. Un petit encore en chanson, comme dans Tout se pète la gueule, chérie de Frédérick Gravel, dans lequel St-Pierre dansait l’an dernier lors du même festival. Poupart au piano, St-Pierre qui chante. Encore là, on se rappelle que St-Pierre est chorégraphe, et tant mieux. À vouloir réaliser leurs fantasmes scéniques, les deux artistes en sont arrivés à capitaliser sur leurs faiblesses. C’est pour cette raison qu’ils se font voler la vedette par les musiciens live, plus intéressants à observer. Comme quoi les fantasmes s'avèrent souvent décevants en réalité. What’s Next? 6 au 9 juin à 21h 1300 Saint-Patrick (coin Wellington) www.fta.qc.ca 514.844.3822 Billets : 38$ / 30 ans et moins, 65 ans et plus : 32$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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