Local Gestures
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Ceux qui voient la danse comme un sport ont raison de se réjouir cette semaine. La jeune compagnie de Vancouver The 605 Collective est en ville. Les cinq interprètes de leur tout dernier spectacle, AUDIBLE, font dans la vitesse et renforce l’idée du danseur comme athlète. Roulements au sol desquels on se relève rapidement, pivotements dans les airs, lancements au sol; tout est fait pour impressionner le spectateur… mais à un seul niveau. À pousser dans cette direction, The 605 Collective réussit à faire certaines trouvailles côté mouvement. Il y a cette entrée en scène dramatique, les cinq danseurs propulsés hors des coulisses. Il y a ce pied placé sous l’estomac du partenaire qui semble soulever son corps entier. Il y a cette menace de lancement au sol lorsqu’un danseur soulève un autre, mais où la victime dans sa descente abrupte demeure tout à coup figée dans les airs (en fait sur les cuisses de son agresseur). AUDIBLE a plusieurs qualités. Le choix de costume de départ, des complets, a pour effet d’activer le corps urbain – que l’on est plus probable d’imaginer assis devant un ordinateur. Les relations entre les cinq danseurs (trois hommes, deux femmes) sont d’égal à égal et non définies par le genre. Avec une forte dose de dynamisme, on fait aussi une très bonne utilisation de l’espace. Il y a au moins autant de défauts. On pourrait démontrer plus de créativité côté éclairage. L’humour est naïf. La structure est rudimentaire : on commence en grand, ça se calme dans le milieu, et on revient (du moins on tente) en trombe pour la finale. Ça donne l’impression qu’on a essayé de cacher le moins bon dans le milieu, une décision stratégique, mais il aurait quand même été plus sage de s’en débarrasser complètement. Quant à ceux qui aiment leur danse avec un peu plus d’esprit, ils s’en trouveront déçus. Même l’œil peut se tanner quand le cerveau n’est pas tout autant stimulé. AUDIBLE, c’est de la danse pop corn… Ça saute partout, après trois poignées on n’en veut plus, et quinze minutes plus tard on a encore faim. AUDIBLE 19-23 avril à 20h Usine C www.usine-c.com 514.521.4493 Billets : 29$ / 30 ans et moins : 22$
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Il est intéressant de voir Étude No 1 de Marie Chouinard moins d’une semaine après avoir assisté à la Biennale de Gigue Contemporaine. Qui aurait cru que la chorégraphe serait celle qui immiscerait la gigue dans un climat décidément contemporain… il y a dix ans de ça. En effet, ce solo a été créé en 2001 pour la danseuse Lucie Mongrain, qui reprend son rôle aujourd’hui pour célébrer les vingt ans de la Compagnie Marie Chouinard. C’est que Chouinard a un don pour la dramatisation de l’espace. Même lorsque Mongrain et son confrère James Viveiros entrent en scène que pour préparer la performance, ils captivent déjà notre intérêt. Bien sûr, la préparation elle-même est performance puisqu’on aurait pu s’en charger avant le spectacle. Lorsque la scène est prête, Viveiros dépose Mongrain sur le plancher bleu surélevé au milieu de celle-ci. Encore là, Mongrain pourrait clairement approcher le plancher de par elle-même, mais cette petite touche fait virer la performance dans le domaine du rituel. Dans la main de Viveiros, deux boules métalliques. Elles sont lancées et tombent sur le plancher de bois avec vacarme, leur son amplifié, mais leur roulement grave réconfortant. Les pas de Mongrain sont soumis au même traitement sonore, ce qui contribue grandement à la richesse d’Étude No 1. Le travail de Louis Dufort à la musique et au dispositif sonore interactif est exceptionnel. Vers la fin, les pas de Mongrain engendrent des effets sonores tels des vitres qui éclatent en morceaux, une disjonction qu’on dirait tirée d’un cartoon de Bugs Bunny. Plus tôt, les claquettes de Mongrain glissent sur le bois bleu avec le son d’une lame sur la glace. Ces glissements menacent de l’étaler de son long. Le mouvement est par contre éclectique. Quelques instants plus tard, il est robotique, les jambes et bras raides de Mongrain se pliant en parfaite synchronisation. Suit un tapement nerveux de la pointe du pied. La pièce est divisée en sections marquées par les sorties du et réentrées sur le plancher. Ces intervalles deviennent le site de préparations psychologiques pour Mongrain avant de se lancer dans des sections particulièrement intenses. Ces répétitions à la va-vite ne sont pas sans humour, comme ces coups de poing lancés dans le vide qui transforment le plancher an arène de boxe. Tout ça avant quelques pas de ballet sur la pointe des pieds, évidemment. Malgré (ou plutôt « dû à ») sa grande maîtrise, Mongrain parvient à communiquer le paradoxe de son corps. Parfois elle se bat contre son tronc qui s’affaisse, tentant tant bien que mal de le relever. La danseuse peut bien être en contrôle de son corps, elle n’en demeure pas moins humaine; il continue de se défaire comme celui de tout mortel. Étude No 1 était suivie de Les Trous du ciel, la première pièce de groupe que Chouinard a chorégraphié, en 1991. Catherine Lalonde du Devoir trouve que la pièce a mal vieilli… Elle est emblématique de son époque, certainement, mais à mes yeux nouveaux elle est toujours fascinante. L’utilisation du son (la seule musique est la voix des danseurs, chacun ayant son micro) est encore là magnifique. Même sur le plan visuel, le passage du lever du soleil à son coucher sans jamais apercevoir le jour crée une atmosphère magique. J’ai grandement apprécié la visite de cette tribu nordique dont les rituels épousent le mouvement des animaux. Oui, c’est de l’histoire, mais ça n’en demeure pas moins une expérience. La célébration des 20 ans de la Compagnie Marie Chouinard se poursuit au Théâtre La Chapelle en mai avec Des feux dans la nuit, le premier solo que l’artiste a chorégraphié pour un homme. On retrouvera la compagnie avec Danse Danse lorsqu’elle présentera sa plus récente création, Le Nombre d’or (live), en novembre. www.lachapelle.org www.dansedanse.net Si la tendance se maintient, je serais prêt à prédire que Noémie Azoulay, Élisabeth Pelletier-Ouimet et Mélissandre Tremblay-Bourassa se démarqueront de leurs confrères lors de la deuxième et dernière semaine de la 4e Biennale de Gigue Contemporaine (BIGICO). C’est que, lors de la première semaine, l’écart entre les œuvres chorégraphiées par les femmes et celles des hommes était si flagrant qu’il en est difficile à expliquer. Pour la première pièce, (im)pulsion, Olivier Arseneault a tenté de rendre la gigue sexy en la mariant au mouvement acrobatique et en passant par quelques phrases de breaking. Il manque toutefois à (im)pulsion le désir de faire plus qu’impressionner de par l’athlétisme de ses trois interprètes masculins. Le duo White noise de Pamela Poulin éprouve quelques difficultés à s’établir dès son commencement, mais parvient à composer une image surréelle en empilant couche après couche d’éléments éclectiques. Musique électronique, néons, cache-oreilles blanc, tops de coiffeuses de banlieue, tapis gazon, et gigue… Aucun trip de drogue ne peut préparer à ça. Répercussions de Philippe Meunier souffre des mêmes défauts que toutes les pièces chorégraphiées par ses confrères. Malgré sa performance enthousiaste, la scène demeure vide, la gigue étant présentée comme un tout plutôt que comme un élément parmi plusieurs dans la performance scénique. L’éclairage et la musique ne semblent qu’affixés à la performance et ne parviennent pas à y faire partie intégrale. (En fait, aucun éclairagiste n’est crédité dans le programme de la soirée, et ce pour aucune des pièces.) On devrait engager Anne Thériault comme œil extérieur. Le directeur artistique de BIGICO, Lük Fleury, présente trois courtes pièces. Chairtown est la plus réussie, même si les chaises-bâtiments de l'ébéniste Louis Gloutnez volent la vedette à la danse. Fleury ne s’assoit jamais sur ces chaises de bois, préférant plutôt les faire virevolter autour de son corps. La tension est palpable, les spectateurs priant qu’elles ne lui glissent pas des mains. Fleury démontre toutefois le pire jugement en ce qui concerne l’éclairage. Lumières bleues, rouges, et vertes; néons; découpage en forme de mots-croisés, de vitraux, et de pissenlits… Comme quoi on peut en faire trop. Avec Études de sol majeur (pour sol solo), la charmante Nancy Gloutnez offre une pièce sans accompagnement musical qui est honnête, simple, et subtile. Dans sa tête, de Maïgwenn Desbois, est la pièce la plus réussie de cette première semaine. Elle parvient à juxtaposer une multitude d’éléments, créant ainsi un environnement riche. Trois chaises en arrière-scène où les interprètes (dont un a le syndrome d’Asperger et une autre le syndrome de Williams) font du body clapping en nous tournant le dos, et un spot de lumière à l’avant-scène, une zone d’exutoire comportemental. Dans sa tête a l’aspect ludique d’un rêve, les interprètes apparaissant tels des héros victimes de leur subconscient, aux réactions hors de leur contrôle, mais prêts à affronter leurs peurs. Notons particulièrement la performance disjonctée de Gabrielle Marion Rivard. Au fil des années, il devient de plus en plus évident qu’il serait bénéfique pour BIGICO de se concentrer sur les meilleures productions et de se limiter à une semaine plutôt que deux. La deuxième semaine de BIGICO inclut aussi des pièces de Jean-Philippe Lortie et Ian Yaworski. 4e Biennale de Gigue Contemporaine Semaine 2 : 7-9 avril à 19h30; 10 avril à 16h Tangente www.tangente.qc.ca 514.525.1500 Billets : 18$ / Étudiants : 14$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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