Local Gestures
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Nous attendons l’entrée des boxeurs. Nous sommes assis des quatre côtés d’une scène carrée surélevée d’une dizaine de centimètres à peine, un pâturage vert pomme étroit. C’est un à un que les quatre interprètes de 4-OR, nouvelle création du chorégraphe Manuel Roque, foulent la scène : Lucie Vigneault, Indiana Escach, Mark Eden-Towle, Sophie Corriveau, chacun portant des vêtements de sport rivalisant de mauvais goût.
Leur danse se déploie dans une dizaine de positions répétées en canon, comme si la Levée des conflits de Boris Charmatz (FTA, 2013) se frottait au minimalisme de Nicolas Cantin. (Peter James, collaborateur de Cantin, signe d’ailleurs la dramaturgie de 4-OR.) La séquence initiale se reconstruit au gré des interprètes par la suite, conservant parfois le décalage du début, tombant par autres moments dans une synchronisation accidentelle ou voulue. Notre attention délaisse le spectacle pour un instant et, à notre retour quelques secondes plus tard, force est de constater que nous ne retrouvons pas ce que nous avons quitté. Confrontés à l’illusion que nous sommes toujours en train de regarder la même chose, nous sommes toujours en train de rater quelque chose. Les mouvements sont toujours les mêmes mais la chorégraphie n’est jamais pareille. Comme c’était le cas avec Charmatz, nous pensons à Wavelength, le film expérimental pseudo-minimaliste du cinéaste canadien Michael Snow. L’association est d’autant plus appropriée ici : comme trame sonore, Roque nous offre des enregistrements sur le terrain – souffles dans le micro inclus – dont un de vagues. Assistons-nous au spectacle le plus exigeant de Roque? Puis, de nulle part, la musique de la chanteuse d’origine cubaine Celia Cruz, tellement en décalé avec ce que nous regardons que certains spectateurs éclatent de rire. À peine deux semaines plus tôt, les chorégraphes Hanako Hoshimi-Caines et Maria Kefirova utilisaient la même technique pour The Paradise, proposition tout aussi minimaliste. Noir. Un nouvel éclairage offert par une seule ampoule suspendue au-dessus de la scène révèle de la fumée. Contraste avec l’univers précédent. Exit la danse, entre le théâtre. Corriveau, maintenant accoutrée d’un chandail angora rose, joue avec une vache et un dinosaure en plastique. Escach se dandine sous le tapis vert. Eden-Towle apparaît en caleçon et en veston. Portant un collant vert, torse nu, Vigneault applaudit au ralenti avec ses gigantesques gants de Mickey Mouse. De façon surprenante, Escach émerge de sous le tapis, arborant une robe qui reflète la lumière en pépites d’arcs-en-ciel. Dans une danse aguicheuse, son bassin décrit des cercles alors qu’il n’y a rien de séduisant à ce qui se passe autour d’elle. Nous sommes dans un monde d’apparence. La juxtaposition inexplicable d’éléments hétéroclites se manifeste telle une fracture psychique. Le moment qu’il nous séduit avec un brin de magie inattendu, Roque nous plonge dans le noir final. Le vilain. Je l’aime. 3-6 décembre www.tangente.qc.ca 514.871.2224 Billets : 23$ / Étudiants : 19$
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Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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