Local Gestures
because the personal is cultural
« Malgré les apparences, tout est relié, » la chorégraphe Maguy Marin semble vouloir dire avec ce fil à peine visible que les sept interprètes de Salves s’acharnent à dérouler en début de pièce. C’est un monde fragmenté qu’elle nous présente en une série de courts tableaux se balançant entre l’impressionnisme et l’expressionisme. En 2011, le jeune chorégraphe montréalais Patrick Lloyd Brennan avait présenté The New Bourjoiesie, une œuvre théâtrale qui se voulait un portrait satirique d’une génération éduquée mais incapable d’accomplir quoi que ce soit. Avec Salves (créé en 2010), Marin offre un univers similaire, sans toutefois cibler une génération en particulier. C’est plutôt le vingtième siècle au grand complet qui y passe. Une pièce aux murs noirs nous plonge dans un huis clos. À peine éclairé, cet espace semble hanté par ses propres souvenirs qui déferlent en une série d’images. La bande sonore accentue l’effet, utilisant des bandes magnétiques qui nous ancrent dans le passé avec la statique et les voix qui s’entremêlent. Dans la mémoire, la chronologie n’existe plus et tous les moments peuvent se côtoyer. Le fil invisible retourne en boule. On pourrait aussi penser à L’Ange exterminateur de Luis Buñuel, bien que Marin ne s’attaque pas aussi précisément à une classe sociale. Avec Buñuel, c’était la bourgeoisie qui écopait. Ici, c’est tous ceux qui tentent désespérément d’ignorer la misère du monde pour pouvoir s’enfermer dans leur confort. Marin fait appelle à plusieurs icônes, incluant celle-ci : See nothing. Hear nothing. Say nothing. Mais, comme tout est relié, on ne peut y échapper. La réalité nous rattrape sans cesse. Même dans la tentative de confort, la faille s’incruste. Tout semble compliqué sans bonne raison. On dépense de l’énergie dans un travail à la chaîne alors qu’une seule personne y serait sûrement plus efficace. Tout est fait à la course. Inévitablement, une assiette glisse des mains et éclatent en morceaux. Les tableaux ne veulent pas demeurer suspendus au mur, comme si un malin fantôme s’amusait à défaire tout ce que les habitants de cette demeure tentaient d’accomplir. Rien ne semble fonctionner. Tous les efforts sont frustrés. Le travail n’offre pas de résultats. On est dans l’insatisfaction. Le monde extérieur s’impose lorsque, dans cet univers cohésif, un homme en blackface émerge et doit bousculer les habitants pour se faire une place sur un long banc. C’est à ce moment que Salves prend son ampleur politique. Refuser de sacrifier son propre confort pour faire une place à l’autre. Plus tard, c’est un soldat qui débarque et qui vient chambouler la maisonnée. La guerre est toujours heureusement ailleurs jusqu’à temps qu’elle ne le soit plus. Dans une scène mémorable de The New Bourjoiesie, deux personnages tentaient de préparer leur appartement pour un party en chamboulant tous les objets qui se trouvaient sur une table. Dans Salves, on prépare maintes fois des tables pour des banquets qui n’arrivent jamais. Encore une fois, on pourrait penser à Buñuel et son film Le Charme discret de la bourgeoisie. À partir de ces fragments, la maison semble vouloir composer une mémoire collective, tout comme ses habitants qui veulent rapiécer les pots cassés, sans jamais vraiment y parvenir. Comme on s’y attend de la part de Marin, Salves est une œuvre exigeante, mais dont l’univers est si bien défini qu’il finit par s’imposer. 26-28 septembre à 20h Théâtre Maisonneuve www.dansedanse.net 514.842.2112 Billets à partir de 29.50$
0 Comments
« Sonnez, grelots; sonnez, clochettes; sonnez, cloches! Car mon rêve impossible a pris corps et je l’ai Entre mes bras pressé : le Bonheur, cet ailé Voyageur qui de l’Homme évite les approches, - Sonnez grelots; sonnez, clochettes, sonnez, cloches! Le Bonheur a marché côte à côte avec moi; Mais la FATALITÉ ne connaît point de trêve : Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve, Et le remords est dans l’amour : telle est la loi. - Le Bonheur a marché côte à côte avec moi. » -Paul Verlaine, « NEVERMORE » L’extase de la naissance ne peut être soutenue indéfiniment. Toute nouvelle expérience, renouvelée jusqu’à ce que renouvellement ne soit que répétition, doit éventuellement se fondre dans la normalité comme tout autre chose, incluant le bonheur. Avec PLOMB, la chorégraphe Virginie Brunelle s’entoure de neuf danseurs pour explorer le thème de l’inévitabilité du deuil; car même le plomb léger propulsé hors du fusil, ayant atteint sa proie en vol, doit retomber au sol. Gravité oblige. Le sourire, aussi spontané soit-il, peut bien rayonner de positivité; tentez de le conserver et il devient une pose de yoga pour la face, le naturel devenant artificiel, un exercice d’endurance voué à l’échec. Par chance, les caméras s’éteindront éventuellement pour que l’animateur de jeu télévisé puisse redevenir humain. Même les gestes amoureux se répètent jusqu’à monotonie. Le seul moyen de réanimer le couple, temporairement, est d’avoir recours au drame. Sex, breakup sex, breakup. La gestuelle de Brunelle combinée à son exploration du couple hétérosexuel la pousse dans un carcan dépassé. Les hommes dominent physiquement, supportant les femmes-marionnettes. La seule possibilité pour les femmes d’être en contrôle est d’avoir recours à la séduction. Toutefois, la chorégraphe ratisse plus large dans sa thématique cette fois-ci, signe de maturation. Une figure paternelle en mode quasi-Alzheimer trouve tellement de problèmes qu’il éprouve de la difficulté à terminer une seule phrase. Un bouquet de mariage peut se transformer en fleurs pour des funérailles; la femme aimée, en poussière. La table à souper qui nous rassemble dans le temps nous sépare à la fois dans l’espace. C’est sur ce fil tendu que l’œuvre de Brunelle repose. 18-20 septembre à 20h; 21 septembre à 16h Agora de la danse www.agoradanse.com 514.525.1500 Billets : 28$ / Étudiant, 30 ans et (-) : 20$ Salves, Maguy Marin (Danse Danse) Septembre 26-28 Because last time Marin was in town, it was back in 2007 with Umwelt, which still holds as one of the best shows performed in Montreal this past decade. Prismes, Benoît Lachambre (L’Agora de la danse) October 16-19 Because Lachambre made quite the comeback last year with Snakeskins, his best show in years. Henri Michaux: Mouvements + Gymnopédies, Marie Chouinard (Danse Danse) October 31-November 2 Because Chouinard’s last show, LE NOMBRE D’OR (LIVE), is the one that has had the biggest impact on me since performer Carole Prieur first translated Henri Michaux’s drawings into dance back in 2005. We can only imagine what it will be like when all the dancers of the company will follow in her footsteps. Cuire Le Pain De Nos Corps, Sarah Dell’ava (Tangente) November 21-24 Because Dell’ava is probably the most intelligent mover in Montreal. LA VALEUR DES CHOSES, Jacques Poulin-Denis (Lachapelle) January 21-25 Because Poulin-Denis manages to expose the absurdity of human life while remaining funny and touching. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) January 30-February 2 Because Kefirova is one of the few choreographers in Montreal who knows how to deal with video in live performance. The adaptation project, Michael Trent (L’Agora de la danse) February 12-14 Because the last time Trent was in Montreal, he surprised everyone by being as conceptual as he was playful. Reviens Vers Moi Le Ventre En Premier, Annie Gagnon (Tangente) February 27-March 2 Because she’s one of the few choreographers in Montreal who’s not afraid to be serious. Mayday remix, Mélanie Demers (Usine C) March 12-14 Because, with just a few works, Demers has managed to establish herself as one of the most consistently good dancemakers in Montreal and it will be a treat to see her revisit her past works before moving on to the next artistic stage in her career. Mange-Moi, Andréane Leclerc (Tangente) March 20-23 Because Leclerc’s contortionism isn’t just a circus trick; it’s a philosophy that allows her to approach and explore space differently. http://dansedanse.ca/DDA_1314/en/ http://www.agoradanse.com/en http://tangente.qc.ca/ http://lachapelle.org/ http://www.usine-c.com/ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
All
|